Les effluents de l’usine de pâte trop chauds pour la ouananiche dans la rivière Ashuapmushuan

Le Ministère a déclaré que l'état actuel des connaissances prescrit de toujours privilégier un maintien du rejet dans la rivière Mistassini.

Les effluents de l’usine de pâte de Saint-Félicien pourraient créer une barrière thermique pour la ouananiche dans la rivière Ashuapmushuan, selon un avis des experts de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) réalisée pour le ministère de l’Environnement, qui mise sur la conduite vers la rivière Mistassini pour déverser les rejets de l’usine à long terme


C’est le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs qui a commandé une expertise sur l’impact des effluents de l’usine de Saint-Félicien aux experts de la Chaire de recherche sur les espèces aquatiques exploitées à l’UQAC, soutient Pascal Sirois, le directeur de cette chaire.

« On nous a demandé de faire une analyse à savoir quels seraient les avantages et les désavantages de rejeter les effluents dans la rivière Ashuapmushuan ou dans la rivière Mistassini du point de vue des poissons », dit-il, expliquant que cet avis scientifique a été rendu sous la forme d’un atelier de transfert de connaissance.



Dans un premier temps, les experts suggèrent d’améliorer la source des rejets pour limiter les impacts.

Ces derniers ont eu accès à la liste des effluents sortant de l’usine, mais contrairement à ce qu’ils pensaient initialement, ce n’est pas la toxicité des rejets qui menacent les poissons, mais plutôt la température de l’eau et les matières en suspension.

« Dans la rivière Ashuapmushuan, les rejets posent un risque réel de créer une barrière thermique, qui repousserait les ouananiches du secteur », explique Pascal Sirois, qui ajoute que les rejets ont le potentiel de faire hausser de plusieurs degrés la température de l’eau près de l’usine. Les ouananiches éviteraient alors tous les habitats en amont de l’usine, car la rivière n’est pas assez large pour contourner cette barrière thermique, et ce particulièrement pendant la période d’étiage, soit la période où le cours d’eau est à son débit minimal, à l’été, qui correspond avec la période de la montaison.

Les rejets dans la rivière Ashuapmushuan pourraient causer une barrière thermique, repoussant les ouananiches des secteur en amont de l'usine.

En revanche, à la sortie de la conduite dans l’embouchure de la rivière Mistassini, on se retrouve pratiquement dans le lac Saint-Jean, souligne l’expert, ce qui fait en sorte que les poissons peuvent contourner la zone d’eau chaude.



Selon Pascal Sirois, il faut éviter de rejeter les effluents à long terme dans la rivière Ashuapmushuan qui est une rivière patrimoniale où l’on retrouve une des dernières grandes frayères naturelles pour la ouananiche dans le monde. « C’est un joyau de biodiversité », dit-il.

« Entre deux maux, il faut choisir le moindre », ajoute-t-il en faisant référence au déversement dans la rivière Mistassini.

Les matières en suspension rejetées auraient aussi un impact sur l’habitat de la ouananiche, causant des dépôts de sédiments sur les sites de fraie et de taconnage, remarque ce dernier.

La science écoutée

Tous les messages livrés par les experts de l’UQAC semblent avoir été reçus par le MELCCFP, selon ce que l’on peut lire dans le communiqué de presse publié lundi. Dans ce communiqué, le ministère annonce que des travaux de nettoyage seront faits dans la conduite servant à acheminer les effluents traités de l’usine Produits forestiers Résolu (PFR) vers la rivière Mistassini du 29 mai au 21 juin. Pendant cette période, PFR pourra déverser ses effluents temporairement dans l’Ashuapmushuan. « Le Ministère a choisi précisément cette période pour réaliser les travaux […] notamment [pour] éviter le rejet d’effluents pendant la remontée des ouananiches adultes vers leur site de reproduction. Cette remontée a habituellement lieu du 15 juillet à la fin août et peut parfois se prolonger jusqu’à la fin septembre », peut-on y lire.

« Le Ministère déclare que l’état actuel des connaissances prescrit de toujours privilégier un maintien du rejet dans la rivière Mistassini. Les travaux annoncés aujourd’hui visent à évaluer avec précision les travaux nécessaires pour réhabiliter la conduite en vue d’assurer son bon fonctionnement à long terme. L’approche privilégiée par le Ministère implique également des mesures visant à réduire à la source les effluents de l’usine PFR et à en améliorer la qualité », poursuit-on.

Pascal Sirois se réjouit de la décision du gouvernement. « Je suis content de voir que la science est écoutée », a-t-il mentionné.

Fait à noter, la conduite de dérivation vers la Mistassini a été mise à la disposition de l’usine PFR (auparavant la compagnie Donohue) en 1978 pour le rejet de ses effluents. Les coûts et la responsabilité associés à l’entretien de cette conduite sont assumés par le gouvernement du Québec en vertu de l’entente convenue avec l’entreprise lors de la construction de l’usine.