Interrogé s’il était possible de rebâtir un autre CGI à partir de Québec lors d’un événement de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec, Serge Godin, fondateur et président exécutif du conseil d’administration, s’est montré hésitant.
Comptant 400 bureaux et 91 500 employés à travers le monde, cette entreprise de services-conseils en technologie de l’information a été fondée dans des conditions « favorables », alors qu’elle a su bonifier son curriculum vitæ avant de faire le saut vers d’autres marchés. L’homme d’affaires avait un portfolio sur lequel s’appuyer.
« Qu’est-ce qui nous a permis, par le passé, de vendre à l’extérieur? On gagnait des contrats avec l’imputabilité. On était responsables de livrer un système à l’intérieur d’un budget donné, à l’intérieur des temps », lance M. Godin, en entrevue avec Le Soleil.
À présent, dit-il, « il n’y a pas de justice pour les petites entreprises ».
Contrats à la pièce, imputabilité lors de dépassement de coûts et conditions du marché houleuses, ceux qui débutent en services-conseils ont bien « des vents contraires ».
« Vous seriez surprise de voir le nombre de petites entreprises à Québec qui étaient en peine de vivre et qui vendent à CGI. »
— Serge Godin, fondateur et président exécutif du conseil d’administration de CGI
Pour Julie Godin, qui prendra la relève de son père à la tête de CGI, l’obtention de contrats à la pièce empêche d’avoir une vision plus globale. « C’est un contrat à la fois. Il n’y a plus tant de discussions stratégiques qui permettent de monter des projets. »
Maintenant que toute entreprise peut soumissionner sur des contrats, les entrepreneurs qui débutent se trouvent en posture difficile. « C’est risqué [de signer] un contrat forfaitaire pour une période de 15 ans », exemplifie l’homme d’affaires.
M. Godin souligne qu’il faut revisiter le concept d’imputabilité lors de la signature d’un contrat à forfait. Il en fait l’un de ses chevaux de bataille. « Lorsque vous donnez un contrat à prix fixe, pourquoi la responsabilité n’incombe-t-elle pas aux deux parties? » s’interroge-t-il.
Revoir le cadre
Son plaidoyer, dit-il, n’est pas pour CGI, mais pour les jeunes entrepreneurs qui veulent se développer au-delà des limites de la Capitale-Nationale.
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/KWARTNQVUNDZVCK34KBQ2J7YK4.jpg)
« Au fil des ans, plusieurs gouvernements ont voté des lois et des règlements avec de très bonnes intentions. Gouvernement par-dessus gouvernement, il y a eu une prolifération de ces règles-là. C’est lorsqu’il y a accumulation de tout cela que ça se complique vraiment », laisse-t-il tomber.
Pour lui, il n’y a pas une seule administration à pointer du doigt depuis l’adoption de la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme en 2002 et de la Loi sur les contrats des organismes publics en 2006.
Mais il reste que cette distance entre le secteur public et le secteur privé n’est pas « évidente », dit le chef d’entreprise.
« Lorsqu’un politicien très talentueux et bien en vue au Québec déclare, lors de ses élections, qu’il est très fier de sa distance avec le privé, c’est grave. »
— Serge Godin, fondateur et président exécutif du conseil d’administration de CGI
« Les lois sur le lobbyisme ont été écrites avec la présomption que les gens qui travaillent pour l’État ou les gens du privé étaient malhonnêtes. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans ça », affirme M. Godin, en admettant toutefois qu’il y a eu des exceptions par le passé.
Pour l’homme d’affaires, il est nécessaire « d’asseoir l’industrie avec les décideurs du gouvernement » et d’essayer « de revoir toutes ces règles qui ont été bâties ».
:quality(95)/cloudfront-us-east-1.images.arcpublishing.com/lescoopsdelinformation/OY4BNGMNS5AM7AR4J32YLWUSD4.jpg)
Née à Québec, devenue globale
Par ailleurs, les visages derrière CGI ne cachent pas leur attachement au Québec.
Avec 52 % des actions de la compagnie détenues par des Québécois dont 9 % par la Caisse de dépôt et de placement de Québec, l’entreprise a entre ses mains « les fonds de pension » des gens d’ici. « Ça vient avec de la pression aussi », souffle la vice-présidente exécutive de CGI.
Ceci étant dit, les opportunités de croissance sont très grandes, affirme-t-elle.
À lire aussi
« On se développe de façon organique, mais de façon inorganique aussi pour accélérer le pas et pour qu’on soit présent dans les marchés », lance Mme Godin, qui compte jusqu’à 105 fusions depuis les débuts de CGI.
N’empêche qu’en période d’incertitude économique, le ralentissement se fait sentir dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), signale le fondateur du fleuron québécois. Malgré tout, son carnet de commandes tient le cap avec 26,06 milliards $ à la fin du quatrième trimestre au mois de septembre.
« Nos clients commerciaux veulent diminuer leurs coûts. Alors, on signe des contrats à long terme. On a moins de contrats en nombre, mais ils sont plus grands », explique M. Godin.