Résilience. Patience. Stress. Fierté. Ces mots résument bien le chemin parcouru par Salomé Noutat, une Camerounaise de 28 ans qui a quitté sa patrie pour venir pratiquer au Québec. « Je voulais changer de décor et travailler avec des appareillages à la fine pointe de la technologie », souligne la jeune femme, qui est infirmière depuis 2016 au Cameroun.
Avec son mari et sa petite fille de 23 mois, elle est arrivée à Saint-Félicien le 18 septembre 2022 avec dix autres infirmiers et infirmières du Cameroun et d’Algérie.
Un peu plus d’un an plus tard, elle est diplômée du programme Intégration à la profession d’infirmière au Québec, créé par le gouvernement pour intégrer 1000 infirmières et infirmiers internationaux dans le réseau de la santé. « C’est vraiment gratifiant, mentionne Salomé Noutat. C’est un accomplissement. »
À peine ses cours terminés, Salomé a commencé à travailler au CHSLD l’Oasis, à Dolbeau-Mistassini. Pour l’instant, elle y travaille en tant que candidate étudiante à la profession d’infirmière (CEPI), car elle passera son examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) en mars 2024.
Ses dix comparses d’études, qui ont aussi obtenu leur diplôme, travaillent ou sont sur le point de le faire. Par exemple, Denis Armel, un Camerounais de 34 ans, a intégré l’équipe de chirurgie de l’hôpital de Roberval. Sabiha Mouhoubi, une Algérienne de 40 ans, commencera à la Maison des aînés de Roberval dès lundi.
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Les trois nouvelles recrues du CIUSSS apprécient grandement les plus grandes responsabilités qu’offre le métier, ici. « On peut participer à l’évaluation du patient, alors que chez nous, c’est le travail exclusif du médecin », fait remarquer Denis Armel.
« Ça fait près de 20 ans que je rêve de venir au Québec pour avoir plus de responsabilités en tant qu’infirmière », souligne pour sa part Sabiha, qui connaît des infirmières d’origine algérienne qui travaillent à Montréal depuis plusieurs années.
« Je peux appeler ma supérieure par son prénom et les relations sont plus conviviales », souligne Salomé, ajoutant que le travail d’équipe est très important ici.
Faire son nid
La formation et l’intégration au travail se sont bien déroulées, notamment grâce à l’aide offerte par le CIUSSS, le Cégep de Saint-Félicien et Portes ouvertes sur le Lac, mais la dernière année n’a pas été de tout repos.
L’expérience du renouveau est enivrante pour chacun d’entre eux, mais quitter son pays natal n’est pas une mince tâche. « On a tout quitté pour refaire notre vie ici, lance Salomé Noutat, mais ça n’a pas été facile de dire au revoir à ma mère, surtout avec un petit bébé qu’elle ne verra pas beaucoup. »
Au départ, il fallait trouver une place en garderie, ce qui s’est fait en janvier seulement. Entre-temps, son conjoint devait s’occuper du bébé pendant qu’elle était aux études, tout en travaillant de nuit. « J’aimerais qu’il trouve quelque chose qui lui plaît, pour qu’il puisse s’épanouir », souligne Salomé, qui souhaite s’intégrer, se poser et s’épanouir à Dolbeau-Mistassini.
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Denis Armel est pour sa part arrivé seul, laissant sa femme et son garçon de 2 ans au Cameroun, question d’amasser assez d’argent pour réunir la famille. Après un peu plus d’un an d’attente, ses proches viendront le rejoindre à Roberval, au cours des prochains jours. Bien qu’heureux d’être réuni avec ses proches, il se demande comment ils vont s’intégrer dans leur nouveau milieu. « J’espère offrir une éducation de qualité à mes enfants pour garantir leur avenir », dit celui qui souhaite aussi s’épanouir professionnellement et améliorer ses conditions de travail.
Sabiha Mouhoubi est pour sa part arrivée avec ses trois enfants de 4, 11 et 13 ans. Son mari est venu la rejoindre trois mois plus tard. Elle a eu plus de chance avec la garderie. Son agente de liaison lui a trouvé une place avant même son arrivée. Trouver un logement adéquat, intégrer les enfants dans leur nouveau milieu, aller à l’école et travailler n’est toutefois pas facile tous les jours, mais ça valait la peine. Plus d’un an après son arrivée, Sabiha est fière du chemin parcouru. Elle rêve même de poursuivre ses études pour se spécialiser dans les soins de plaie.
