Chronique|

Attachée à l’écriture cursive

Alors que le retour de l’écriture cursive est obligatoire chez nos voisins depuis septembre, on apprend qu’au Québec, c’est un peu le Far West !

CHRONIQUE / Le débat est lancé, ou relancé, puisque depuis quelques années, des pays comme la Finlande ont décidé d’abandonner l’apprentissage des lettres attachées aux jeunes enfants. Plus près de chez nous, la province de l’Ontario avait elle aussi choisi de retirer cet enseignement en 2006. Alors que le retour de l’écriture cursive est obligatoire chez nos voisins depuis septembre, on apprend qu’au Québec, c’est un peu le Far West !


J’ai 46 ans. Je fais donc partie de cette génération qui a appris à former d’abord des lettres script pour ensuite pratiquer les lettres cursives dans les cahiers créés à cette fin. Comme j’aimais tracer de belles lettres et recevoir des autocollants colorés pour souligner mon travail bien fait ! C’est d’ailleurs cette façon d’apprendre à écrire qui est encore au programme dans les écoles primaires du Québec d’aujourd’hui.

Sauf que. Il semble que concrètement, le choix d’enseigner les lettres attachées revient à l’enseignant qui est guidé par son équipe-école. En d’autres mots, l’uniformité n’est plus de mise et c’est peut-être ça qui est le plus embêtant. Un élève qui change d’école doit possiblement ajouter cette adaptation à toutes les autres que requiert un déménagement pour un jeune enfant.

Je me souviens qu’à mon époque, certains élèves traînaient un énorme retard en lecture et en écriture une fois rendu au secondaire. En fouillant un peu, on se rendait compte que l’enfant avait appris à lire et à écrire selon une nouvelle méthode en phase d’expérimentation.

Est-ce que d’apprendre à écrire des lettres script pour ensuite les transformer en lettres cursives est la meilleure des méthodes ? Je ne sais pas, cette question revient quant à moi aux spécialistes en la matière. Reste que ce sont les raisons pour justifier l’abandon des lettres attachées qui m’agace un tantinet.

D’abord, on dit que c’est trop difficile. Apprendre les deux types d’écriture créerait une surcharge chez l’enfant. On est loin du dogme qu’on entendait abondamment à une certaine époque soit celui de croire que les enfants sont capables d’apprendre comme les éponges peuvent absorber beaucoup d’eau.

Serions-nous en train de réaliser que finalement, les éponges débordent ? Était-ce vraiment une priorité d’apprendre l’anglais dès la première année du primaire avant même de s’assurer que le français soit bien maîtrisé ?

Continuellement abreuvé d’informations de toutes sortes, il est possible que les élèves d’aujourd’hui doivent délester ce qui apparaît inutile dans un monde de plus en plus numérique. C’est d’ailleurs le deuxième argument qui est généralement évoqué par les militants de l’abandon des lettres attachées. Pour eux, le futur est un clavier, des lettres script qu’on tape un doigt à la fois. Et comme plus personne (ou presque) n’écrit des lettres à la main, on va jusqu’à remettre en question l’écriture manuscrite qu’elle soit en lettre attachée ou non.

Tout cela est un peu paradoxal. De plus en plus, les changements climatiques promettent d’épiques tempêtes nous coupant fréquemment l’accès à l’électricité. C’est bien beau de communiquer avec ces pouces au moyen d’applications pour texter, mais que ferions-nous en cas de panne majeure? Comment écrire des notes à la main si l’on ne l’enseigne plus à la petite école ?

Pourtant, si on considère que l’écriture manuscrite est désuète, pourquoi continue-t-on d’apprendre à nos jeunes à compter ? La calculatrice n’a pas remplacé le calcul mental ? Et dans le même esprit de se tourner vers la facilité, pourquoi ne pas remplacer les souliers à lacet et préconiser les attaches velcro ? Même qu’on devrait tous porter des bottes de caoutchouc ou des mules, c’est bien plus facile à enfiler !

Vous avez compris mon ironie. Mais abandonner les lettres cursives c’est à mon avis, choisir la facilité. Nous plongerons tranquillement vers une société digne du film Idiocratie. Si vous n’avez pas encore vu cette satirique comédie de science-fiction mettant en vedette l’acteur américain Luke Wilson, courez le louer ! Bon, c’est vrai, on n’a plus besoin de se déplacer pour visionner un film en location. L’évolution a ses côtés très positifs.

Mais lorsque vous aurez vu le portrait de ce monde stupide où les gens n’apprennent plus à lire et à écrire, mais utilisent des dessins simples pour se faire comprendre, vous remettrez peut-être en question l’intérêt de tout simplifier.

En ce qui me concerne, j’ai toujours adoré écrire à la main. Je sais, je suis une artiste et il est évident que je m’amuse à calligraphier mes notes manuscrites. Et quand je me suis fait amputer mes deux mains, une physiatre de l’hôpital m’avait affirmé que plus jamais je n’allais être capable d’écrire entre les deux lignes d’un cahier Canada. Selon elle, cet exercice allait être trop difficile à réaliser avec des prothèses. Drôlement, au moment de ma réadaptation, mon ergothérapeute m’a remis des cahiers de pratique identiques à ceux qu’enfant, j’ai utilisés pour apprendre les lettres cursives.

Depuis, j’ai retrouvé toute ma dextérité avec un crayon. J’arrive à écrire facilement en petits caractères si je le désire. En lettres attachées, car je confirme, il est beaucoup plus rapide et fluide d’écrire ainsi sans avoir à lever ma prothèse à chacune des lettres !