Le gouvernement français veut repousser de 62 ans à 64 ans l’âge de la retraite, ses tentatives se butent depuis des années à l’opposition obstinée d’une partie de la population (une autre est favorable, mais elle moins bruyante). Là-bas, le système se distingue du nôtre sur bien des aspects, particulièrement par sa plus grande générosité et par son financement précaire. La France ne peut pas maintenir les prestations actuelles sans siphonner davantage les contributeurs, déjà fort sollicités.
Vue d’ici où l’âge de la retraite se situe à 65 ans, l’ampleur des manifestations semble moins révélatrice de l’importance de la réforme elle-même que de la propension des syndicats français à faire la grève chaque fois qu’est menacé un centimètre de leurs acquis sociaux.
La raison des changements envisagés est connue : le vieillissement de la population. Les travailleurs sont moins nombreux qu’auparavant pour financer les pensions des retraités qui vivent de plus en plus longtemps.
Comme l’ensemble des sociétés occidentales se trouvent aux prises avec le même phénomène démographique, «on» s’interroge depuis 10 jours sur la solidité de nos régimes de retraite publics, au Québec. Par «on», j’entends des confrères et des consœurs qui ont un don pour flairer ce qui vous préoccupe. Apparemment, la situation française aurait semé l’inquiétude dans votre esprit.
C’est que ces manifestations outre-Atlantique coïncident avec le lancement chez nous de consultations en vue d’apporter des modifications à notre Régime de rente du Québec (RRQ), un des piliers de notre système. Un thème étudié sera le report de l’âge d’admissibilité minimal à la rente, qui pourrait passer de 60 ans à 62 ans ou à 65 ans. (J’ai parié sur 62 ans dans une chronique parue avant les Fêtes).
Évidemment, certains n’ont pas manqué de faire un parallèle entre cette hypothèse et le projet du gouvernement d’Emmanuel Macron. Je ne sais pas si c’est susceptible de vous rassurer, mais il n’y a pas de lien à faire entre les deux situations, aussi différentes que peuvent l’être un sandwich jambon beurre et une poutine.
[ Des changements majeurs sont envisagés au RRQ ]
Dissipons quelques malentendus qui auraient pu naître de la couverture des événements français et des comparaisons qu’on a faites avec ce qui se passe chez nous.
D’abord, le financement des retraites. Ici comme en France, les contributions des travailleurs au régime servent à payer les retraités. Au Québec, cependant, c’est moins lourd à supporter, les prestations sont moindres. Aussi, une partie des cotisations des travailleurs québécois a servi au cours des années à amasser un fonds de stabilisation qui s’élève aujourd’hui à plus de 100 G$, géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Le capital accumulé ne vise pas à couvrir les rentes, mais à générer des rendements dont une fraction servira à payer une partie des prestations. Jusqu’à récemment, une portion de nos contributions engraissait toujours cette cagnotte. On vient de basculer dans la situation où le fonds, au contraire, verse de l’argent aux retraités.
Si le RRQ étudie l’idée de repousser l’âge d’admissibilité minimal à la rente, ça n’a rien à voir avec la santé du régime et sa capacité à remplir ses promesses dans un contexte où la population vieillit. C’est qu’il y a encore beaucoup de gens qui mettent leur propre santé financière en péril en demandant la rente trop jeune. Vous le savez, plus tôt on commence à toucher «sa RRQ», plus celle-ci est petite, pour toute la vie.
Compte tenu du faible niveau d’épargne des Québécois et de la qualité en baisse des régimes de retraite d’employeurs, le RRQ explore des solutions pour élargir son rôle. De là est né le régime supplémentaire, mais son plein effet ne se fera pas sentir avec les années 2060. Le report de l’âge auquel on peut demander la rente cherche aussi à améliorer les prestations des participants, mais à plus court terme.
On devrait davantage se préoccuper du programme de la Sécurité de vieillesse, à Ottawa. Aucunement capitalisé, il puise son argent à même le budget fédéral et, à chaque année qui passe, il pèse de plus en plus lourd sur les finances publiques du pays, comme le système de santé.
Je ne vous énerverai pas trop avec ça pour l’instant. Attendons le rapport actuariel, je vous promets un compte-rendu. Encore là, rien à voir avec le défi français.