Chronique|

Dès janvier, des cotisations au RRQ plus élevées

Une personne qui touche un salaire annuel de 100 000 $ verse un poil au-dessus de 246 $ de RRQ par deux semaines et arrive au plafond à la fin août. Avec une rémunération de 75 000 $, on cesse ses cotisations de 184 $ et des poussières aux alentours de l’Halloween.

CHRONIQUE / Maintenant que je vous ai fait peur avec le titre, une petite nuance : les cotisations RRQ supplémentaires prévues en 2024 ne concernent pas tous les salariés, mais seulement ceux qui gagnent un certain revenu.


« “Un certain revenu”? Germain, tu ne vas quand même pas nous faire languir?»

Avec plaisir!

Avant d’y aller dans les détails, quelques mots sur un thème connexe, soit ces heureux qui ont vu ou verront bientôt leur chèque de paie bondir après avoir cessé de verser leurs contributions au RRQ pour 2023.

Qui sont ces gens-là? Ce sont les travailleurs qui gagnent plus que 66 600 $ cette année, ce qu’on appelle le « maximum des gains admissibles » (MGA). Exception faite de la première tranche de revenu de 3500 $, c’est le revenu maximum sur lequel le Régime de rentes du Québec perçoit des cotisations, tout ce qui excède étant exempté.

Le taux de cotisation au régime s’élève à 12,80 %, séparé en parts égales entre l’employé et l’employeur, soit 6,40 % chacun. Un salarié peut donc verser un maximum de 4038 $ au RRQ cette année (66 600 $ - 3500 $ = 63 100 $; 63 100 $ x 6,4 % = 4038,40 $).

Maintenant, comment se fait-il que des travailleurs finissent par casquer le maximum plus rapidement que d’autres? Parce que tout le monde se fait ponctionner 6,40 % de son revenu brut à chaque période de paie, peu importe la taille du chèque. Ceux dont le salaire est le plus élevé arrivent plus vite au seuil de 4 038 $. C’est à ce moment qu’ils cessent leurs cotisations.

La plupart des travailleurs sont rémunérés toutes les deux semaines. Chaque année compte donc 26 périodes de paie. Partons donc sur cette base pour bricoler quelques exemples. Quelqu’un dont le salaire s’élève à 150 000 $ gagne 5769 $ brut toutes les deux semaines. Le RRQ prélève donc 6,4 % de ce montant, soit 369 $ et des poussières. Après la 11e période de paie (fin mai ou début juin), le participant aura atteint le maximum annuel de 4038 $. Fini alors les cotisations jusqu’au mois de janvier suivant, ce qui se traduit par un bond de 369 $ à la ligne des revenus nets.

Une personne qui touche un salaire annuel de 100 000 $ verse un poil au-dessus de 246 $ de RRQ par deux semaines et arrive au plafond à la fin août. Avec une rémunération de 75 000 $, on cesse ses cotisations de 184 $ et des poussières aux alentours de l’Halloween. Notez que le même principe s’applique à l’assurance-emploi (AE) et au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).

Selon des données du RRQ de 2021, 31 % des participants au régime contribuent le maximum, près d’un travailleur sur trois gagne donc un revenu d’emploi égal ou supérieur au MGA. Or, c’est justement ces personnes qui cotiseront davantage à partir de janvier prochain.

Voyez comme toute est dans toute! Je ne vous ai pas fait languir pour rien.

MGA « amélioré »

Et pourquoi ces salariés verront-ils leur participation augmenter? Parce qu’à partir de 2024 s’enclenche le deuxième volet du régime supplémentaire mis en place progressivement depuis 2019. À compter de l’année prochaine, on commence à contribuer sur un MGA dit « amélioré », cela correspond à 107 % du MGA en 2024 et à 114 % du MGA les années suivantes.

En supposant que le MGA restait inchangé en 2024 et en 2025 (ce qui ne sera pas le cas, il va croître au rythme des salaires, comme chaque année), ça veut dire qu’une nouvelle cotisation s’appliquera sur les revenus compris entre 66 600 $ et 71 262 $ (107 % du MGA) l’année prochaine, puis sur la tranche de salaire située entre 66 660 $ et 75 924 $ (114 % du MGA) l’année suivante.

Sur cette portion spécifiquement, la cotisation sera de 8 % partagée entre l’employeur et l’employé, soit 4 % chacun. On doit rappeler que ce régime est distinct de celui auquel on participe déjà. En utilisant les paramètres de 2023, et seulement pour les salariés dont les revenus atteignent le MGA amélioré, ça correspondrait à une ponction supplémentaire de… 186,62 $ l’année prochaine, puis de 372,96 $ en 2025, soit 26 versements de 14 $. Encore ici, ceux dont les revenus d’emploi dépassent le MGA amélioré régleront plus rapidement la facture, qui n’est rien d’autre que de l’épargne forcée.

J’ai évoqué la deuxième phase du régime supplémentaire, ce qui en suppose une première. Le régime de base du RRQ garantit une rente équivalant à 25 % de la moyenne du salaire de carrière (grosso modo), plafonnée au MGA. La première phrase consiste à porter le revenu de remplacement à 33 %. Pour atteindre cet objectif, le taux de cotisation sur le MGA est passé depuis 10,80 % à 12,80 % depuis 2019. La deuxième phase vise à appliquer ce revenu de remplacement le MGA amélioré, soit 75 924 $.

Quelqu’un qui a droit à la rente maximale selon le MGA actuel recevrait aujourd’hui quelque 16 600 $ par année à partir de 65 ans (25 % de 66 600 $). Dans un monde où le régime supplémentaire serait pleinement effectif, ce serait plutôt 25 000 $ par année (33 % de 75 924 $) que le même retraité toucherait du RRQ. Ça n’arrivera pas avant le tournant de 2060, mais toutes les contributions additionnelles versées donneront quand même droit à des prestations plus généreuses, même pour les participants qui se retireront avant ces années lointaines.

Je vous ai bien eus avec ma fausse mauvaise nouvelle!

(J’espère que vous aimez ça entendre parler de régimes de retraite publics, une belle étude sur le sujet s’apprête à sortir, je vous réserve une ou deux chroniques là-dessus.)