« Ce n’est pas moi qui retire le permis d’une personne, mais c’est moi qui fournis les informations à la SAAQ, alors mon rôle est grand », souligne Marie-Andrée Désy, qui pratique la médecine familiale depuis 20 ans. « Parmi eux, il y a des gens que je connais depuis tout ce temps. Parfois, je me sens mal, c’est triste. Mais en même temps, je m’en voudrais de voir qu’ils ont eu un accident ou qu’ils ont blessé des gens alors qu’ils sont au volant. »
Depuis cinq ans, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, en moyenne, 360 permis ont été suspendus chaque année pour des raisons médicales. Au Québec, on parle de 9000 permis en moyenne annuellement.
Les raisons médicales pouvant entraîner la suspension du permis sont d’abord les troubles neurocognitifs. Il y a aussi l’épilepsie ou le diabète, lorsqu’ils sont non maîtrisés, ou les gens qui ont eu un accident vasculaire cérébral.
Plus de 20 000 renonciations par année
Le chiffre qui parle le plus parmi les données fournies par la Société de l’assurance automobile du Québec est celui des renonciations. Plus de 20 000 par année depuis cinq ans.
« Il est évident que le facteur démographique joue un rôle important. Il y a plus de conducteurs âgés sur la route. En fait, plus de 29 % des détenteurs d’un permis de conduire ont 75 ans et plus », souligne la porte-parole de la SAAQ, Geneviève Côté.
Elle ajoute du même souffle que lorsqu’une personne remet son permis, ce n’est pas en raison de son âge, mais plutôt en raison de son état de santé. Et bien que la population soit vieillissante, elle est en meilleure santé.
En ce sens, les règles ont changé et, depuis décembre 2021, plutôt que de devoir se soumettre à un test médical, les conducteurs de plus de 75 ans doivent remplir un formulaire d’autodéclaration et l’envoyer à la SAAQ.
À partir de 80 ans, puis ensuite aux deux ans, il faut passer un examen médical et un test visuel en plus de faire remplir les formulaires de la SAAQ par un professionnel de la santé.
Un sujet épineux dans le cabinet du médecin
La Dre Désy remplit normalement le formulaire devant la personne. De cette façon, ils peuvent en discuter ensemble. « Certains se restreignent par eux-mêmes. Ils vont déjà avoir commencé à ne plus prendre le volant la nuit ou à ne plus rouler longtemps, mais d’autres tombent des nues et ça fait monter les passions dans le bureau. Il arrive un point où je le déçois. »
Le sujet est d’autant plus délicat que la médecin ne veut pas perdre le lien de confiance qu’elle a établi avec son patient. « Je ne voudrais surtout pas qu’il hésite à revenir me voir ou qu’il minimise par la suite ses problèmes de santé. »
Certains, surtout des hommes, vont avoir des symptômes dépressifs les jours suivant la révocation de leur permis de conduire. Une réaction intense, mais compréhensible, croit la médecin.
« Sans vouloir être dans les stéréotypes, un homme qui a son permis de conduire depuis 60 ou 70 ans ne le voit plus comme un privilège, mais plutôt comme un droit. Sa voiture est aussi très importante. Ça fait partie de sa virilité, en quelque sorte. »