« C’est un peu imprévu dans notre parcours. Oui, cet appel était demandant, mais ça fait partie de notre travail », réagit d’emblée Jasmin Bernier, qui travaille au Service de police de Sherbrooke depuis 18 ans. « Nous recevons plusieurs appels à haut risque chaque année », ajoute-t-il.
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Le 8 janvier 2018, les patrouilleurs commençaient leur quart de travail quand une femme, réfugiée dans la salle de bains de son domicile, appelle les policiers. Son frère, atteint de schizophrénie, est en train de poignarder sa mère. Alors qu’un verglas s’abat sur la ville, les deux hommes se mettent en route.
« Souvent, le meurtre a déjà été commis quand nous arrivons sur les lieux. Là, le meurtre était en cours. Il y avait des gens en danger dans la résidence. Nous ne pouvions pas juste attendre que le suspect sorte. Il fallait entrer et agir. Quand quelqu’un utilise une arme blanche, il faut être prudent. À chaque coin de mur, on peut tomber face à face avec le suspect, surtout que nous ne l’avions pas localisé avant d’entrer. »
Jasmin Bernier, qui avait 37 ans au moment des événements, ne s’était jamais trouvé dans une situation comme celle-là où il aurait pu devoir utiliser son arme pour neutraliser un suspect. « Heureusement, nous avons pu le contrôler et le menotter. »
Au moment d’arriver sur les lieux, c’est l’adrénaline qui a guidé les deux policiers. « Il faut garder son sang-froid et être prêt à réagir. Il n’y avait pas d’hésitation : il fallait entrer dans la maison parce qu’il y avait une jeune fille en danger. »
Jean-François Durand, aujourd’hui âgé de 40 ans, confirme qu’il ne s’est pas posé de questions. « Il y avait urgence. Un appel hors du commun comme celui-là, on vit ça une fois dans une carrière. »
Les informations préliminaires laissaient entendre que trois personnes se trouvaient à l’intérieur. Mais un autre homme était arrivé entre-temps. « Il faut être prudent pour ne pas faire feu sur la mauvaise personne », explique M. Bernier.
Selon lui, la qualité de la formation reçue et la force du partenariat des deux policiers ont joué un rôle important dans cette intervention. « Notre formation nous a servis. Il y avait beaucoup d’automatismes. Ça fait aussi 14 ans que nous travaillons ensemble. Nous n’avons pas eu besoin de nous parler. Nous savions exactement comment l’autre réagirait. Chaque seconde compte dans une situation comme celle-là et si on les prend pour communiquer, on ne les prend pas pour intervenir. »
Les liens s’en sont trouvés encore plus soudés par la suite. « Nous avions déjà confiance l’un dans l’autre, mais maintenant, elle est encore plus grande. »
Jean-François Durand abonde dans le même sens. « Nous sommes habitués de travailler ensemble. L’expérience a joué un grand rôle. »

Bien sûr, l’événement a hanté les deux hommes. « On y a pensé beaucoup. Il y a des images qui nous reviennent. Mais nous n’avons pas pris de congé. Nous avons un bon programme d’aide au SPS et ils ont surveillé les signes de détresse psychologique », dit Jasmin Bernier.
Les victimes aussi ont été bien entourées. Le CAVAC leur est rapidement venu en aide.
M. Bernier estime qu’à la lumière de cette expérience, il est plus prêt que jamais à faire face au stress de son métier. Même s’il ne fait pas son travail pour recevoir des félicitations, il accepte cette tape sur l’épaule. « En général, nous travaillons dans l’ombre en espérant que les gens soient contents. Ça fait du bien de recevoir des félicitations même si on ne le demande pas. »
Jean-François Durand, lui, se dit honoré. « Quand la reconnaissance vient des autres, c’est valorisant, mais c’est triste que nous ayons dû intervenir dans une situation comme celle-là. »
Tom Néron a été déclaré non criminellement responsable des gestes qu’il a posés.