Dans leur rapport dévoilé jeudi, les inspecteurs Mathieu Ruel et Daniel Lemieux indiquent que la mort du travailleur de 34 ans est survenue lorsque celui-ci a été entraîné dans le mélangeur à nourriture qu’il opérait. Après avoir mélangé et distribué une première ration, le travailleur aurait ouvert la porte de déchargement du mélangeur pour en nettoyer le pourtour, et ce, alors que la machine était toujours en marche.
Il a été entraîné lorsqu’il est entré en contact avec une palette d’une vis sans fin dans la machine, puis écrasé contre les parois de celle-ci.
La CNESST indique qu’il n’y avait aucun dispositif protecteur pour empêcher l’accès à la porte de déchargement, comme une grille soudée de manière permanente ou un dispositif permettant de bloquer l’accès lorsque l’appareil est en marche, comme c’était le cas ce matin-là. Un tel dispositif aurait dû être présent.
La Commission relève cependant que l’employeur s’est rapidement conformé à son exigence d’ajouter lesdits protecteurs. Une grille a été installée pour bloquer l’accès à la partie supérieure du mélangeur et une autre empêche l’accès à la porte de déchargement.
«Quand on fait l’achat d’un équipement, il faut procéder à une analyse de risque. Par la suite, on peut identifier les bons protecteurs à mettre en place pour empêcher l’accès aux zones dangereuses», rappelle Mathieu Ruel.
Encore beaucoup d’accidents en milieu agricole
Pour le dévoilement de ce rapport, la CNESST avait convoqué les médias à ses bureaux, à Trois-Rivières. Une pratique qui n’est pas inédite, mais qui n’est pas nécessairement habituelle, alors que les rapports sont souvent diffusés uniquement par le biais de communiqués.
Si la Commission a procédé de la sorte, c’est qu’elle jugeait pertinent de rappeler les bonnes pratiques en matière de sécurité, notamment dans le milieu agricole, où se produisent encore de nombreux accidents de travail. En 2022, six accidents de travail mortels se sont produits dans le domaine de l’agriculture, sur un total de 69 décès.
«C’est un milieu avec beaucoup de risques différents: des pièces en mouvement, du travail en hauteur, le travail avec les animaux, les gaz qu’on peut avoir dans les silos... ce sont de petits milieux qui n’ont pas nécessairement beaucoup de ressources, qui fonctionnent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, donc c’est sûr que les producteurs agricoles en ont beaucoup (à gérer). Mais il faut qu’ils travaillent en partenariat avec leurs travailleurs pour identifier ces risques-là», souligne Robert Larouche, directeur du service de prévention et d’inspection pour la Mauricie et le Centre-du-Québec à la CNESST.
La Commission indique d’ailleurs qu’elle transmettra le rapport de cet accident mortel à plusieurs associations, soit à l’Union des producteurs agricoles, aux Producteurs de lait du Québec, à l’Association des marchands de machines aratoires du Québec, à l’Association des grossistes en machinisme agricole du Québec et à l’Association canadienne de sécurité agricole. Le document sera également diffusé dans les établissements de formation qui offrent des programmes d’étude en agriculture, afin de sensibiliser les futurs travailleurs.
Quant à la formation spécifique aux risques avec de la machinerie comme celle impliquée dans cet accident mortel, M. Larouche indique qu’il n’y a pas de cursus précis ou de modèle à suivre. Il revient à chaque employeur de la dispenser de la manière qui lui semble adéquate et efficace.
«Ce n’est pas défini en heures de formation, mais ce à quoi on s’attend, c’est les résultats», explique-t-il.
La CNESST a confirmé que le travailleur décédé à la Ferme Norlou avait reçu une formation concernant les dangers présents sur son milieu de travail. Elle n’était toutefois pas en mesure de dire si le fait qu’il s’agissait d’un travailleur étranger aurait pu jouer sur sa compréhension de cette formation.
«Les employeurs doivent former, informer et superviser leurs employés, qu’ils soient Québécois ou non, ils ont les mêmes obligations. Il peut parfois y avoir la difficulté de la barrière de la langue, mais l’employeur doit s’assurer que les informations soient comprises», rappelle M. Larouche.