Au centre de recherche d’Écofaune boréale, implanté à Mashteuiatsh, on retrouve des fourrures de toutes sortes d’animaux, mais aussi une grande variété de cuir de toutes sortes.
« La fourrure demeure dans nos axes de recherche, mais il s’ajoute à ça d’autres axes importants, comme le cuir, qui est de la fourrure, mais sans poil, note Louis Gagné, le coordonnateur du CCTT. On travaille donc avec le même matériel dans un secteur qui est assez vaste. »
Au cours des dernières années, Écofaune boréale a donc commencé à travailler avec des abattoirs pour mettre en valeur les centaines de milliers de peaux jetées chaque année. « On paie collectivement pour enfouir ces peaux, alors qu’on importe massivement les produits de la fourrure et du cuir, ajoute ce dernier. Ça ne fait aucun sens. »
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Avec ses collègues, Louis Gagné travaille donc à mettre en place une économie circulaire autour des produits du cuir et de la fourrure, en collaborant par exemple avec l’Abattoir Lafrance, à Shawinigan, qui transforme près de 500 moutons et 400 boeufs chaque semaine.
« On pense qu’on peut développer une filière québécoise pour créer des produits à valeur ajoutée », estime M. Gagné. Au lieu d’importer du cuir de mouton d’Haïti, de Turquie, de Chine ou d’Afrique, on pourrait utiliser la ressource locale, qui est un déchet en ce moment, pour en faire des gants de sécurité en cuir, des produits médicaux et bien d’autres produits. « Je suis convaincu que l’on gère mieux les effluents au Québec et qu’on peut faire des produits plus écoresponsables », ajoute-t-il.
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Guillaume Pham, le directeur de l’Abattoir Lafrance, est aussi enchanté à l’idée de créer davantage de valeur avec les peaux des animaux qu’il transforme. « C’est ridicule de jeter cette ressource », dit-il, tout en espérant développer ce marché. Avec Écofaune boréale, l’entreprise travaille sur une étude de marché pour mettre sur pied un projet pilote de transformation, dans un bâtiment adjacent à l’abattoir.
Du cuir de poisson ?
En se promenant dans les locaux d’Écofaune boréale, on remarque également quelques dizaines de peaux de poissons séchés. « Savais-tu que le cuir de saumon est sept fois plus fort que le cuir de boeuf », lance Louis Gagné avec un large sourire, avant d’ajouter que ces peaux ont été récupérées d’un fumoir du Québec. Son équipe travaille actuellement à développer une nouvelle solution de tannage, à la demande de Fourrure Gauthier, une entreprise de Chicoutimi-Nord.
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« À l’heure actuelle, on importe des peaux de saumon de France, mais à terme, on aimerait développer l’approvisionnement et l’expertise localement », souligne l’entrepreneur, qui est en train de développer une nouvelle gamme de produits à base de cuir de saumon pour le marché international. Au cours des prochains mois, ce dernier dévoilera toute une gamme de produits avec manteaux, cravates et autres produits avec ce cuir écoresponsable.
En se promenant dans le centre de recherche, on remarque une foule d’équipements spécialisés, dont des écharneuses pour enlever le gras, des raseuses et des séchoirs. Au total, il y a pour un million de dollars d’équipements, en majorité importés de Turquie et d’Italie. On note aussi quelques équipements fabriqués sur mesure. Près de 15 personnes collaborent avec Écofaune boréale, dont huit à plein temps.
Sur le chemin, on croise le professeur-chercheur Olivier Côté, qui se promène avec des pattes de castor sur un présentoir. « Nos projets de recherche permettent aussi de créer du matériel pédagogique pour nos étudiants », dit-il en présentant les pattes palmées du castor.
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« Ça permet aux étudiants de voir de près des spécimens et de tester l’effet des pattes dans la neige », lance-t-il à titre d’exemple.
Des pratiques plus vertes
Encore aujourd’hui, la majorité des peaux sont tannées en utilisant du chrome, une pratique polluante, mais l’industrie est en train de se transformer, explique Éric Pelletier, le propriétaire de la Tannerie des Ruisseaux. L’entreprise, qui est la plus grosse tannerie au Canada, transforme près de 600 peaux par semaine, toutes des peaux qui seraient jetées autrement.
« Nos clients, comme Levi’s ou Tommy Hilfiger, nous demandent un cahier de charges de plus en plus serré pour obtenir des produits plus écoresponsables », dit-il. En ce moment, l’entreprise, qui utilise déjà un mélange de solution de chrome et de mimosa, un extrait de plante, aimerait bien trouver une alternative 100 % végétale en travaillant avec Écofaune boréale, fait remarquer l’entrepreneur en soulignant qu’il traite ses eaux en circuit fermé.
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« On a deux prospects très intéressants, dont un provient de la forêt boréale et l’autre du monde marin », souligne Louis Gagné, sans en dire plus pour respecter le secret industriel. Un autre projet est aussi à l’essai avec les résidus de café.
Parmi les autres projets de recherche, Écofaune boréale souhaite tester le cuir de flétan, un énorme poisson que l’on retrouve dans le golfe du Saint-Laurent. Un projet vise aussi à mettre en valeur le raton laveur pour des chapeaux, alors qu’un autre vise à trouver des débouchés pour les retailles de cuir.
Valoriser les fourrures autochtones
Plusieurs projets visent aussi à redorer l’image de l’industrie de la fourrure pour permettre aux trappeurs et chasseurs autochtones d’en tirer de meilleurs revenus. Il existe là une belle opportunité, car même les États comme la Californie, qui a banni la fourrure de son territoire à compter de 2023, permettent l’utilisation de fourrures provenant des Premières Nations. Il y a donc un travail de certification à déployer pour assurer la provenance des peaux.
Le CCTT du Cégep de Saint-Félicien a notamment participé à la réouverture d’une tannerie à Kuujuaq, où un volet de recherche a été implanté en cohabitation avec les activités des artisans locaux. « C’est la seule tannerie inuite au Canada », souligne Louis Gagné.