L’éditeur de jeux québécois Synapses Games à la conquête du monde

Le jeu Pyramido

JEUX DE SOCIÉTÉ / L’éditeur de jeux de société québécois Synapses Games vient de lancer partout sur la planète le plus gros jeu de sa jeune histoire. Il se prépare maintenant à prendre en main le destin d’un autre titre parmi les plus populaires chez les amateurs. Entrevue avec Carl Brière, fondateur d’un studio où le jeu est à prendre au sérieux.


Le 8 septembre, Synapses Games mettait Pyramido sur les tablettes des boutiques spécialisées. Ce jeu familial compétitif au thème égyptien invite les joueurs à joindre des tuiles colorées de style domino pour construire les quatre étages d’une pyramide. On marque ensuite des points en fonction du nombre de cases de même couleur liées entre elles.

Vendu dans au moins 32 pays, traduit dans plus de 22 langues, imprimé à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, Pyramido bénéficie du plus grand lancement depuis la fondation de Synapses Games en 2018. Sans oublier un catalogue grandissant qui compte des jeux comme Cóatl, Crazy Tower, Tell me more, Match 5, Museum Pictura, Betta, Assassin’s Creed, L’empire de César, Encyclopedia, etc.

De plus, Carl Brière dévoile aujourd’hui une nouvelle acquisition, un titre réputé qu’il remettra sur le marché et entre les mains des joueurs expérimentés. Force est de constater que Synapses Games a un automne chargé.

Carl Brière, fondateur de la maison d'édition québécoise de jeux de société Synapses Games.

Q Qu’est-ce qui vous a séduit dans Pyramido?

R C’est le niveau de construction en trois dimensions sur plusieurs étages qui ont chacun un impact sur le suivant. Même si c’est un jeu accessible à tout le monde, ça donne un élément 3D qui change la perspective et apporte une autre dimension.

On aimait aussi son auteur (Ikhwan Kwon) avec qui on avait déjà travaillé. Il crée des règles extrêmement simples, mais dotées d’un esprit mathématique bien présent qui donne un beau casse-tête.

Q Pyramido sera inévitablement comparé à d’autres jeux populaires. On pourrait même l’appeler Kingdomino 3D…

R On l’entend. C’est très flatteur. Les gens qui y jouent trouvent que ça ressemble à Kingdomino au premier étage. Dès le deuxième étage, ils comprennent que ce n’est pas du tout ça. Le jeu est aussi comparé à Akropolis vu qu’on monte en hauteur, mais ce n’est pas pareil non plus. C’est comme le meilleur des mariages entre ces deux jeux.

Q Quel était votre objectif avec Pyramido?

R On voulait faire un jeu qui crée toujours une récompense. Un non-joueur se sentira intelligent parce qu’il va marquer des points et parce que sa compréhension va évoluer dès la première partie. Même si c’est simple, un joueur expérimenté se rendra compte au fur et à mesure qu’il y a un challenge où tout le monde trouve son compte.

Le jeu Pyramido

Q Ce genre de jeux ouvre certainement la porte à des extensions.

R Je dirais qu’on travaille sur quelque chose, mais ce n’est pas une extension. Je laisse la porte ouverte comme ça. Ce sera quelque chose Noël 2024.

Q Vous dévoilez aussi un nouveau jeu, une acquisition majeure. Qu’est-ce que c’est?

R C’est une grosse annonce dont on est vraiment très fiers. On a repris un titre qui se trouve dans le top 100 des jeux stratégiques sur BGG (la bible en ligne des jeux de société). On a resigné et retravaillé Yokohama qui devient un jeu de Synapses Games. Avec une qualité de matériel et des illustrations qui nous amènent complètement ailleurs. C’est comme si on sortait une version premium de Kickstarter (une site de sociofinancement réputé pour des jeux coûteux et expansifs), mais directement en boutique à un prix de boutique. La boîte de la nouvelle version va peser cinq livres et demie!

On va refaire cette série de jeux au complet. Au mois d’août 2024, on ressort le jeu de base. En 2025, la version roll and write (des jeux à cocher avec papier et crayon) et la version duel (pour deux joueurs) en 2026.

D’ici la fin de l’année, on devrait avoir une autre grosse nouvelle. Mais ça, d’un point de vue légal, je n’ai pas le droit de le dire!

La future version du jeu Yokohama de l'éditeur Synapses Games

Q Qu’est-ce qui vous a attiré vers Yokohama, un jeu compétitif de placement d’ouvriers pour deux à quatre jours qui fait de vous un marchand japonais du 19e siècle?

R C’est un jeu déjà connu qui a très bien vieilli. Je sais qu’on se battait contre de très, très gros studios pour l’obtenir. On l’a eu entre autres parce qu’on est bien implanté pour donner une visibilité internationale au jeu. C’est le fun de savoir qu’une compagnie québécoise est devenue une référence à ce chapitre, qu’il faut maintenant parler à Synapses. C’est beaucoup de travail, mais il nous arrive de belles choses. On est sur une excellente lancée!

Q Quels sont vos autres projets?

R En 2024, on présentera un nouveau titre à Cannes, un jeu de cartes avec des personnages hypercute qui nous déstabilise chaque fois qu’on joue une carte. Ça s’appelle Tanuki, du nom d’un raton laveur japonais. Un jeu familial rapide et intuitif, avec de l’action, de l’interaction et de la revanche autour de la table!

