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Dans la revue Québec Science de juin 2022, l’éditorial de Melissa Guillemette souligne un chapitre spécifique du dernier rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution climatique (GIEC). Ce qu’on y propose a l’air d’une révolution par rapport à la réponse actuelle de nos gouvernements en la matière.

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Pourtant l’idée n’est pas nouvelle, du moins dans les milieux environnementaux, mais elle est appuyée ici de références jugées crédibles par le GIEC.

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« Il n’est pas question ici de proposer des produits plus verts. Ni de faire de l’économie circulaire une religion… L’idée est d’agir sur la demande pour élargir la palette de solutions à la crise climatique.

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Car pour l’instant c’est surtout l’offre qui oriente l’économie.

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La stratégie proposée consiste donc à répondre aux besoins réels des consommateurs à l’aide de solutions qui nécessitent peu d’énergie et de ressources qui sont à faible coût. On dit souvent qu’on se crée des besoins, c’est plutôt qu’on les perd de vue ».

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Au Québec, un exemple éloquent de ce dérapage mal contrôlé nous est fourni par notre propre gouvernement et son ministère de l’Agriculture, qui pilote la Stratégie de croissance des serres 2020-2025.

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À première vue, l’objectif est louable et l’intention d’y souscrire collectivement est compréhensible, puisque la production de légumes en serres s’impose, tant sur le plan du contrôle des conditions de croissance que sur celui d’une disponibilité accrue de légumes locaux sur une plus grande partie de l’année. Mais quels modèles de production en serres veut-on valoriser et par quels moyens ?

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Là où le bât blesse, c’est quand on met à contribution une quantité démesurée de notre électricité « verte » pour fin d’éclairage artificiel dans le but de fournir à l’année des fruits et légumes frais. Par l’attribution de tarifs préférentiels d’électricité et de rabais supplémentaires conditionnels à de nouveaux investissements qui auront pour conséquence de concentrer l’offre dans les mains d’un nombre restreint de joueurs.

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Là, on fait en sorte de perpétuer le statu quo qui consiste à laisser l’offre de produits orienter l’économie. Et à concentrer dans quelques mains la plus grosse part des fonds publics dédiés à cet objectif. Au Québec, cinq grandes entreprises génèrent plus de 85 % de la production de fruits et légumes de serre.

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Là, on étire exagérément le concept d’autonomie alimentaire au point de perdre de vue les besoins réels au profit de la création d’opportunités d’affaires. Pour nourrir LA bête (pour faire virer l’économie), on en vient à nous considérer, nous les citoyens, comme un élevage à l’engraissement.

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Parce que manger des concombres ou des fraises « fraîches » en décembre ou janvier c’est un besoin pour le moins questionnable. C’est plutôt un luxe, considérant la quantité d’électricité requise pour fin d’éclairage artificiel. Considérant également les nombreuses options existantes, tant sur le plan nutritionnel que sur les plans énergétique et environnemental.

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Il ne s’agit pas de comparer un produit cultivé localement avec un produit importé. Il faut comparer l’empreinte écologique d’une alimentation standardisée à l’année avec une alimentation de saison, en fonction de la luminosité disponible.

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Pourtant nous sommes devant le fait accompli. En regard de l’objectif de la Stratégie de croissance des serres du MAPAQ, déjà plus de la moitié des superficies est atteinte, la plus grande proportion sous éclairage artificiel. La pollution lumineuse engendrée par les Serres Toundra de Saint-Félicien (28 ha), par exemple, nous « éclaire » quant à l’ampleur de la nature énergivore de ce choix.

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Un choix endossé par Hydro-Québec : jusqu’à tout récemment la campagne de promotion de la société d’État pour une transition énergétique nous invitait à nous bourrer de fruits et légumes frais à l’année. Ironiquement, au même moment, le super ministre Pierre Fitzgibbon nous conviait à baisser nos thermostats ! Une incohérence qui a fini par résonner jusqu’aux responsables des communications d’HQ puisque maintenant, l’économie d’énergie est revenue au cœur du message… et l’invitation à se bourrer des produits de la serriculture à l’année mise en veilleuse.

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Toute cette cacophonie médiatique nous montre un degré d’incohérence dont l’évidence échappe encore à nos élus et à la majorité de consommateurs conditionnés qu’ils se font un devoir de représenter, encouragés bien sûr par le lobbyisme propre à l’industrie agroalimentaire.

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Devant le fait partiellement accompli, donc, que reste-t-il à faire ? Au moins, réduire l’utilisation excessive d’éclairage artificiel. En imposant aux entreprises qui y ont recours une limite journalière d’ouverture des lampes et une période de la journée où il n’y a pas de production de pollution lumineuse. Bref, un appoint de luminosité pendant la photopériode naturelle.

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Dans une perspective plus large, la Stratégie de croissance des serres devrait être réorientée de manière à supporter une serriculture plus « saisonnière », en termes de luminosité. C’est en effet la luminosité qui détermine les saisons. Et ainsi, la satisfaction de nos besoins alimentaires contribuerait beaucoup moins à la surcharge du réseau d’Hydro-Québec, déjà fortement sollicité durant les mois sombres de l’année.

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C’est ce genre de solution que soutient le GIEC dans son dernier rapport. C’est ce que nous devrions exiger de nos représentants régionaux et nationaux. Autrement nous nageons dans l’écoblanchiment.

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JF Robert et Lucie Boisclair, Saint-Félicien

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