La policière Marie-Lyne Pearson fait appel de sa sentence

Marie-Lyne Pearson

Risquant de perdre son emploi, la policière Marie-Lyne Pearson demande à la juge de la Cour supérieure Manon Lavoie de modifier la sentence prononcée contre elle le 3 février 2023 par le juge Pierre Lortie. Car en refusant de lui accorder l’absolution inconditionnelle, elle se retrouve avec un casier judiciaire et son avenir dépend de ce que feront de ce jugement le Comité de la déontologie policière et le Service de police de Saguenay. Si elle avait été absoute, le problème ne se poserait pas.


La policière avait reconnu avoir consulté le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ) à des fins personnelles à neuf reprises entre le 21 août 2020 et le 16 février 2021. Elle l’avait consulté quatre fois pour vérifier ses propres renseignements personnels et cinq fois ceux de son nouveau conjoint, à sa demande. Par exemple, elle a expliqué qu’un jour, alors qu’elle était de faction dans son autopatrouille, elle avait voulu commander une pièce pour son véhicule. N’ayant pas ses enregistrements sur elle, elle avait consulté le CRPQ pour obtenir son numéro de série.

Autre exemple : lorsqu’elle avait commencé à fréquenter son conjoint, elle avait su qu’il avait été présent lors d’une intervention policière où d’autres individus avaient été arrêtés. Pour s’assurer qu’il n’avait pas de casier, il lui avait dit d’aller vérifier elle-même, ce qu’elle avait fait.

À une autre occasion, alors qu’elle venait de se mettre en couple avec lui, elle était allée vérifier si les changements d’adresse avaient bel et bien été enregistrés dans le système, car c’était la pandémie, et il fallait respecter un couvre-feu et se trouver chez soi le soir. Enfin, son conjoint, qui avait perdu le compte de ses contraventions, lui avait demandé d’aller vérifier si son permis était toujours valide.

Le 3 février, le juge Lortie avait opté pour un sursis de sentence d’un an au lieu d’une absolution inconditionnelle, comme le demandait son avocat, Julien Boulianne. Il avait invoqué le fait qu’il ne s’agissait pas d’un geste isolé, mais répétitif et que cela constituait donc d’un abus de confiance envers son employeur.

Mardi matin, devant la juge Manon Lavoie, Me Boulianne a plaidé que le juge Lortie avait fait une erreur en ne tenant pas compte du contexte dans lequel les gestes ont été commis. « Il faut comprendre le but poursuivi quand on interdit aux policiers de consulter le CRPQ à des fins personnelles. On veut protéger la confidentialité des informations des citoyens. On ne veut pas qu’un policier, à la demande d’une personne ou à des fins personnelles, puisse aller le consulter pour, par exemple, obtenir l’adresse d’un tiers. Un individu ne peut pas demander à un policier de lui donner l’adresse de son ex. C’est ce que vise la loi. Ce n’est pas ce qu’a fait Mme Pearson. Elle est allée chercher ses renseignements personnels et ceux de son conjoint, à sa demande. »

Pour l'avocat de la défense Julien Boulianne, le contexte dans lequel les gestes ont été commis représente une nuance cruciale de toute l’affaire.

Selon Me Boulianne, cette nuance est le point central de toute l’affaire et le juge n’aurait pas tenu compte du type de consultation : « Allez voir n’importe quel policier et dites-lui que vous vous demandez si votre permis est valide et il va le vérifier pour vous. C’est ce qu’elle a fait pour son conjoint. »

C’est majeur, selon l’avocat de l’appelante, et le fait de ne pas en avoir tenu compte est une grave erreur de la part du juge. « Le but de la loi est de protéger les citoyens. Un public bien informé comprendrait que sa sécurité n’a pas été mise en danger par les agissements de ma cliente, qui n’a consulté que ses informations personnelles et celles de son conjoint. D’ailleurs, lors des audiences sur la peine, Mme Pearson est venue dire elle-même qu’elle n’a jamais accepté de demandes de citoyens qui voulaient des informations sur des tiers. »

Poussant plus loin sa réflexion, Me Boulianne en remet pour dénoncer l’importance que le juge de première instance a accordée au fait qu’elle a consulté le CRPQ à neuf reprises : « Le juge rejette l’absolution parce qu’il y a plus d’une consultation. Mais une seule consultation peut être bien plus grave, comme aller chercher l’adresse d’une personne pour un tiers dans le but de la harceler. Ce n’est pas le cas ici. »

Au soutien de sa requête, il ajoute que lors de ses recherches sur des causes semblables, aucun policier n’a été condamné pour des consultations personnelles. Personne. « Un juge ne peut faire une analyse afin de se demander si les gestes vont à l’encontre de l’intérêt du public sans tenir compte du contexte, et c’est tellement vrai, qu’aucun policier n’a été condamné pour avoir consulté ses informations personnelles. »

Une sentence appropriée

De son côté, le procureur aux poursuites criminelles et pénales Alexandre Morency estime que le juge Lortie a rendu une bonne décision, car les cas d’absolution ont été prononcés pour des policiers qui n’avaient consulté qu’une seule fois le CRPQ à des fins personnelles, ce qui n’est pas le cas de l’appelante : « Ce n’est pas un geste ponctuel et irréfléchi. »

En consultant la jurisprudence, Me Morency en conclut que la peine prononcée n’est pas sévère, est juste dans les circonstances et qu’il n’y a pas lieu d’en appeler, car les policiers ont un statut particulier dans le société et la population doit en avoir une confiance absolue.

La juge Lavoie a pris la décision en délibéré et a promis de la rendre le plus rapidement possible.