Deux enseignantes et 13 élèves dans la plus petite école de la région

À l'école Sainte-Rose, les élèves sont divisés en deux classes. Ceux de la 4e à la 6e année sont avec Mme Audrey et ceux de la maternelle, 2e et 3e année avec Mme Marilyn.

Ils sont 13 élèves. Pas dans leur classe. Ils sont 13 élèves dans leur école. À Sainte-Rose-du-Nord, les enfants du village ont un parcours scolaire qui sort de l’ordinaire. Incursion dans la plus petite école primaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean.


Lundi matin, 8h30. La première chose qu’on remarque en y pénétrant, c’est le calme. À 13 élèves, même s’ils sont très enjoués et énergiques, les corridors sont beaucoup plus silencieux que dans un établissement de 200 ou même 400 jeunes.

Découvrez pourquoi les élèves de l'école Sainte-Rose aiment leur école. (Jeannot Lévesque / Le Quotidien)

Ils nous attendent de pied ferme. «Quand une nouvelle personne arrive, ils veulent tout savoir, dit l’une des enseignants, Mme Audrey. Ils veulent savoir comment elle s’appelle, ce qu’elle fait dans la vie et où elle habite!»

La directrice, Isabelle Tremblay, l’a vécu, en août, puisqu’elle est la petite nouvelle. Celle qui a été à la direction de l’unité 1 à l’École secondaire Charles-Gravel, puis directrice de l’école primaire La Pulperie à Chicoutimi, a complètement changé de décor.

La directrice, Isabelle Tremblay, est la petite nouvelle de l'école cette année. Elle a voulu un défi différent après avoir été la directrice de l'école La Pulperie à Chicoutimi.

«Je divise mon temps entre ici et l’école Vanier. À Sainte-Rose, l’équipe est vraiment autonome et elles sont ailleurs dans la pédagogie. C’est pratiquement un enseignement individualisé. Il y a beaucoup d’entraide. Entre les filles, mais aussi avec la communauté. C’est beau de les voir travailler.»

—  Isabelle Tremblay

L’équipe-école, ce sont les deux enseignantes ainsi que l’orthopédagogue, qui donne également le cours d’univers social. Il y a aussi les professeurs d’anglais, de musique et d’éducation physique qui viennent pendant la semaine.

Le concierge, le chauffeur d’autobus ainsi que la secrétaire sont également très importants. Cette dernière, Anne-Marie, est en fait la secrétaire, la surveillante sur l’heure du midi ainsi que la remplaçante quand une enseignante doit s’absenter.

Deux classes multiniveaux

Les enfants sont divisés en deux classes à niveaux multiples. Ceux de la maternelle à la 3e année sont avec Marilyn Potvin et ceux de la 4e à la 6e année avec Audrey Tremblay.

Les élèves de Mme Audrey étaient dans la salle multifonctionnelle lors du passage du Quotidien. Ce local devient celui du cours d'anglais et de plusieurs ateliers, dont culinaires.

Auparavant, les élèves de 3e étaient avec les plus grands, mais comme en août il n’y avait pas d’enfant en 1re année, il a été décidé de diviser les classes différemment. «J’appréhendais un peu d’avoir une classe de maternelle, 2e année et 3e année, explique Marilyn Potvin, mais finalement, ça se passe très bien. En première, ça demande beaucoup de temps avec l’apprentissage de l’écriture et de la lecture.»

Comme les enfants ont toujours évolué dans des classes multiniveaux, ils sont très autonomes, ajoute-t-elle. Marilyn Potvin a d’abord enseigné la musique à Sainte-Rose avant d’avoir son poste à temps plein, il y a sept ans. «Les enfants ici sont très créatifs dans leurs jeux et leurs histoires. Par exemple, ils font des gros forts de neige l’hiver, à la récré. Le soir, à la maison, ils fabriquent des glaçons de couleur qu’ils amènent le lendemain pour échanger avec les autres.»

Les forts semblent être un grand enjeu à Sainte-Rose. Lorsque le sujet est abordé, les jeunes s’enflamment et ramènent les histoires de l’hiver dernier. Ils s’obstinent, rient et ils ont les joues qui rosissent. À ce moment-là, nous avons plus l’impression d’être invités dans un party de famille que dans une école.

C’est aussi ce qui fait la beauté de ce milieu de vie. Il n’est pas rare que les membres d’une même fratrie se retrouvent dans la même classe. C’est le cas de Florence, en 2e année, qui prend bien soin de sa petite soeur Mathilde, en maternelle. Elle avait hâte de l’accueillir.