Ensuite, on continuera de travailler dans la préparation d’une suite pour Pyramido, mais aussi de nos prochains jeux à paraître en 2025 et 2026.

Q Quelle est la philosophie de Synapses Games?

R Comme j’ai travaillé une dizaine d’années dans le monde pharmaceutique, je m’intéresse à la science. Entre autres aux synapses des neurones du cerveau, qui servent à créer des connexions. Pour moi, un jeu de société sert à créer des connexions entre les gens autour de la table. C’est pour ça qu’on a appelé ça Synapses Games, pour l’interaction.

De plus, je n’ai pas beaucoup de gros joueurs autour de moi. Donc, je voulais un catalogue de jeux qui ne m’ennuient pas, mais que je suis capable de montrer à de nouveaux joueurs. Un intermédiaire pas ennuyant pour un joueur expérimenté, mais pas intimidant pour un non-joueur. Pyramido est la meilleure proposition pour ça. C’est exactement ce que j’avais en tête quand j’ai créé la compagnie.

Le jeu Pyramido

Q Je vous ai connu grâce au jeu Cóatl, conçu par deux Québécois. Était-ce votre plus gros succès jusqu’ici?

R Cóatl était notre jeu vendu dans le plus grand nombre de pays, près d’une quarantaine, et traduit en 21 langues. Mais Pyramido est déjà en train de surpasser ça. Et comme certains distributeurs dans le monde ont déjà tout vendu, on repart une nouvelle production à la fin du mois. À ce moment-là, on aura dépassé Cóatl à tous les niveaux.

Q Quel est votre plus gros succès au chapitre des ventes?

R Notre plus gros succès est Crazy Tower. En termes de ventes d’unité, on est rendu dans les six chiffres, plus du double de nos autres titres. C’est un jeu extrêmement grand public. Le prix est bon, le matériel est bon, ç'a vraiment fonctionné. En fait, on le réimprime encore.

Q Au Québec, quand parle-t-on d’un jeu à succès?

R Ça dépend vraiment du type de jeu. Les jeux très grand public, comme Codenames ou L’Osti d’jeu, vendent plusieurs milliers de copies par année. Si on parle d’un jeu plus stratégique, comme Ark Nova, je ne pense pas qu’il va faire 2000 copies au Québec même si ç'a été un succès monstre.

Plus le jeu est grand public et disponible en grandes surfaces, plus monsieur et madame Tout-le-Monde risquent de l’acheter. Synapses Games est moins dans cette catégorie. On est plus présent dans les boutiques spécialisées. Si Pyramido en vendait 500 000 copies au Québec, je serais enchanté bien sûr, mais je suis réaliste!

Q Comment se porte l’industrie du jeu maintenant?

R Les gens continuent d’acheter et de jouer beaucoup. Mais on est dans une période d’inflation, donc le prix du jeu moyen que les gens seront prêts à payer est moins élevé. Les jeux à 25 $ ou moins entrent encore dans le budget. Ça restera toujours un bon marché.

La section qui est à risque de ralentir, ce sont les jeux à 60 $. Ça revient cher pour les familles. Plusieurs seraient prêtes à payer 60 $ ou 80 $ pour aller au restaurant, mais par pour acheter un jeu. C’est le segment de marché qui risque de ralentir le plus dans la prochaine année. Mais on va vraiment le voir quand on va se rapprocher du temps des Fêtes.

Q Qu’est-ce qui vous a poussé à quitter le domaine pharmaceutique pour le monde ludique?

R Je suis arrivé par hasard dans le monde du jeu, fin 2009, puis j’ai aimé ça. J’ai travaillé pour des distributeurs, des éditeurs, des manufacturiers. J’ai appris beaucoup. Un moment donné, j’ai décidé de me lancer, pour ne pas le regretter un jour. Il faut vivre ses rêves.

Q En plus de Synapses Games, on compte au Québec les éditeurs Scorpion Masqué et Plan B Games, le designer Maxime Tardif et son jeu Earth, l’équipe de la chaîne YouTube Es-tu Game? qui a animé un gala de jeux à Cannes. Le monde québécois du jeu de société est en ébullition, on dirait?

R Il y a plus de 500 auteurs de jeux juste en France. Au Québec, notre bassin est très limité, mais quand on regarde au prorata, on performe extrêmement bien. Scorpion Masqué et Plan B sont des joueurs principaux dans l’industrie mondiale du jeu. On ne peut pas les ignorer. Ça montre qu’il y a énormément de talent au Québec.

Du côté des auteurs, il y a un professionnalisme généralisé qui commence à monter. On le voit dans la qualité des propositions qu’on reçoit. En trois ans, j’ai vu une évolution. C’est hyper positif parce qu’on est en train de construire notre bassin potentiel d’auteurs. Il y a beaucoup de talents québécois et canadiens, mais on ne le sait juste pas. Le côté artistique pour chanter et être drôle, on l’a. Mais il n’y a pas juste Céline et le Cirque du Soleil!

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Qu’est-ce que cette chronique Jeux de société?

Passionné de jeux de société, je plonge avec vous dans le monde ludique, gardant à l’œil la perspective du consommateur qui — comme moi — découvre et explore ce passe-temps.

Je teste pour vous des jeux de table, de plateau, de dés et de cartes pour livrer mes recommandations et mes premières impressions sous forme de palmarès thématiques, de suggestions de nouveautés, de rencontres avec des créateurs, etc. Et ce, toujours en faisant une belle place aux jeux offerts en français dans les boutiques du Québec.

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