J’ai cherché à « mieux comprendre » le phénomène RHP dans les derniers jours, environ 48 heures après que le Jonquiérois ait fait parler pas mal de lui en inscrivant deux (très beaux) buts contre les Red Wings de Detroit, jeudi dernier, dans l’uniforme du Canadien de Montréal. Et il s’en est fallu de peu qu’il réussisse son tour du chapeau en prolongation.
Le jeune homme de 24 ans, fier produit régional développé chez nous, en a impressionné une couple par sa fougue, son aisance sur la glace et devant les caméras, ainsi que son travail acharné. À Chicoutimi, endroit où il a terminé sa carrière junior avec le C de capitaine cousu sur son chandail, après trois saisons dans l’uniforme des Huskies de Rouyn-Noranda, on est fier et élogieux, certes, mais surpris ? Pas tellement.
Yanick Jean, entraîneur d’Harvey-Pinard avec les Saguenéens en 2019-2020, sa dernière — et inachevée — dans la LHJMQ, quand la pandémie a volé le show, dresse un parallèle avec Yanni Gourde, un autre qui a défoncé les portes pour faire sa place dans la Ligue nationale. Jean a « coaché » Gourde à Victoriaville. Je vous avertis, la citation est longue, mais elle mérite d’être reprise dans son intégralité.
« C’est le genre de gars qui ne se contentent pas de se faire dire non, d’avoir un temps de jeu moins élevé, a noté l’expérimenté entraîneur, rencontré samedi. Au lieu de se demander pourquoi ils ne jouent pas, pourquoi ils ne sont pas à un niveau supérieur, ils sont dans le comment. Comment je pourrais faire pour obtenir plus de temps de glace ? Qu’est-ce que je peux faire pour gagner en confiance ? Ils ne trouvent que des solutions au lieu de chercher des problèmes. Des joueurs de hockey comme Harvey-Pinard, qui ont cette attitude, il n’y en a pas beaucoup, et j’inclus ceux dans la Ligue nationale. À un, ce n’est jamais assez, il y a toujours moyen d’en faire plus. Il s’organise pour que ça marche. »
Des propos forts, quand même, corroborés par Félix Bibeau, le vieux chum de Rafaël Harvey-Pinard. Les deux ont fait la pluie et le beau temps à Rouyn-Noranda, conduisant les Huskies à la conquête de la coupe du Président et de la coupe Memorial, en 2019. Réunis dans l’uniforme des Sags quelques mois plus tard, il s’apprêtaient à faire la même chose la saison suivante au Saguenay...
Bibeau a tiré un trait sur sa carrière de hockeyeur et il est aujourd’hui l’un des adjoints de Yanick Jean derrière le banc de l’équipe du Royaume.
« Il le mérite amplement et même pour sa famille aussi, c’est du bon monde et les bonnes affaires arrivent au bon monde habituellement », a-t-il commencé par dire.
« Je n’ai jamais gagé contre lui et je ne gagerai pas contre lui, c’est impossible, a-t-il ajouté. C’est le genre de gars que plus il joue, plus il fait les petits détails que les entraîneurs remarquent. C’est de cette manière qu’il va réussir à s’établir. Oui, il peut marquer des buts, mais c’est plus que ça et les coachs le voient. »
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« Gager contre lui ». C’est également ce que Yanick Jean ne ferait pas s’il avait un vieux 2 $ en papier à faire fructifier.
« Ce qui fait que ces joueurs-là sont spéciaux, c’est parce qu’ils ont un état d’esprit différent des autres, a-t-il remarqué. Quand tu les connais, tu n’es pas surpris qu’ils accomplissent de grandes choses. Tu comprends que tu ne peux jamais gagner contre lui. Peu importe l’âge, il va continuer de s’améliorer. Même à 28 ans, il va toujours être meilleur, justement parce qu’il est différent. »
Oui, l’ancien #11 des Huskies et des Saguenéens profite des blessés chez le Canadien, mais sa présence dans le grand club permet de réaliser que son coffre à outils commence à être pas mal plein pour batailler avec les meilleurs joueurs de hockey au monde.
« Ça va être dur de le tasser, a prédit Félix Bibeau. Il fait tellement de bonnes choses, tu ne peux rien lui reprocher. Quand il va faire des erreurs, il va toujours revenir à fond. Il n’a pas le patin ni la grosseur de bien des joueurs, mais il a du cœur et je pense qu’il commence à être un modèle pour les jeunes hockeyeurs du Québec. »
En visite à Montréal
Bibeau sera d’ailleurs au Centre Bell, mardi soir, pour assister au septième match de Rafaël dans la LNH. « J’espère qu’il va scorer », dit-il d’ailleurs à la toute fin de la discussion. « Bib » sera accompagné de sa copine et de William Cyr, ancien membre des Huskies. Les trois ont gagné ensemble à Rouyn-Noranda, ils étaient inséparables. Félix ne s’attend pas à voir un jeune homme transformé, la tête en l’air, lorsqu’il va retrouver son bon ami.
« Il ne parle pas vraiment, mais une fois sur la glace, c’est un modèle à suivre, a signalé le jeune entraîneur. Sur la patinoire et dans le gymnase, il se défonce dans tout ce qu’il fait. C’est facile de suivre un gars de même et j’ai toujours joué avec lui, donc c’était facile. Il amène une culture dans un groupe de leaders, c’est incroyable. Il reste la même personne, même s’il joue dans la Ligue nationale. Tu le croises, il va te dire salut, il va faire des blagues. Il ne va jamais se prendre pour un autre. C’est un rassembleur et il fait ça naturellement, il ne fait pas exprès. »
En sachant tout ça, les Saguenéens sont légitimement en droit de se demander quel genre de printemps ils auraient vécu avec un Rafaël Harvey-Pinard à la tête d’un club équipé pour aller loin, en 2020. Vivre dans le passé est la pire des erreurs, mais allez jeter un coup d’œil sur les statistiques individuelles et collectives lors de cette saison 2019-2020...
C’est d’ailleurs la présence d’un Harvey-Pinard qui a fait dire à l’état-major des Sags que c’était le temps de foncer.
« On ne veut pas rester crocheté, mais c’est pour ça qu’on avait bâti cette équipe-là et qu’on avait amené les Bibeau, Kyte, Mercer..., a énuméré Yanick Jean, DG et entraîneur. On avait un joueur spécial avec Harvey-Pinard à la base et on a ajouté du leadership et des gars qui avaient gagné, qui connaissaient le tabac. C’est certain que si on n’avait pas eu Harvey-Pinard, on n’aurait jamais fait autant d’échanges pour améliorer l’équipe. On ne pouvait passer à côté de l’opportunité d’avoir un leader comme ça sans essayer de gagner. »
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Voilà, ça a le mérite d’être clair. Que ce soit à Montréal ou ailleurs, les chances de voir Rafaël Harvey-Pinard gagner sa vie en jouant au hockey semblent bien concrètes. Le choix de huitième ronde dans la LHJMQ et de septième ronde dans la LNH, à 19 ans de surcroît, en a fait du chemin. Et ce n’est peut-être que le début.