En jetant un regard sur l’histoire, la présence de la communauté des Pères trappistes dans le nord du Lac-Saint-Jean trouve son origine dans une demande de l’évêque du diocèse de Chicoutimi et du gouvernement de l’époque. Ces derniers avaient demandé aux moines d’Oka d’y établir un monastère sur les terres actuelles de Dolbeau-Mistassini. Cette demande était motivée par le fait que l’on voulait ouvrir un nouveau territoire à la colonisation, et ainsi freiner l’émigration de nombreux citoyens vers les États-Unis pour des raisons économiques.
Reconnu pour leurs connaissances en agriculture
Déjà établis à Oka depuis 1881, les moines avaient la réputation d’exceller en agriculture. Les gens habitant les alentours pouvaient donc bénéficier de leur aide et de leurs connaissances. Leur réputation ayant dépassé les frontières de cette région, c’est ainsi qu’on leur a demandé de s’établir à Mistassini. L’année 1892 étant reconnue par les autorités municipales comme étant l’année de fondation de Mistassini, on attribue aux trois moines venus d’Oka d’être les fondateurs de Mistassini et de la paroisse Saint-Michel.
Au fil des ans, les gens sont venus s’établir dans ce qui est alors devenu le Village des Pères. Ces mêmes gens ont, à leur tour, bénéficié des connaissances des moines en agriculture. C’est ainsi qu’en venant travailler avec eux et pour eux, ils ont été en mesure d’appliquer ce qu’ils avaient appris, et ainsi transmettre aux autres générations leur savoir-faire.
L’exploitation agricole des moines comportait, entre autres, une laiterie, une beurrerie, une fromagerie (le gouda), un moulin à farine, l’élevage des poules, une fabrique de conserves (fèves, pois, bleuets). Se sont ajoutées, en 1939, une confiserie et, en 1978, la chocolaterie qui n’a plus besoin de présentation puisque sa réputation dépasse les frontières.
Depuis plusieurs années, le Saguenay-Lac-Saint-Jean a vu plusieurs communautés religieuses quitter la région. La principale raison est l’âge avancé des membres de celles-ci, mais aussi le manque de relève. Lorsqu’elles ont été fondées, une majeure partie de ces communautés avaient comme mission l’éducation et la santé. Parmi celles qui demeurent, certaines, à travers leurs membres, s’impliquent encore discrètement dans des secteurs communautaires. Pour d’autres, on les retrouve actives à l’Ermitage Saint-Antoine du Lac-Bouchette; au Centre Augustinien de Saint-Félicien, auprès des personnes ayant des problèmes de santé mentale; à Chicoutimi, œuvrant discrètement dans l’animation et l’accompagnement spirituel. À Dolbeau-Mistassini et à Chicoutimi, nous retrouvons encore des communautés réunissant des moniales et des moines.
Tout est accompli
Alors qu’il prenait la parole les 8 et 10 septembre derniers dans deux célébrations eucharistiques dans lesquelles on a voulu leur rendre hommage, le père Clément Charbonneau, membre de l’ordre cistercien de la Stricte Observance, a voulu expliquer le départ des membres de la communauté par les mots suivants : « J’ose penser que ce départ survient parce que les moines ont accompli l’œuvre qui leur a été confiée, celle d’être un lieu de prière et de recueillement dans le diocèse de Chicoutimi, et celle de permettre à une région de naître et de se développer. Donc, pour nous, peut-être que tout est accompli. »
Contribution des Pères trappistes
Si la chocolaterie des Pères est devenue un emblème régional, la contribution des Pères trappistes ne se résume pas qu’à celle-ci. Leur principale contribution aura été de permettre aux gens demeurant au nord du Lac-Saint-Jean, et sans doute dans les alentours, d’apprendre à cultiver les rudiments de l’agriculture et tous les moyens de subsistance que celle-ci permettait. S’ajoutent à cela les centaines d’emplois qui auront permis à des gens du secteur de « gagner leur vie ». Ayant questionné quelques personnes lors de mon passage à Dolbeau-Mistassini, certains employés et ex-employés ont fait mention que les Pères leur ont donné la chance de se réaliser en tant que personne, mais aussi, qu’ils leur ont inculqué les valeurs du respect des personnes et des normes à suivre sur le plan du travail, de l’importance d’offrir aux gens une qualité hors-norme des produits fabriqués à la chocolaterie. Enfin, par leur présence discrète, leur prière quotidienne et leurs bons conseils, ces Pères auront été comme des paratonnerres.
Comme pour toutes les personnes qui doivent laisser leur emploi, leur maison, voire même la région, nous pouvons comprendre le déchirement qui habite les trappistes qui ont vécu toute leur vie au nord du Lac-Saint-Jean. Si le deuil a été amorcé dans la réflexion qui les a amenés à prendre la décision de quitter, il restera encore à vivre au moment de déménager et dans les mois qui suivront.
En ce qui nous concerne, la prochaine fois que nous dégusterons un des chocolats en provenance de la chocolaterie des Pères, ayons une pensée pour eux, qui, à leur façon, ont contribué à bâtir notre région et l’ont fait connaître au-delà de nos frontières.
À la communauté des Pères trappistes, comme nous aimons les appelés, merci de tout cœur pour ce que vous êtes, mais aussi, pour votre riche contribution au sein de notre région.