Moments de grâce au Rendez-vous musical de Laterrière

Voici Hélène Collerette au moment où elle a interprété la Sonate no. 1 pour violon seul de Jean-Sébastien Bach, dimanche après-midi, à l'église Notre-Dame de Laterrière. C'est ainsi qu'a débuté le 17e Rendez-vous musical, devant une assistance qui a dépassé les attentes du comité organisateur.

Présenté pour la 17e fois depuis sa renaissance, le Rendez-vous musical de Laterrière a débuté de la meilleure manière qu’on puisse imaginer, dimanche après-midi. D’abord, il y avait beaucoup de mélomanes à l’église Notre-Dame, davantage que l’anticipait le comité organisateur. Certains ont même opté pour le jubé afin d’assister au concert donné par Hélène Collerette, Jonathan Nemtanu et Vincent Bergeron.


Ils étaient réunis pour la première fois afin de rendre hommage à ceux que le directeur artistique David Ellis appelle les trois B, soit Bach, Beethoven et Brahms. Une affiche prometteuse avec des interprètes au talent reconnu, lesquels ont été à la hauteur du défi qui leur avait été soumis. Dans chaque élément du programme, en effet, ils ont su communiquer le plaisir que procurent les oeuvres écrites par ces géants, surtout lorsqu’on les entend dans un cadre aussi convivial.

«Les trois B, ce sont les fondements de la musique classique. Les autres compositeurs ont construit à partir de ça», avait souligné David Ellis dans son mot de bienvenue. Pour en avoir un brillant aperçu, il suffisait d’assister au premier segment, assumé en solo par Hélène Collerette. Elle a ouvert le concert en proposant la Sonate no. 1 pour violon seul de Bach.



Pendant une vingtaine de minutes qui ont passé bien vite, l’artiste originaire de Chicoutimi, qui est violon supersoliste depuis 1996 au sein de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, a fait ressortir la part de beauté que renferme cette partition. Elle a accompli ce prodige devant un public extrêmement attentif, conscient de l’importance du moment et heureux de se mouler aux moindres nuances, humeurs et variations introduites par le maître d’Eisenach.

Parfois, comme dans le premier mouvement, la musique progressait à pas de loup, quasiment diaphane et néanmoins audible grâce à l’acoustique exceptionnelle de l’église. La moindre erreur commise dans ce contexte aurait brisé le charme. Or, c’était merveille que de laisser son imagination flotter sur cette dentelle sonore se situant à mille lieues du torrent de notes déversé dans le dernier mouvement, lequel carburait à l’énergie pure.

Ces visions contrastées donnent la mesure du parcours effectué en compagnie d’Hélène Collerette, dont la performance a été vigoureusement applaudie avant de susciter une vague de murmures approbateurs. Ceux-ci ont meublé une partie de la pause avant le retour de la violoniste avec Jonathan Nemtanu. Cette fois, ce fut au tour de Beethoven de provoquer un moment de grâce par l’entremise de sa Sonate no. 7 pour violon et piano.

Hélène Collerette et Jonathan Nemtanu ont uni leurs efforts pour interpréter la Sonate no. 7 pour violon et piano de Beethoven, l'une des trois oeuvres qui formaient le programme de dimanche, à l'occasion du Rendez-vous musical de Laterrière. Ils ont ensuite proposé une oeuvre de Brahms, avec la collaboration du violoncelliste Vincent Bergeron, originaire de Jonquière.

Il s’agit d’une oeuvre costaude, rendue avec tant de naturel qu’il était facile d’oublier que derrière cette version digne des grandes salles européennes se profilent les apprentissages de toute une vie. Par bouts, on aurait aimé posséder deux cerveaux pour suivre chacune des trames dessinées par le duo, en particulier à la fin du mouvement initial. Une coquetterie qui, cependant, aurait fait oublier qu’en cette matière, le tout est plus grand que la somme des parties.



Comme avec la sonate de Bach, le dernier mouvement a filé à la vitesse grand V, alors que le violon répondait avec vigueur aux interventions du piano. Ce crescendo fascinant a poussé l’assistance à se lever d’un bloc, avant même que l’ultime note ait fini de résonner. Des cris ont jailli, entremêlés aux applaudissements, comme quoi la musique classique peut générer autant de passion qu’un spectacle d’Hubert Lenoir.

C’est dans la deuxième partie du concert que le Jonquiérois Vincent Bergeron est apparu, ce qui a coïncidé avec l’interprétation du Trio no. 1 pour violon, violoncelle et piano de Brahms. Lui et ses camarades ont habilement négocié les nombreuses variations stylistiques que comporte cette oeuvre. Aux airs romantiques succédaient ainsi des pointes d’intensité, en particulier dans le mouvement initial, aussi changeant - et vivifiant - que le climat en montagne.

Dans le troisième mouvement, en revanche, la douceur s’est installée à demeure, portée par les cordes dont les élans étaient entérinés par le piano. Sérénité? Mélancolie? Chacun pouvait décoder ce passage au gré de sa sensibilité, mais quand Jonathan Nemtanu s’est mis à égrener les notes, bientôt rejoint par Hélène Collerette et Vincent Bergeron, c’est devenu autre chose. L’une de ces occasions, trop rares dans la vie, où le temps semble être suspendu.