Pourquoi seulement complémentaires? Parce que le gouvernement Legault ne changera pas ses plans. Il ne modifiera qu’à la marge ce qu’il a déjà décidé d’inscrire dans le budget 2023-2024, qui sera dévoilé dans la deuxième moitié de mars ou au début avril.
Alors, jouons le jeu des consultations en conservant l’optique selon laquelle Québec ne bougera pas fondamentalement. Allons-y de suggestions qui ne seraient pas CAQ-incompatibles.
Il faut d’abord savoir que l’élément phare du prochain budget d’Eric Girard portera sur l’allégement du fardeau fiscal des Québécois.
Le ministre des Finances du Québec annoncera et procédera, pour l’année en cours, à la réduction d’un point de pourcentage des deux premiers paliers d’imposition.
À moins d’une soudaine chute en vrille de l’économie, le gouvernement ne reviendra pas sur cet engagement électoral.
D’autant que la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke vient de rappeler que le Québec demeure la province ayant le fardeau fiscal le plus élevé au Canada. L’équipe du fiscaliste Luc Godbout a, de plus, relevé que les plus grands écarts de taux d’imposition entre le Québec et l’Ontario apparaissent entre 20 000 $ et 80 000 $.
N’empêche que des questions se poseront sur la pertinence d’accorder des baisses d’impôt à tous les contribuables — de la même manière que certaines se sont posées avec les aides directes versées l’an dernier à tous ceux ayant un revenu allant jusqu’à 100 000 $ par année.
Il ne s’agira pas cette fois d’atténuer la hausse du coût de la vie, mais elles se poseront avec raison.
Avec les baisses d’impôt projetées, un contribuable du Québec ayant un revenu annuel de 30 000 $ économisera 109$ en 2023. Celui déclarant 100 000 $ épargnera 810$.
Voilà pourquoi, en complément de ce qu’il prévoit déjà faire, le gouvernement Legault serait bien avisé de mettre en place au moins deux autres mesures.
Premièrement, une bonification du crédit d’impôt pour la solidarité.
Lors de la dernière campagne électorale, le Parti libéral du Québec avait lui aussi proposé de baisser les impôts en 2023. Mais il ne s’était pas arrêté sur ce chemin. Il avait également promis qu’un gouvernement libéral bonifierait le crédit d’impôt pour la solidarité afin de soutenir les plus démunis (de 25 % en cinq ans, ce qui pourrait représenter 325$ par personne). Voilà une suggestion complémentaire qui serait la bienvenue.
Sur un autre plan, le PLQ avait proposé d’exempter de la TVQ des produits nécessaires à la vie de tous les jours comme le savon, le shampooing, les brosses à dents et les médicaments vendus sans ordonnance.
Pour quelle raison ne pas concrétiser cette idée? Cette exemption compléterait ce qui existe déjà en ce qui concerne les «produits essentiels».
(Québec solidaire a un temps suggéré une telle avenue, mais il a eu le tort d’élargir cette idée à tous les repas pris au restaurant, à l’achat de vêtements, y compris griffés, et aux réparations de toutes sortes, y compris de voitures luxueuses…)
Conditions préalables
Dans le contexte que nous connaissons, les finances publiques du Québec ne vont pas si mal. Les transferts accrus (mais sans doute incomplets) à venir du gouvernement fédéral pour le domaine de la santé aideront Québec de façon générale. Néanmoins…
Néanmoins, comme le recommande le titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, le gouvernement devrait s’imposer des conditions préalables avant de procéder à des baisses d’impôt.
Luc Godbout mentionne le «retour de l’application de la Loi sur l’équilibre budgétaire et la nécessaire présentation d’un plan de résorption des déficits d’ici 2027-2028», ainsi que «l’identification d’une nouvelle cible d’endettement sur un horizon de 10 à 15 ans, et la fixation des versements annuels requis au Fonds des générations pour l’atteindre».
Ce dernier élément est nécessaire parce que la réduction d’impôt sur le revenu sera financée par une diminution des versements annuels au Fonds des générations.
À ces conditions préalables, ajoutons l’équation suivante : si le Québec a les moyens de baisser les impôts sur le revenu, il a les moyens de bonifier le crédit d’impôt pour la solidarité. Le premier élément ne devrait pas aller sans l’autre.
On doit ajouter qu’il existe un panier de services publics à maintenir et à charpenter. Ce n’est pas seulement en injectant de l’argent dans nos systèmes qu’on y parviendra, certes. Mais ce ne serait évidemment pas en en manquant.