Davantage de pères en congé parental, mais encore du chemin à faire

Le Québec est l’un des précurseurs dans le monde en ce qui a trait aux congés parentaux, et plus particulièrement aux congés paternité. Mais, bien malgré eux, il peut parfois encore être difficile pour les futurs pères de les prendre et de s’impliquer avant, pendant et après l’accouchement afin de partager les tâches et la charge mentale.


«J’ai pris 13 semaines de congés parentaux partagés pour mon dernier enfant, et honnêtement, c’est la plus belle chose que j’ai faite de ma vie», a confié Samuel Tremblay, cofondateur du blog Nouveaux Pères, qui vise à partager son quotidien de papa et celui de son grand ami, Maxime Pearson.

Les deux hommes, originaires de la région, sont devenus pères pour la première fois pratiquement au même moment, en 2018. Samuel Tremblay a ensuite eu un deuxième enfant en 2020 et un troisième 2022.



Il explique que, comme beaucoup d’autres, il était très peu préparé à l’idée de devenir père, et, en voulant se renseigner, il ne trouvait presque rien concernant les difficultés et les obstacles que les pères peuvent rencontrer. Il ajoute également que les futurs papas ont de la difficulté à aller trouver d’autres pères pour avoir une discussion profonde sur le sujet et pour partager ce qu’ils vivent.

«Je ne dirais pas que j’appréhendais, mais je plongeais dans l’inconnu. Cinq ans plus tard, je suis un père engagé», raconte le père de famille.

Maxime Pearson et Samuel Tremblay sont les cofondateurs de Nouveaux Pères, un blog dans lequel ils partagent leur quotidien de papas.

Dans l’optique de faire plus de place aux pères de famille et de les inciter à davantage s’impliquer, le Comité de travail national sur les pères et la périnatalité souhaite que le ministère de la Santé et des Services sociaux intègre dans son Plan d’action en périnatalité et petite enfance des services qui collent aux réalités paternelles et coparentales.

«On voit de plus en plus de jeunes pères qui souhaitent s’impliquer et jouer un rôle, mais on a encore beaucoup trop une approche mère-enfant», mentionne le directeur général du regroupement pour la valorisation de la paternité, Raymond Villeneuve.



Les impliquer à chaque étape

C’est pourquoi Raymond Villeneuve trouve important d’impliquer les pères dès la période périnatale, et ce, dans toutes les étapes de la grossesse, du suivi jusqu’à l’accouchement, et bien sûr, une fois bébé arrivé.

Les pères sont dans un angle mort, c’est comme si c’était le deuxième parent, et que le parent principal, c’était la mère. On a très peu de recherches sur eux, sur leur réalité et les enjeux qu’ils vivent.

—  Raymond Villeneuve, directeur général du regroupement pour la valorisation de la paternité

Il soutient que, si les deux parents sont impliqués dès le début, ils seront forcément gagnants en bout de ligne. «Plus les parents sont quittes dès le départ, plus on va avoir une société égalitaire, moins de charge mentale pour les mamans et un plus grand soutien pour les enfants», précise-t-il.

Le Comité de travail national sur les pères et la périnatalité estime aussi qu’il est important d’intégrer formellement du soutien à l’engagement paternel et à la coparentalité dans les politiques publiques, les programmes et les mesures gouvernementales, de soutenir l’avancement de la recherche sur les enjeux vécus par les pères et d’intégrer des ressources liées aux réalités des pères de famille dans les formations professionnelles, pour que les intervenants soient plus aptes à réagir face à la détresse paternelle.

Impliquer les pères durant la période périnatale permet aussi de mieux affronter les aléas que peuvent rencontrer les parents. «Ça arrive que dans la période périnatale, le couple vive des difficultés, de commenter Raymond Villeneuve. Au Québec, 8 % des bébés naissent prématurés, 15 à 20 % des mères et 10 % des pères font une dépression postnatale et il y a environ 20 000 fausses couches par an. »

Faire équipe

«La période périnatale, c’est le début de tout, et c’est une période d’adaptation et de vulnérabilité pour tout le monde. C’est pourquoi il est important de faire équipe avec son conjoint pour qu’il puisse intégrer son nouveau rôle», note Marie-Claude Dufour, directrice du Réseau des Centres de ressources périnatales du Québec (RCRPQ).