« Je devrai attendre d’avoir ma résidence permanente pour faire cette formation, déplore-t-elle. On est bien ici, mais ce serait encore plus facile si le processus d’immigration était allégé. »
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Recruter 1000 infirmières à l’international
En visant le recrutement de 1000 infirmières à l’international pour combler les besoins de main-d’œuvre dans le réseau de la santé, Québec s’est donné un objectif ambitieux en 2022.
«On veut trouver des solutions pour rendre le travail plus attrayant et pour améliorer les conditions de travail, mentionne Dominique Gagnon, conseiller-cadre à la planification de la main-d’œuvre et aux relations avec les partenaires externes au CIUSSS/SLSJ. On veut inverser la roue. Pour y arriver, on a besoin de plus de gens et le recrutement international fait partie de la solution.»
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Les besoins de main-d’œuvre sont énormes. Il manquerait entre 40 et 50 infirmières dans le secteur de Roberval et entre 25 et 35 à Dolbeau-Mistassini. À l’échelle de la région, les besoins se chiffrent entre 200 et 250 infirmières supplémentaires.
En ce moment, les infirmières sont en mesure d’offrir le service, mais l’équilibre est fragile. Pour renverser la tendance et trouver des renforts, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a travaillé avec le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) et le ministère de l’Enseignement supérieur (MESS) pour créer un projet de reconnaissance des acquis et de formation d’appoint pour permettre à la main-d’oeuvre internationale d’intégrer le système de santé québécois.
La phase 1 dans la région
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, 23 infirmières et infirmiers africains, en provenance du Cameroun, de la Tunisie et du Maroc, sont arrivés à l’automne 2022 pour suivre une formation au Cégep de Saint-Félicien et au Cégep de Chicoutimi.
«On a construit l’avion en plein vol, affirme Josée Bouchard, conseillère pédagogique et chargée de projet au Cégep de Saint-Félicien, en parlant de l’AEC offerte aux étudiants étrangers. C’est un projet pilote et on était le premier cégep à offrir la formation. On a dû adapter beaucoup de choses rapidement.»
Malgré les grands besoins dans les hôpitaux, le CIUSSS a notamment dû rendre des infirmières bachelières disponibles pour donner les cours aux étudiants. C’est tout un travail de coordination entre le CIUSSS, Portes ouvertes sur le Lac, les cégeps et différents organismes, ce qui a permis d’assurer la réussite du programme et le bien-être des étudiants.
Le logement et le transport ont notamment causé des maux de tête, alors que les étudiants travaillaient également 20 heures par semaine en tant que préposés aux bénéficiaires, précise Josée Bouchard. Mais la formation de ces étudiants était une grande aventure humaine qu’elle n’oubliera jamais.
Une bouffée d’air frais
Que représente l’arrivée de 11 infirmières et infirmiers dans le nord du Lac-Saint-Jean? «C’est une bouffée d’air frais», lance Dominique Gagnon.
L’intégration ne se fait toutefois pas sans effort. «Je souligne l’ouverture et le dévouement de nos employés et des gestionnaires pour aider à l’intégration et la formation des nouveaux employés», dit-il, ajoutant que leur intégration sera bénéfique pour tous, notamment pour réduire la quantité de temps supplémentaire obligatoire.
En terminant, Dominique Gagnon tenait à passer un message. «Ces nouveaux travailleurs viennent dynamiser nos milieux. C’est le travail de tous d’être inclusifs. On doit les intégrer à nos activités pour s’assurer qu’ils restent parmi nous», conclut-il.
Une autre cohorte en 2024
Fort de cette réussite, le CIUSSS/SLSJ lancera une deuxième cohorte pour offrir la formation d’appoint à 20 infirmières et infirmiers supplémentaires au Cégep de Saint-Félicien, en 2024, dans le cadre de la phase 5 du projet de recrutement de 1000 infirmières.