Il traverse les Amériques à vélo

Le Québécois Dominick Ménard se donne à fond dans cette aventure qui le pousse à sortir (littéralement) des sentiers battus.

Qu’on se le tienne pour dit : Dominick Ménard ne craint pas les défis. Après avoir sillonné le continent pendant six ans à bord de sa caravane, voilà que ce nomade des temps modernes s’est lancé dans la traversée des Amériques à vélo, une odyssée qui le mènera jusqu’en Patagonie. Huit mois après son départ, il nous raconte la première partie de son aventure.


La Voix de l’Est l’a joint la semaine dernière, alors qu’il prenait quelques journées de repos mérité à Popoyo, une station balnéaire du Nicaragua. Quelques jours plus tôt, le Bromontois d’adoption avait franchi la barre symbolique des 10 000 kilomètres.

«J’étais ici il y a sept ans. J’avais rencontré un couple de Québécois qui étaient descendus en van jusqu’au Nicaragua. J’avais décidé à mon tour de tout quitter pour vivre comme eux dans mon véhicule. Ma vie a changé à Popoyo. Donc d’y revenir en vélo, je le savoure comme une petite victoire. Si mon périple devait se terminer ici, je serais content.»



Et quel périple! Dominick Ménard, qui s’est fait connaître du public dans l’émission de Bonvelo sur Canal Évasion, s’est lancé à l’aventure le 18 septembre 2022 depuis la ville de Victoria, en Colombie-Britannique.

«Au départ, mon objectif restait flou, car je ne savais pas si j’allais aimer l’expérience. Plus le temps avance et plus je me sens en possession de mes moyens. Je compte bien pédaler jusqu’en Patagonie (NDLR : dans le sud de l’Argentine). Si tout va bien, j’y serai au printemps 2024.»

Dominick Ménard s'est inspiré du voyage de l'auteur américain Jedidiah Jenkins, qui a lui-même parcouru les Amériques à vélo.

Avaler les kilomètres

Après avoir longé la côte du Pacifique jusqu’à San Diego en Californie, le voyageur a traversé la frontière mexicaine à Tijuana pour parcourir la presque totalité de la péninsule de la Basse-Californie, dont une bonne partie hors route.

Il a ensuite pris le traversier pour Mazatlan, dans l’État de Sinaloa, afin de sillonner le cœur du pays jusqu’à la ville d’Oaxaca. «L’ambiance, la bouffe, les couleurs, j’ai vraiment adoré cet endroit. Aussi, j’y ai fait de belles rencontres.»



De passage au Salvador, le Québécois contemple le Conchagua, un volcan haut de 1225 mètres.

Cinq mois après avoir mis les pieds au Mexique, il a finalement atteint le Guatemala, puis il a traversé le Salvador et le Nicaragua. «J’essaye d’accélérer la cadence, car la saison des pluies arrive à grands pas», indique-t-il.

L’appel de l’aventure

Ancien athlète de vélo de montagne, Dominick Ménard a toujours été un grand adepte de cyclisme, lui qui dévale les pentes de Bromont depuis 1997.

«Ado, je partais avec mon sac banane pour explorer la région. Avec les compétitions, j’avais perdu ça. Dans le dernier épisode de Bonvelo, j’avais fait Bromont-Sutton avec Nicolas Legault (directeur du Centre national de cyclisme) et sa conjointe Marie-Pierre Varin en bike packing, un mode de voyage qui s’éloigne un peu du cyclotourisme, car il s’agit d’une expédition en vélo hors route. J’ai pu renouer avec ce plaisir de partir à l’aventure.»

Panorama en Basse-Californie. Les expéditions hors route permettent de découvrir des paysages magnifiques.

La lecture du récit To Shake the Sleeping Self, de Jedidiah Jenkins — qui raconte l’histoire d’un jeune homme partant de l’Oregon pour se rendre en Patagonie à vélo —, va toutefois le convaincre d’entreprendre son périple.

