Marc-André Grenon trahi par son nom

La science qui a permis de braquer les projecteurs sur Marc-André Grenon n’existait pas à l’époque du meurtre de Guylaine Potvin et de l’agression sauvage d’une seconde étudiante, quelques semaines plus tard, à Ste-Foy.

La science qui a permis de braquer les projecteurs sur Marc-André Grenon n’existait pas à l’époque du meurtre de Guylaine Potvin et de l’agression sauvage d’une seconde étudiante, quelques semaines plus tard, à Ste-Foy.


Le projet «PatronYme» est un nouvel outil d’enquête qui, tel que rapporté dans les médias il y a quelques semaines, s’appuie sur une particularité qu’ont les mâles par rapport aux femmes : ils ont un chromosome unique, le chromosome Y, d’où tire son nom «PatronYme». Le laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale a décidé d’y intégrer le dossier du meurtre de Guylaine Potvin et de l’agression de Ste-Foy en juillet 2022.

Guylaine Potvin a été retrouvée assassinée dans son logement de Jonquière, le 28 avril 2000. 

On sait depuis longtemps que l’homme détermine le sexe de l’enfant. Les femmes ont deux chromosome X et les hommes un X et un Y. La femme ne peut donner qu’un X, car elle n’en a pas d’autre. Si, au moment de la conception, l’homme donne son X, le bébé sera une fille. S’il donne le Y, ce sera un garçon. La fille a donc un X du père et un X de la mère. Quand elle conçoit un enfant à son tour, elle peut donner le X qu’elle a reçu de son père, ou le X qu’elle a reçu de sa mère, que ce soit un gars ou une fille.

Pour le garçon, c’est différent car il n’y a qu’un seul Y dans la course. Il se transmet donc de père en fils. Un homme a le même chromosome Y que son père, son grand-père paternel, son arrière-grand-père et ainsi de suite, jusqu’à Adam; avec quelques mutations au passage.

De façon générale, les hommes d’une même lignée paternelle partagent également le même nom de famille (patronyme). Les hommes portant le même nom de famille ont une identité génétique commune. C’est sur l’analyse du chromosome Y que repose «PatronYme».

Lors de leur enquête, les policiers ont soumis le profil ADN retrouvé sur les deux scènes de crimes pour déterminer à quels noms de famille son chromosome Y pouvait correspondre. Plusieurs patronymes d’intérêt sont apparus, celui de Grenon figurait au sommet de la liste.

Marc-André Grenon s'était livré sur sa réadaptation lors d'un colloque.

NDLR : Marc-André Grenon bénéficie de la présomption d’innocence. Les procès ne sont pas débutés. Les faits mentionnés n’ont pas été présentés en preuve à la cour et pourraient être contestés.

La CN2i fait partie d’un groupe de médias qui a amorcé des démarches judiciaires afin de pouvoir publier certains détails de la longue enquête qui a mené à l’arrestation de Marc-André Grenon .


Meurtre

Guylaine Potvin est morte par strangulation et a été agressée sexuellement. Elle avait été vue vivante la dernière fois le 27 avril à 21h30, veille de la découverte de son corps, par son amie. Celle-ci avait fait une déclaration aux policiers, où elle a raconté que le soir du meurtre, Guylaine était seule car ses deux colocs étaient absentes, et elle devait se coucher tôt. Elles devaient se revoir le lendemain pour un stage au centre Georges-Hébert de Jonquière, mais le matin, le téléphone est resté sans réponse. Elle s’est donc rendue sur place, et en pénétrant dans l’appartement dont la porte était restée entrouverte, elle a découvert le corps inanimé de son amie, couchée sur le dos sur son lit.

Selon les documents policiers, il y avait eu vol d’objets dont une bague de finissante et un appareil photo jamais retrouvés et la bourse de la victime, retrouvée plus tard au Centre de tri de Jonquière.

Sur place, les enquêteurs ont récupéré de l’ADN dans du sang retrouvé sur une boîte de condoms et sur une ceinture de cuir brune, ainsi que des empreintes digitales.

Deuxième victime

Quelques semaines plus tard, le 3 juillet, le même scénario d’une jeune femme seule agressée sexuellement, étranglée, battue violemment et laissée pour morte se répétait à Ste-Foy, dans le logement du sous-sol d’un plain-pied de la rue Chapdelaine derrière l’université Laval, sauf que la victime a survécu. Les policiers ont trouvé l’appartement sens dessus-dessous et plusieurs traces de sang par terre, sur les murs et sur la poignée de porte. Visiblement il y avait eu lutte sur le lit et par terre, à côté.

La victime a raconté s’être réveillée alors qu’on l’étranglait. Elle pensait être attaquée par un ours. Elle s’est débattue et tenté de se défendre mais voyant qu’elle n’y arrivait pas, elle a simulé la mort pour que ça s’arrête, puis a perdu conscience.

L’ADN prélevé sur la scène de crime a confirmé qu’il s’agissait du même agresseur et les policiers ont fait un parallèle entre les deux victimes pour constater qu’elles avaient presque le même âge, un physique similaire, étaient étudiantes, se déplaçant surtout à pied et faisant du bénévolat. C’étaient des filles plutôt tranquilles. Il était connu par leurs proches qu’il arrivait qu’elles ne barraient pas leur porte.

L’enquête a toujours été active de 2000 à 2022 et le 14 décembre 2019, le sergent-enquêteur Christian Côté, de la division des disparitions et des dossiers non résolus a pris en charge ceux de Guylaine Potvin et de la victime de Québec sous le nom «projet BÉLIER».

Au fil de ces années, les enquêteurs ont ciblé 339 suspects qui ont été éliminés grâce à leur ADN; soit qu’ils ont accepté de fournir un échantillon ou soit qu’ils se trouvaient dans la Banque nationale des données génétiques (BNDG) gérée par le fédéral.

Marc-André Grenon a habité sur la rue de la Bretagne à Jonquière, directement derrière la résidence de la victime au 3897 rue Panet, au cours des années qui ont précédé les événements. En juillet 2000, selon le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, il résidait à 450 mètres de l’endroit où la seconde victime a été agressée.

Marc-André Grenon a déjà habité sur la rue de la Bretagne à Jonquière, directement derrière la résidence où Guylaine Potvin a été retrouvée morte en 2000.
En juillet 2000, Marc-André Grenon aurait résidé à 450 mètres de l’endroit où la seconde victime a été agressée.

L’accusé a plusieurs antécédents de vols et intrusions de nuit, tentatives d’introduction par effraction, menaces, voies de fait, possession d’outils de cambriolage, méfait, recel, bris de conditions, et possession de stupéfiants, des crimes commis en majorité à Chicoutimi et Jonquière. Trois jours avant le meurtre, il avait été arrêté pour un dossier de vol à Chicoutimi et a donné comme adresse la maison des sans abri.

Marc-André Grenon est devenu un sujet prioritaire de l’enquête le 14 juillet 2022.