La cueillette de champignons gagne en popularité au fil des années

(Rocket Lavoie / Le Quotidien)

La saison 2023 en fut une faste pour les cueilleurs de champignons sauvages, qui ont pu profiter de sorties familiales en forêt pour remplir leur panier de ce mets parfois très prisé. Très populaire en Europe, la cueillette de champignons attire de plus en plus de néophytes au Québec.


C’est en tout cas ce que constate France Dallaire, la présidente du Cercle des mycologues du Saguenay, qui a vu la pratique se répandre de plus en plus dans les 40 dernières années.

Bien qu’agréable et conviviale, cette activité familiale peut cependant comporter des risques très incommodants, voire mortels, si le champignon n’est pas correctement identifié.

France Dallaire, présidente du Cercle des mycologues du Saguenay, tenant des champignons toxiques.

Avant, quand j’allais dans le bois, personne n’avait de panier, mais maintenant, on en voit de plus en plus. J’essaie par plusieurs moyens de rendre la mycologie intéressante pour les gens», explique celle qui donne des formations sur la mycologie à l’UQAC et qui organise des sorties en forêt pour les particuliers qui voudraient s’essayer et apprendre les rudiments de cette science.

Pour cueillir des champignons, France Dallaire se dote d’un petit couteau. Elle prend le champignon avec son pied, puis vient découper les parties du pied avec la terre avant de couper le champignon en deux pour vérifier s’il n’est pas trop infesté par les insectes et les vers. «Parce que de la vitamine V, j’n’en veux pas!», plaisante-t-elle.

La présidente du Club des mycologues du Saguenay essaie de rendre la science de la mycologie intéressante pour tout le monde.

Hausse des empoisonnements dans la région

En date du 23 août, le Centre antipoison du Québec avait reçu 23 appels en provenance du Saguenay-Lac-Saint-Jean concernant l’exposition à des champignons toxiques. C’est plus que l’année dernière, alors que 16 appels avaient été logés, et plus qu’en 2021, où le nombre s’élevait à 14. En revanche, les données de 2023 sont similaires à celles de 2020, puisqu’une vingtaine de personnes ont appelé le Centre antipoison.

La tendance à l’échelle de la province est plutôt à la baisse, depuis quatre ans. En 2023, on recense 377 appels, soit moins qu’en 2022 (450). Dans 50% des cas, les personnes exposées aux champignons ont développé des symptômes, contre 53% en 2022. Sur les 377 appels reçus, 80 patients ont été dirigés vers un centre hospitalier et 11 autres ont eu des effets modérés ou sévères. Moins de cinq patients ont eu recours à des soins critiques.

Dans la plupart des cas, le Centre antipoison du Québec n’est pas en mesure d’identifier formellement le champignon coupable de l’intoxication, mais plusieurs sont dangereux pour le foie.

Ne pas confondre

France Dallaire a recensé et identifié plus de 2500 espèces de champignons, dans la région, mais seulement une trentaine sont comestibles, d’après son expertise. Le risque le plus fréquent est de confondre deux sortes de champignons, comme le Lepiota naucina, ou lépiote pudique, un champignon blanc qui ressemble fortement à l’Amanita virosa, aussi appelée amanite vireuse ou Ange de la mort, et qui est, comme son surnom l’indique, mortel.

Les très fines et recherchées chanterelles trompettes, ou Craterellus tubaeformis, peuvent aussi être confondues avec le Clitocybe orangé, qui arbore un chapeau, des lames et une chair orangée, ou avec le Cortinaire cannelle, qui possède un chapeau en entonnoir non creusé et qui abrite des lames et non des plis.

Elles peuvent aussi être confondues avec le clitocybe lumineux, qui donne une symptomatologie gastro-intestinale importante.

Le gyromitre, qui contient de la gyromitrine, une toxine pouvant entraîner des convulsions, peut aussi être sujet de méprise, puisqu’il ressemble aux morilles.

Les chanterelles trompettes peuvent être confondues avec le Clitocybe orangé et le Cortinaire cannelle.

«Vu que c’est de plus en plus populaire, le monde se dit qu’il peut en cueillir avec l’aide d’un livre, mais ce n’est pas suffisant. Il faut vraiment les faire identifier par des mycologues d’expérience», martèle France Dallaire.

Ils sont trois identificateurs, au sein du Cercle des mycologues du Saguenay, et chacun couvre un secteur. Claude Savard s’occupe du secteur de Chicoutimi, Noël Ayotte, de celui de Chicoutimi-Nord et Saint-Ambroise, tandis que France Dallaire gère le secteur de St-Charles-de-Bourget et Alma.

France Dallaire possède un terrain de 18 acres sur lequel pousse des centaines de champignons. Elle tient dans ses mains un champignon homard, reconnaissable par sa couleur orangé.

Vendeurs à la sauvette

L’identificatrice désire mettre en garde contre une nouvelle tendance qui fait son apparition en même temps que l’engouement pour les champignons grandit, à savoir la vente de champignons sauvages par des particuliers.

«Il y a 15 jours, une dame est venue faire identifier ce qu’elle pensait être des chanterelles, mais c’était des champignons mortels et elle voulait les vendre! C’est pour ça que c’est bien important de suivre des cours ou de venir les faire identifier auprès des identificateurs, comme nous.»

—  France Dallaire

Mais parfois, les conseils qu’elle donne passent par l’une des oreilles du consommateur et ressort par l’autre. «J’ai eu un monsieur qui avait cueilli des bolets poivrés. Je lui ai dit que ça marchait comme un condiment, qu’il fallait en prendre un petit peu, mais il en a mangé quatre ou cinq! C’est beaucoup trop! Il a eu des douleurs au ventre pendant six mois et a dû aller à l’hôpital», relate la présidente du Cercle des mycologues du Saguenay.

Elle remarque aussi que des personnes, voyant le marché lucratif qu’offre la mycologie, profitent des formations qu’elle donne pour se lancer en affaires. «J’ai donné des cours à une dame, et l’année d’après, elle s’est mise à en donner aussi. Quand on sait que ça peut être dangereux si mal identifié... Cherchez l’erreur», de commenter la spécialiste.

Les amateurs de bons petits plats aux champignons pourront encore en profiter jusqu’aux premières gelées, avant de ranger panier et couteau jusqu’à l’année prochaine.