AU TROU TROP LONGTEMPS | Plus de 7000 détenus dédommagés

Les détenus et ex-détenus qui ont été «jetés au trou» durant de longues périodes avaient jusqu'au 7 novembre dernier pour s'inscrire au recours. Un peu plus de 11 700 d’entre eux l’ont fait.

EXCLUSIF | Plus de 7000 détenus et ex-détenus de pénitenciers fédéraux seront dédommagés par Ottawa, visé par un recours collectif pour leur avoir imposé de trop longues périodes d’isolement «au trou». Près de 5000 d’entre eux ont déjà reçu un premier montant de 5400$, tandis que certains devraient bientôt recevoir un chèque avoisinant les 50 000$. 


L’automne dernier, au terme d’une longue bataille devant les tribunaux, la Cour d’appel a condamné le gouvernement fédéral à verser 28 millions $ à des détenus isolés au trou durant de trop longues périodes, entre 2009 et 2019. Deux juges avaient alors statué que l’isolement de plus de 15 jours consécutifs viole les droits fondamentaux des détenus garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. À leurs yeux, cet acte se rapproche de la torture.

Dans les dossiers préalablement examinés, on parlait d’un moyenne de 58 jours consécutifs en isolement.



Le pénitencier de Cowansville, où sont détenus encore des réclamants, est l'un des plus populeux du Québec.

Les détenus et ex-détenus qui ont été «jetés au trou» durant de longues périodes avaient jusqu’au 7 novembre dernier pour réclamer leur part.

Un peu plus de 11 700 d’entre eux l’ont fait, sur une possibilité de 15 000, dont 4000 sur le territoire québécois. Au final, environ 60% des personnes inscrites au recours collectif ont rempli tous les critères, leur permettant ainsi de recevoir leur part.

Premiers chèques envoyés

Déjà, environ 5000 ex-détenus ont reçu un chèque, bien que le processus se poursuit. «On parle d’un montant de base de 5400$ pour le fait d’avoir été placé plus de 15 jours consécutifs en isolement», explique Me Marianne Dagenais-Lespérance, du cabinet Trudel Johnston & Lespérance, chargé du recours collectif.



L’isolement, communément appelé le trou, se définit par un confinement de 22 ou 23 heures sur 24 dans une cellule prévue à cet effet.

La majorité des dossiers continuent à cheminer à travers les processus «deux» et «trois». «Ces processus permettent d’obtenir des montants additionnels au montant de base reçu ou d’obtenir une compensation pour les personnes souffrant de troubles sévères de santé mentale et ayant été placé moins de 16 jours consécutifs», ajoute Me Dagenais-Lespérance.

Si le détenu rempli les conditions du processus deux, il peut recevoir entre 40 000$ et 50 000$, selon qu’il souffrait de troubles de santé mentale ou non. En tout, près de deux tiers des personnes inscrites au recours collectif ont indiqué souffrir d’un trouble sévère de santé mentale.

Chaque réclamation est évaluée par un décideur indépendant sur la base de critères préétablis. Un juge doit ensuite approuver le montant qui a été déterminé, explique Me Dagenais-Lespérance.

Il n’y a aucun plafond dans le processus trois.

Cette étape est également évaluée par un juge. «Ce processus est beaucoup plus long et nécessite une implication importante de la part des réclamants et des avocats. Il est très difficile de pouvoir parler de délais, comme de nombreuses étapes doivent être complétées par nous, ainsi que par les services correctionnels et même la cour avant d’obtenir des montants», souligne l’avocate.

Me Marianne Dagenais-Lespérance, du cabinet Trudel Johnston & Lespérance, chargé du recours collectif.

Toujours en détention



Le recours collectif ne visait que les pénitenciers fédéraux. Le Québec en compte dix sur son territoire. Les détenus qui y sont incarcérés sont ceux condamnés à une peine de deux ans et plus.

Sur les 11 700 personnes qui ont présenté une réclamation, 60% purgent toujours une peine dans un pénitencier, dans une prison provinciale ou résident en maison de transition.

«Les trois établissements où résident le plus de réclamants que nous représentons sont le Centre fédéral de formation, Cowansville et Archambault»

—  Me Marianne Dagenais-Lespérance

Ce sont d’ailleurs les trois pénitenciers les plus populeux de la province.

Le Québec compte 10 pénitenciers sur son territoire, dont celui de Donnacona.

Un deuxième recours collectif

Il s’agit du deuxième recours collectif pour le droit des détenus à être entrepris ces dernières années. Un recours sur les fouilles à nu jugées abusives a été autorisé en 2021. Un millier d’anciens détenus de cinq prisons provinciales ont finalement été dédommagés l’année suivante. En moyenne, ils ont touché 2500$ chacun. Une personne avait reçu 10 000$.