Les deux soeurs, Florence et Mathilde, étaient bien installées dans le coin lecture en ce lundi matin.

«Je trouve ça un peu plus difficile quand j’ai seulement un élève en maternelle. À deux ou plus, ils peuvent jouer ensemble, mais Mathilde veut apprendre à lire et à compter», mentionne son enseignante, qui a donc adapté l’horaire pour toute la classe.

Ainsi, en fin d’après-midi, tout le monde a une période de jeux libres. La professeure a pris cette décision parce que l’enseignement de la matière va beaucoup plus vite à cinq élèves plutôt qu’à une trentaine. «Depuis qu’ils sont en maternelle, ils ont toujours été avec moi. Je les connais et je sais exactement c’est quoi leurs besoins. Je sais aussi exactement où je veux les amener pendant l’année scolaire.»

Dans le local situé tout juste en face, Mme Audrey accueille huit jeunes. «En 4e année, ils sont cinq. C’est une grosse cohorte!» Ils laisseront un grand vide quand ils quitteront la place, dans deux ans.

D’ici là, en juin 2024, c’est Arundel qui partira pour le secondaire, à Charles-Gravel, qui compte plus de 1500 jeunes. Il se dit prêt. «Il va y avoir plus de monde, mais je ne suis pas stressé.»

Lui et ses amis reconnaissent que leur parcours scolaire est atypique. Ils se disent chanceux même s’ils souhaiteraient parfois être plus nombreux pour avoir plus d’amis, mais ils adorent être ensemble et ça paraît dans la dynamique qui s’est installée entre eux.

Un ratio élève/prof rêvé

Les deux enseignantes ne résident pas dans la municipalité. Tout comme l’orthopédagogue, Emanuelle Côté. «On voyage ensemble», souligne cette dernière.

C’est sa deuxième année dans cette école. La jeune femme adore l’univers qu’elle y a découvert. «C’est très varié comme travail. C’est simple entre les jeunes. Ils se connaissent tous et aiment travailler en équipe.»

Il y a beaucoup de projets éducatifs. Florence nous parle de celui de l’année dernière. Ils devaient présenter un animal et son habitat. Pour ce faire, les deux classes se sont mélangées. Il y a aussi les ateliers culinaires, la fabrication de bijoux, les cours de chant de Mme Marilyn sur l’heure du midi et les sorties à l’extérieur.

L’école Sainte-Rose a été rénovée en 2019. Une bibliothèque et salle d’ordinateurs a été installée tout juste à côté des deux classes.

Le regard vif de ces enfants plus que loquaces démontre bien que l’équipe qui les entoure sait prendre soin d’eux. «Ils ont les mêmes défis que n’importe quel jeune. Il y en a qui ont des difficultés d’apprentissage et d’autres qui ont besoin de plus d’encadrement», souligne Mme Emanuelle.

Une enseignante pour moins de dix élèves, sans compter les services d’une orthopédagogue, des dizaines d’établissements scolaires en rêvent.

L’avenir de l’école Sainte-Rose

Ici, ce n’est pas un tabou, même chez les enfants. Tout le monde sait que la population n’est pas en croissance dans la municipalité. Et ils sont tous bien conscients que c’est une chance d’offrir un enseignement et tous les services qui y sont rattachés à 13 jeunes.

L’établissement en a déjà compté une soixantaine. À son arrivée, il y a six ans, Mme Audrey mentionne qu’il y en avait 26. Depuis, ça ne cesse de diminuer.

Le bâtiment abrite également le centre de la petite enfance du village. «Il y a huit enfants, dont un qui a 4 ans et trois qui ont 3 ans, précise Mme Anne-Marie. Et ce sont toutes des nouvelles familles qui sont venues s’installer ici.»

On ne parle cependant jamais de fermeture. La bâtisse a été rénovée en 2019 et il n’y a pas un nombre critique d’élèves qui ferait en sorte que l’endroit devrait fermer. Emanuelle souligne que «les familles sont ici pour la nature et la proximité de l’école. Ce n’est pas leur vie d’envoyer leur enfant ailleurs.»

Si Sainte-Rose fermait, les petits iraient à Saint-Fulgence, située à 30 kilomètres. «Fermer une école, c’est fermer un village», répond avec douceur Mme Anne-Marie.

Mme Anne-Marie nous accueille à notre arrivée. Elle Mme Anne-Marie endosse les rôles de secrétaire, surveillante du midi et remplaçante.