Précisons que l’accent avait été mis sur les trois mouvements associés à L’Automne et que l’interprète s’apprêtait à vivre un moment doublement significatif, puisqu’elle fait partie de la formation depuis 2016 et que deux de ses voisines de lutrin, les violonistes Guylaine Grégoire et Nathalie Camus, ont été ses professeurs. Ajoutez les proches qui se trouvaient dans la salle, dont ses parents, Michel Baron et Céline Fortin, et vous obtenez l’équivalent, pour elle, d’un début à Vienne ou Berlin.
Il a fallu patienter, cependant, avant que le grand moment arrive. Au lieu d’ouvrir le concert, tel qu’annoncé, L’Automne a été présenté après une œuvre étonnamment ludique, soit la suite d’orchestre Naïs de Jean-Philippe Rameau. En ces temps troublés, rappelons que sa création avait pour but de célébrer la fin de la Guerre de succession d’Autriche, qui avait duré huit ans. C’est bien la preuve que même les mauvaises choses ont une fin.
Cette histoire met en scène les rois d’Angleterre et de France, avec un biais favorable à ce dernier, bien évidemment. Après avoir affronté une tempête illustrée par le percussionniste Dominic Côté, au moyen d’une « machine à vent » et d’une grande feuille de métal, ce souverain identifié à Jupiter se met en tête de gagner le cœur de la nymphe Naïs.
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« Il décide de lui jouer un bout de musette, un instrument proche de la cornemuse. Ce n’était pas la meilleure idée, puisqu’elle est partie avant qu’il ait fini », a relaté le chef Jean-Michel Malouf avec humour. Cet air était joli, mais pas autant que la sarabande qui a suivi. Musique traînante et un brin solennelle en ouverture, à laquelle a succédé un passage dépouillé, doucement pulsé par les cordes.
On aurait dit que des particules de musique flottaient dans la salle, invisibles, mais audibles. Des notes semblables à des bulles délicates caressant le tympan. Cette fois, la belle a été convaincue, d’autant que Neptune, apprenant de ses erreurs, avait pris soin de se déguiser. Une union a résulté de ce stratagème, fournissant le prétexte à un air triomphal dans la plus pure tradition du baroque, avec trompettes et percussions sur un lit de cordes incisives.
Heureuse d’avoir découvert cette œuvre du 18e siècle, l’assistance était prête pour le plat de résistance. Dehors, justement, ça sentait l’automne, avec un ciel bouché par les nuages et des brins de neige annonçant l’hiver. Même si la saison dépeinte par Vivaldi se déroule sous des cieux plus cléments, avec des paysans célébrant plus ou moins dignement les récoltes, il a suffi de quelques secondes pour s’imaginer à leurs côtés, une cruche de vin à la main.
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L’Allégro si familier a permis à la Chicoutimienne de semer ses premières notes en solo, après avoir accompagné l’orchestre pendant quelques secondes. Ses interventions précises, évocatrices de l’atmosphère qu’a souhaité reproduire Vivaldi en son temps, ont confirmé que Jeanne-Sophie Baron se montrerait digne de l’honneur que lui a conféré Jean-Michel Malouf.
Elle semblait sereine et la fluidité de son jeu ressortait autant dans les passages d’une grande vivacité que dans celui pendant lequel son instrument a maintenu une ligne tellement diaphane qu’elle frôlait le silence. La table était mise pour un Adagio qui s’est révélé tout aussi magique, l’unique inconvénient tenant au fait que la délicatesse de cette trame a fait ressortir les toussotements qui émanaient de l’assistance.
Il restait à savourer un ultime morceau de bravoure, alors que l’orchestre et la soliste ont mis leurs pas dans ceux d’une bête aux abois. Ce solo fut pyrotechnique, comme il se doit, et le public a salué les efforts de Jeanne-Sophie Baron en lui offrant ses plus vigoureux applaudissements du concert. Enfin, elle pouvait sourire en serrant la main du chef et du premier violon Marie Bégin, sous le regard approbateur des mélomanes de sa région.
Au retour de la pause, la violoniste a repris sa place au sein de l’orchestre afin d’aborder deux œuvres du 20e siècle puisant aux sources du baroque. Ce fut Masques et bergamasques de Gabriel Fauré, puis Le Tombeau de Couperin, une composition de Maurice Ravel. Chacune a montré la formation dans d’excellentes dispositions, alors qu’en maintes occasions, l’élégance des cordes s’est mariée à celle de la harpe et des vents.