
Comme une bouffée d’air frais [PHOTOS + VIDÉO]
La fourmilière était pleine, lundi matin, pour cette première journée de déconfinement en zone orange, un moment qu’on attendait tous. J’ai dîné au Café Summum sur la rue Racine avec Antoine, un étudiant universitaire qui avait hâte de quitter son appartement et ses écrans pour enfin voir du monde.

Nous étions assis au bar, deux adultes d’adresses différentes à deux mètres de chaque côté des autres clients. Honnêtement, je crois que je commençais à souffrir de confinement aigu. Je suis parti pour alimenter une chronique, comme à l’habitude, mais cette fois, ç’a été libérateur, j’avais l’impression de vivre de quoi de bien, mais collectivement, en même temps que les autres.
J’ai demandé au propriétaire du restaurant, Bénédict Morin, qui était le plus content; les clients ou les employés? « Les deux, mais il y a des clients qui étaient vraiment heureux de pouvoir enfin revenir au restaurant », dit-il en précisant qu’il a réussi à trouver des heures de travail à tous ses employés. « Nous avons dû refaire le menu au complet, et pour la bière, nous avons les microbrasseries régionales qui nous alimentent, les fournisseurs nationaux n’ont rien produit depuis des semaines», rapporte le restaurateur.

Deux adultes par table
« Les normes sanitaires nous restreignent à deux adultes par table, deux adultes d’adresses différentes ou de la même adresse et les clients doivent être à deux mètres de distance des autres tables », indique-t-il. Et non, on ne peut pas asseoir trois adultes de la même adresse à la même table.
Aller au restaurant n’est pas un service essentiel, mais pour de nombreuses personnes, ça fait partie de leur vie sociale. «Je vis seul et le repas du midi au restaurant, c’est une occasion de voir des gens. Quand on est un habitué de la place, on finit par créer des liens avec le personnel et les autres clients. Tout le monde était tanné de ça, là », exprime un client qui mangeait près de nous au bar.

Les employés sont aussi très contents d’être de retour au travail. « J’ai travaillé un peu pour les take-out, les gens étaient très gentils, mais on avait hâte de revoir les clients », admet la serveuse en déposant le gravlax de saumon et le poulet général tao que nous avions commandés. Il y avait au moins une trentaine de personnes pour ce premier dîner déconfiné depuis la fin octobre.
Après ce sympathique «moment de presque vie normale», je suis allé au salon de coiffure en espérant un rendez-vous. Le centre commercial grouillait d’activités, on venait échanger les cadeaux de Noël. D’autres probablement cherchaient des mitaines pour leurs enfants qui avaient dû les perdre dans la cour de récréation, comme cela se produit toujours.

Au salon de coiffure, on me propose un rendez-vous pour jeudi, c’est plein toute la semaine. Le salon d’à côté me propose un rendez-vous dans les 30 minutes, ce que j’accepte. « Ma collègue qui fait ce métier depuis 30 ans a des rendez-vous pour les deux prochaines semaines », me raconte la coiffeuse pendant qu’elle lave le peu de cheveux qu’il me reste.
J’ai croisé un collègue de TVA un peu sidéré d’avoir rencontré des gens qui se sont pointés au centre commercial juste pour l’ambiance. C’était un peu comme plonger dans un lac au bout d’un quai et de nager vers la surface pour reprendre son souffle, ça fait du bien. C’est le sentiment qui flottait dans l’air lundi dans notre zone orange.

Souper au restaurant
On a aussi réservé au Chez Georges en soirée, pour le souper. Des amis - nous étions une dizaine - avaient réservé des tables pour deux adultes, chacune à deux mètres de distance pour enfin prendre un repas en gang et se voir la face. Comme des enfants, en plein lundi soir, on en profitait comme un vendredi pour célébrer la fin de la semaine. Les amis ont dit, c’est un «lundredi». Les gens y sont allés à deux, à quatre, mais tous avec le sourire.
« On s’ennuie du monde. On travaille dans le monde parce qu’on aime le monde. C’était correct d’arrêter, mais ça va faire du bien de recommencer», raconte une serveuse que j’ai interpellée au début de son quart de travail.

«Nous avons 33 tables de deux personnes, nous arriverons à servir une centaine de repas, ce soir (lundi), tout en continuant la livraison et les plats pour emporter. Les employés sont heureux de revenir au travail», a commenté Sandy Laforge, copropriétaire de Chez Georges.
Ça va revenir rapidement, mais les travailleurs avaient perdu une fraction de seconde dans l’exécution de leurs tâches. Que ce soit pour la facturation, le paiement, le service, tout le monde avait un peu d’hésitation dans ses gestes. Le repos ralentit à la longue.