«Quand j’ai refermé le livre, j’ai tout de suite senti que quelque chose en moi avait changé. L’idée de faire ce voyage m’a obsédé jusqu’à mon départ. Je suis assez fier de ce que j’ai accompli dans ma vie, mais je voulais réaliser quelque chose de grandiose. À 44 ans, je me disais que c’était maintenant ou jamais. Huit mois plus tard, je sais que j’ai pris la bonne décision.»

—  Dominick Ménard, voyageur

Vivre au jour le jour

Dans ce type de voyage, rien ne sert de trop planifier. «Selon les rencontres que tu fais ou la météo, l’itinéraire change toujours. Généralement, je prévois mon trajet la journée précédente selon les informations que je peux obtenir des habitants et celles que je trouve sur internet», raconte celui qui parcourt de 60 à 80 kilomètres par jour lorsqu’il est en déplacement.

Simplicité volontaire, vous dites? Dominick transporte avec lui 64 livres de matériel, dont une tablette de lecture et un mousseur à lait!

S’il a surtout dormi dans sa tente pendant la portion américaine du voyage, le Québécois se permet de passer la nuit dans de petits hôtels au Mexique et en Amérique centrale, question d’éviter les mauvaises surprises.



«De façon générale, je dirais qu’une expédition aussi longue n’est pas faite pour tout le monde. Il faut accepter de vivre dans l’inconfort.»

Dans le fief des cartels

Impossible de ne pas aborder la question de la sécurité, alors qu’il traverse certains pays gangrenés par le trafic de drogue. Fort heureusement, il ne lui est arrivé aucun malheur, même s’il est tombé à quelques reprises sur des membres des cartels au Mexique.

Dans l’État de Zacatecas, où deux groupes rivaux se livrent une lutte sans merci, il faisait la route avec deux autres voyageurs quand il s’est arrêté dans un petit village pour se ravitailler. Un homme s’est approché d’eux.

«Il disait appartenir au cartel de Sinaloa et il nous a posé une série de questions. Il cherchait à savoir qui on était et ce qu’on faisait ici. Quand il a vu qu’on ne représentait pas un danger, il a dit qu’il avertirait ses copains de notre venue pour nous laisser passer.»

L'arrière-pays mexicain dans toute sa splendeur, mais attention aux mauvaises rencontres!

Le lendemain, alors que le Québécois poursuivait seul sa route dans l’arrière-pays, il est tombé nez à nez avec un groupe de gens masqués et lourdement armés, qui patrouillaient dans un secteur à bord de camionnettes. À quel groupe appartenaient-ils? Dominick ne le sut jamais.

«J’ai ralenti en leur demandant si tout allait bien, ils m’ont envoyé la main en faisant signe de continuer. Je suppose que les cartels soignent leur image publique auprès des touristes.»

D’autres auraient eu la frousse, mais le voyageur affirme avoir gardé son sang-froid. «Je m’étais fait à l’idée que ce genre de rencontre pouvait arriver. Je m’étais préparé au pire.»

Le Québécois espère atteindre la Patagonie pour le printemps 2024.

Du temps pour réfléchir

Les longues journées à pédaler sur les routes ont aussi été propices à la réflexion, un luxe rare en cette époque hyperactive.



«J’ai pu constater les effets pervers des réseaux sociaux et du tourisme de masse à des endroits que j’avais visités auparavant. Beaucoup d’étrangers découvrent des petits coins de paradis grâce à internet et décident d’investir dans l’immobilier, souvent au détriment des populations locales et de l’environnement. Ce voyage m’a vraiment sensibilisé aux questions liées à l’accès au littoral et à l’occupation du territoire. Il faut changer notre mode de vie.»

Chose certaine, Dominick Ménard sait qu’il ne perd pas son temps en réalisant ce voyage. D’ailleurs, il a apporté son drone, ce qui lui permet de capter des images saisissantes des régions qu’il visite.

«Je le vois comme un investissement. Je filme beaucoup, car j’aimerais réaliser un documentaire et peut-être une nouvelle saison de Bonvelo, qui sait? Ça cogite beaucoup là-dedans!»

D’ici là, on peut suivre ses aventures sur son compte Instagram et sur sa chaîne Youtube.