Le tome 2, baptisé Les ombres du passé et lancé au début du mois de mai, reprend un récit déjà bien défini. Car c’est au terme de 10 ans de travail et de recherche que Janusz Jaworski avait présenté, en 2020, le premier volet de sa série, créant ainsi, comme il se plaît à l’imager, son « bac à sable ».
Pour la suite, il ne restait qu’à « jouer dedans ».
Une façon de dire que les contours du monde de la série avaient été tracés, que les cultures propres aux personnages représentés avaient été dépeintes, et que le champ était maintenant libre pour y introduire toutes sortes de questionnements.
« Dans le premier, on s’intéresse beaucoup par exemple au passage à l’âge adulte, comment ça peut être envisagé dans différentes cultures. Dans le deuxième, il y a le thème de la mort ; à savoir comment on peut aborder différemment la mort, quel sens on peut lui donner ? »
L’histoire prend forme dans un grand empire d’une région nordique, accessible seulement via une route en forêt – bonjour le parc des Laurentides!. Les patrouilles militaires y disparaissent mystérieusement et les explications fusent de toute part pour expliquer ce phénomène.
« Mais tous les gens qui apportent des réponses les apportent avec leurs propres biais. Pour les militaires, l’explication est militaire, peut-être que les locaux sont en train de se révolter contre l’occupation de l’empire. Pour les autorités religieuses, l’explication est d’ordre religieux, peut-être qu’on a réveillé quelque chose qu’on n’aurait pas dû », explique Janusz Jaworski.
Heureusement, dans ce monde fictif, il existe une organisation pour faire contrepoids à l’obscurantisme, dans la recherche de la vérité. Ceux qu’on appelle les Gardiens de la Raison viennent ainsi mener leur propre enquête sur les événements, d’où le penchant de la série vers le roman policier et l’influence très « assumée » d’univers comme celui de Sherlock Holmes.
« Le retour que j’ai eu beaucoup par rapport au premier, c’est que les gens l’ont lu oui comme un roman de fantaisie, mais surtout comme un roman d’enquête, dans un cadre de fantaisie médiévale », note le Polonais d’origine, qui dit pour cette raison sa série une belle porte d’entrée vers la littérature de l’imaginaire.
À travers les différentes convictions qui habitent les Gardiens de la Raison, parfois en opposition les unes aux autres, Janusz Jaworski pousse même la réflexion plus loin, autour de la vérité. À savoir si elle est toujours bonne à dire, s’il convient de l’imposer aux autres, et à quel prix ?
Autant de questions posées dès le premier tome, écrit avant la pandémie, et qui sont devenues très actuelles dans les mois suivants, fait valoir l’auteur.
« Oui, l’histoire, le fantastique, tout ça, c’est forcément des choses qui m’ont inspiré, mais c’est aussi le monde actuel, une forme d’injustice de se dire qu’encore aujourd’hui en 2023, il y a des gens qui se font enlever certains droits sur la base de textes vieux de plus de 2000 ans », ajoute-t-il, notant que le deuxième tome de La Guilde du Savoir porte justement sur la compréhension du passé et le fait de poser un regard critique sur l’histoire.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/JQJBBQVJR5GFHAXTTV6BDG2P5U.jpg)
Un genre à s’approprier
Le nouveau roman de Janusz Jaworski est le neuvième à être publié aux Éditions du Bouclier, maison qu’il a fondée en 2017 avec sa conjointe Rachel Gilbert. Six ans et plusieurs prix littéraires plus tard, ceux-ci se disent fiers de pouvoir ainsi mettre en lumière le talent d’ici, et ce à travers un genre plus souvent qu’autrement exploré dans la langue de Shakespeare.
« Surtout dans la littérature de l’imaginaire, que ce soit au Québec ou même dans la francophonie en général, on lit énormément de traduction. […] Nous, on s’est dit qu’il n’y avait pas de raison. Les cerveaux francophones ne sont pas moins bons pour faire de la fantaisie », raconte Janusz Jaworski, qui se réjouit aussi de pouvoir mener ce projet à Saguenay.