Yvan Truchon: l’emprisonnement serait une peine injuste et disproportionnée, plaident ses avocats

Yvan Truchon, en compagnie de ses avocats Jean-Marc Fradette et Ariane Bergeron

Après une vie sans reproche où il a été un leader positif dans la société, Yvan Truchon devait être condamné à des travaux communautaires ou à une amende substantielle pour avoir été reconnu coupable d’avoir sollicité les services sexuels d’une mineure moyennant rétribution. Par conséquent, Mes Jean-Marc Fradette et Ariane Bergeron demandent au juge Pierre Simard de déclarer inconstitutionnelle la peine minimale de six mois de prison prévue dans le Code criminel canadien.


Dans la requête déposée vendredi devant le tribunal, la défense rappelle que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles d’autres peines minimales, car elles enlèvent aux juges la latitude nécessaire pour prononcer des sentences adaptées à chaque individu et aux circonstances du crime pour éviter qu’elles soient cruelles et inusitées.

Ce fut le cas, il y a deux semaines, lorsque le plus haut tribunal du pays a déclaré inconstitutionnelle la peine minimale de six mois pour leurre informatique, estimant qu’elle viole l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés protégeant les citoyens contre les peines cruelles et inusitées.

Lorsqu’elle a analysé les objectifs que le Parlement a mis dans sa loi, la cour a qualifié en ces termes celui demandant que les juges mettent de l’avant les principes de dénonciation et de dissuasion: « Bien qu’un juge puisse accorder un poids important à d’autres objectifs de détermination de la peine, notamment la réinsertion sociale, la disposition (de l’article 718.01 du Code criminel) limite le pouvoir discrétionnaire judiciaire, car les juges ne peuvent leur accorder une priorité équivalente ou plus grande qu’aux objectifs de dénonciation et de dissuasion. »

Ce principe appliqué au leurre informatique ayant fait en sorte que la peine minimale de six mois a été déclarée inconstitutionnelle, la défense voudrait donc qu’il le soit également pour le crime d’avoir voulu obtenir les services sexuels d’une mineure moyennant rétribution. Pour y parvenir, la défense soumet la recette formulée également par la Cour suprême plus tôt cette année, en janvier, dans l’arrêt Hills: « Le tribunal doit (1) se demander ce qui constituerait une peine juste et proportionnée eu égard aux objectifs et aux principes de détermination de la peine; et (2)se demander si la disposition attaquée exige l’infliction d’une peine exagérément disproportionnée, et non simplement excessive, par rapport à la peine juste et proportionnée. (...) Lorsque le tribunal conclut que la période d’emprisonnement prescrite par la disposition fixant une peine minimale obligatoire est exagérément disproportionnée, la disposition en cause contrevient à l’art. 12 ».

Yvan Truchon

Un citoyen irréprochable

Dans le cas d’Yvan Truchon, la défense rappelle que l’homme de 69 ans n’a aucun antécédent judiciaire, qu’il a toujours été un actif pour la société et même un leader communautaire et sportif; que les accusations ont eu plusieurs répercussions sur sa vie sociale et familiale; qu’il s’est écoulé plus de trois ans depuis et qu’il n’a jamais commis d’autres infractions et qu’il s’est conformé à ses conditions de remise en liberté. Elle souligne que le crime en lui-même n’a fait aucune victime mineure, mais une victime fictive, soit une fausse prostituée mineure qui était une policière, et que tout s’est limité à des communications.

En outre, avoir des relations sexuelles avec une mineure de plus de 16 ans est légal au Canada et dans ce cas, l’infraction est d’avoir voulu payer pour ce faire. Or, la preuve révèle que l’accusé avait toujours fait appel à des prostituées majeures dans le passé et que dans ce cas, la peine est une simple amende.

« En l’espèce, force est de constater qu’un citoyen bien informé ne comprendrait pas qu’une personne présentant les mêmes caractéristiques que le requérant-accusé, se voit imposer une peine minimale de six mois d’incarcération », concluent les deux avocats.

Les deux parties ont rendez-vous mardi après-midi devant le juge Pierre Simard afin de choisir une date pour débattre de la requête. Quelle qu’en soit l’issue, le débat pourrait n’être que théorique puisque la défense est en appel des trois décisions rendues par le juge Simard sur les requêtes en arrêt des procédures, en piège policier, et sur le verdict de culpabilité.

D’ailleurs, la Cour d’appel a accepté, lundi matin, que la défense puisse invoquer des questions de faits et non pas seulement des questions de droit pour en appeler du verdict de culpabilité rendu par le juge Simard le 11 mars dernier. En d’autres termes, les avocats pourront questionner l’interprétation de la preuve faite par le magistrat. Le représentant de la Couronne, Me Sébastien Vallée, ne s’y est pas opposé.