
Le charme intemporel du rocher du Fantôme
Le rocher sur lequel nous étions assis m’avait impressionné par ses dimensions, ce qui est normal lorsqu’on n’a que cinq ou six ans. J’avais aussi remarqué le dessin du Fantôme, le personnage de bande dessinée imaginé par Lee Falk, peint en blanc dans une section pentue. C’est seulement plus tard que j’ai suivi ses aventures dans Le Progrès-Dimanche, mais son existence m’était familière.
Cette journée-là, je ne me souviens pas d’avoir admiré le paysage. Il a toutefois capté mon attention quand je suis retourné à cet endroit l’été suivant, avec un ami plus intrépide. À gauche, il y avait la côte Desmeules et devant, le barrage de Shipshaw dans toute sa splendeur, deux éléments du décor qui n’ont guère changé depuis cette lointaine époque.

Le court sentier qui, aujourd’hui, se trouve en face d’un remonte-pente, pas loin de la piscine extérieure, a également conservé ses attributs. On y marche sur des affleurements rocheux, puisque c’est la nature du lieu. Par bouts, le parcours est accidenté, mais plus souvent qu’autrement, on pose le pied sur un sol rougi par les aiguilles de conifères qui s’y sont déposées. Quand il fait chaud, elles dégagent une odeur de pot-pourri qui est bien agréable.
J’ai perdu le rocher de vue quand ma famille a déménagé à Jonquière, du moins jusqu’au jour où j’ai pu m’y rendre en vélo. Même si j’étais adolescent, il ne m’a pas déçu, pas plus qu’au début des années 1980, lorsque j’ai commencé à travailler au journal. C’est en auto que j’y ai fait quelques pèlerinages, notamment les jours de congé. Connaissant peu de gens au Saguenay, vivant dans une modeste chambre, je prenais plaisir à lire aux côtés de l’Ombre qui marche (le surnom du Fantôme).

Ces visites m’offraient aussi l’occasion de manger des bleuets, toujours abondants le long du sentier. J’aimais également cette impression d’être isolé de la ville, tout en entendant le bruit étouffé des véhicules circulant sur la côte Desmeules, ainsi que la vue en plongée sur l’église Sainte-Cécile, majestueuse lorsqu’on la découvre sur le chemin du retour. Ces menus plaisirs sont toujours de saison, quitte à attendre un peu pour les bleuets.