Chronique|

« Pourquoi faut-il faire de la politique avec la sécurité routière? »

En 2007, on pouvait déjà se demander comment croire que les autres provinces canadiennes et la plupart des pays de l’Union européenne avaient tout faux concernant le taux d'alcool au volant.

CHRONIQUE / Dans leur ensemble, les Québécois sont désormais favorables à la baisse du taux d’alcool à 0,05 pour prendre le volant, nous apprenait lundi un sondage SOM réalisé pour Les Coops de l’information.


Six Québécois sur 10 voudraient que tous les conducteurs affichant un taux d’alcool de 50 mg ou plus par 100 ml de sang plutôt que de 80 mg (« 0,05 » plutôt que « 0,08 ») soient sanctionnés.

C’est une excellente nouvelle quand on sait que les gouvernements ont souvent refusé d’aller de l’avant de crainte de heurter l’opinion publique.

Il y a eu une exception notable en 2007. On était alors passé très près de mettre fin à cette faute. La ministre des Transports de l’époque, la libérale Julie Boulet, avait présenté un projet de loi qui prévoyait des sanctions administratives dès le 0,05 atteint.

Malheureusement, l’ADQ et le PQ avaient combattu la mesure. L’adéquiste Pierre Gingras et le péquiste Serge Deslières avaient même refusé un amendement de compromis qui prévoyait reporter l’application de cet aspect du projet de loi de 2008 à 2010.

« Pourquoi faut-il faire de la politique avec la sécurité routière? », avait déploré Jean-Marie De Koninck de la Table sur la sécurité routière. Les experts s’entendaient sur la nécessité d’aller de l’avant.

En 2007, on pouvait déjà se demander comment croire que les autres provinces canadiennes et la plupart des pays de l’Union européenne avaient tout faux en la matière.

Une autre tentative et un autre échec sont survenus en 2010.

Depuis, tous les gouvernements ont botté le ballon sur les lignes de côté. Ils ont craint un ressac de l’opinion publique. Ils ont fui leurs responsabilités.

C’est la définition même de pusillanimité.

Un message clair

Il existe un début à tout. Ce sondage peut en constituer un. Il montre une encourageante évolution des mentalités. Il peut agir comme un réveil des consciences. Il le doit. Il le faudrait.

Encore récemment, malheureusement, le gouvernement Legault a rejeté cette possibilité d’élargissement des sanctions administratives.

Vrai : le Québec impose le « zéro alcool » aux nouveaux et jeunes conducteurs. La suspension du permis de conduire pendant 90 jours, les quatre points d’inaptitudes et l’amende de 300 $ à 600 $ qui pendent au bout du nez des jeunes contrevenants figurent parmi les sanctions les plus sévères au Canada. Vrai aussi que le Québec impose un antidémarreur éthylométrique dès la deuxième condamnation pour une infraction en lien avec la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool ou la drogue.

Il n’en demeure pas moins incompréhensible sur le fond que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, refuse encore aujourd’hui de se pencher sur le dossier du 0,05.

D’autant que vous ne trouverez personne au sein du gouvernement pour prétendre que l’abaissement du seuil de sanction serait une mesure inefficace.

Ici, les partis d’opposition pourraient faire œuvre utile en assurant le gouvernement de leur appui s’il allait dans cette direction — s’ils pensent eux-mêmes qu’il faut réduire le seuil actuel, bien sûr. Pour l’heure, on sait que c’est le cas de Québec solidaire.

Un élan commun des partis d’opposition pourrait faire office de bougie d’allumage au gouvernement.

La responsabilité d’agir est collective.

Sanctionner les conducteurs affichant un taux d’alcool de 50 mg ou plus par 100 ml de sang enverrait un message très simple et très clair à tous : quand on doit conduire, on ne boit pas d’alcool.

Pour réagir à cette chronique, écrivez-nous à opinions@lesoleil.com. Certaines réponses pourraient être publiées dans notre section Opinions.