Elle est consciente du stress que peut générer l’arrivée d’un enfant chez un futur père et pense qu’il est primordial d’aller valoriser l’autre parent pour créer un sentiment de légitimité parentale. D’autant plus que prendre des congés parentaux partagés et faire équipe avec son conjoint a un effet bénéfique sur le développement du nourrisson et sa relation avec ses parents.



«Le fait que le père s’implique tout de suite permet de consolider sa relation avec son enfant, avoir un père aussi compétent qu’une mère pour changer des couches, prendre un bain, l’habiller, et ainsi avoir ses deux parents pour s’occuper de lui, c’est aussi sécurisant pour le bébé», pense-t-elle.

Marie-Claude Dufour illustre ses propos en prenant l’exemple d’une mère en proie à une dépression post-partum incapable de prendre son enfant dans les bras. Le père doit alors prendre le relais, mais s’il n’a pas été impliqué dès le début, ça peut s’avérer compliqué pour lui d’avoir les réflexes et de savoir quoi faire.

Il faut encourager les pères à demander cette place. Cette légitimité, ils doivent se l’approprier

—  Marie-Claude Dufour, directrice RCRPQ

Le Centre de ressources périnatales (CRP) Aide-parents plus à Jonquière a été mis en place pour permettre au père de s’intégrer et de s’impliquer dans la grossesse, et même après, grâce à des rencontres et des ateliers, tout en s’adaptant aux réalités qu’ils vivent.

Hausse des pères en congé parental

À l’occasion de la 11e Semaine québécoise de la Paternité, qui avait lieu du 12 au 18 juin, le Conseil de gestion de l’assurance parentale a tenu à souligner les effets positifs qu’a eu la Loi visant à améliorer la flexibilité du régime d’assurance parentale afin de favoriser la conciliation famille-travail, mis en place en 2020.

La mère a le droit à 18 semaines exclusives de congé maternité, et le père à 5 semaines, mais ils peuvent aussi se partager 32 semaines de congés parentaux. Les nouvelles mesures du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) octroient quatre semaines de congés parentaux partagés en plus, si et seulement si chacun des deux parents en a pris huit semaines. Il est même possible de travailler ou de faire de petits travaux pour son employeur, dans la limite du raisonnable, tout en recevant des prestations.

«Depuis 2006, on voyait une stagnation, les pères prenaient leurs semaines exclusives, mais pas les congés parentaux partagés, constate Marie Gendron, présidente et directrice générale du Conseil de gestion de l’assurance parentale. Avec l’ajout de ces semaines supplémentaires, on commence à voir une hausse.»

En 2020, seulement 8 % des couples ont partagé leurs semaines de prestations parentales en nombre suffisant pour avoir le droit aux semaines additionnelles, mais au premier semestre de 2021, ce chiffre grimpe à 20 %. Depuis l’entrée en vigueur du RQAP en 2006, les pères ont pris, en moyenne, neuf semaines de congés parentaux, alors qu’en 2021, la moyenne est de dix semaines, ce qui représente un sommet depuis 16 ans.

«Les pères sont souvent réticents à prendre ces congés, parce qu’ils pensent que ça va nuire à leur cheminement professionnel, alors que les employeurs sont assez ouverts pour appuyer cette mesure», explique Marie Gendron.

C’était d’ailleurs le cas de Samuel Tremblay. «À mon premier enfant, j’avais pris quatre semaines, et je me souviens que j’avais des doutes et des craintes de comment ça allait être accueilli dans mon milieu de travail. Mais ça a un impact sur la suite, ça permet de connecter plus rapidement avec son enfant et de mieux comprendre les réalités de l’autre», conclut-il.