Chronique|

Démographie: l’urgence d’être créatifs

ÉDITORIAL / Il y a des coïncidences qui font sourire. Mardi, dans l’hebdomadaire Le Lac-Saint-Jean, on apprenait que la population de gélinottes huppées et de tétras s’était maintenue dans notre région, au cours des 15 dernières années. On les chasse, mais pas trop, laisse entendre la direction régionale du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.


Dans Le Quotidien de jeudi, par ailleurs, ce sont les êtres humains qui retenaient l’attention. Des données provenant du Bulletin socioéconomique publié par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) ont révélé que le Saguenay-Lac-Saint-Jean connaissait une croissance démographique significative. C’est ainsi qu’en 2022, on y dénombrait 282 330 personnes, soit 2373 de plus que l’année précédente.

Nous avons donc distancé deux espèces ailées enracinées depuis plus longtemps que nous sur ce territoire, signe que les oiseaux de malheur – oui, elle est facile – se sont trompés sur notre cas. Du moins, c’est ce que nous voulons croire et pourquoi pas ? Tant de choses vont mal dans ce monde qu’il serait malséant de lever le nez sur une bonne nouvelle.

Elle est d’autant plus appréciée qu’un tableau de l’ISQ laisse entrevoir que nous sommes portés par une tendance haussière. Après avoir collectionné les déficits migratoires pendant sept années consécutives, face au reste du Québec, notre solde est positif depuis 2020. D’abord modeste, la progression se maintient depuis deux ans à un niveau somme toute comparable (en 2021, le solde s’élevait à 1405 personnes).

À vrai dire, seules les personnes âgées de 20 à 24 ans, de même que les 70 ans et plus, font bande à part. Dans le premier cas, on peut imaginer qu’une part du solde négatif découle de la nécessité d’étudier à l’extérieur. Quant au second groupe, il comprend sans doute un bon nombre de parents voulant se rapprocher de leur progéniture.

Ce que les chiffres suggèrent également, c’est que la pandémie a modifié le regard que les Québécois portent sur leur vie. La carrière, c’est beau, mais combien vaut la quête d’un titre au sommet de l’organigramme ? L’illusion de faire partie des meilleurs parce qu’on travaille à Québec ou Montréal, quitte à perdre du temps de qualité sur des routes grises ou dans un métro surchauffé ?

Facilité par le télétravail, le choix de migrer en région est devenu plus pertinent sous le règne des confinements. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean continue d’en profiter, mais soyons francs, ce n’est pas le résultat de politiques novatrices. C’est arrivé parce que c’est arrivé et si nous voulons que le mouvement se perpétue, nous devrons nous montrer plus créatifs.

Partout, par exemple, la pénurie de logements abordables représente une calamité. Pour attirer les personnes en début de carrière, en train de bâtir leur crédit, il en faudra davantage. Ce ne sera pas simple, mais nos ancêtres ont été confrontés à un problème similaire, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. S’ils ont trouvé des solutions viables, comme la création du quartier du Foyer coopératif, à Chicoutimi, pourquoi pas nous ?

Dans la même foulée, céder au chant des sirènes de la location touristique, genre Airbnb, aurait des conséquences désastreuses. Un profit rapide pour les propriétaires, mais des communautés dont l’âme finira par s’étioler, semblables à un décor de théâtre quand la pièce est finie. Si on pense plus loin que le bout de son nez, le plan A, ce sont des résidents permanents.

Un autre combat que devront mener les élus et les membres de la société civile est celui de l’Internet haute vitesse. Même si des progrès ont été réalisés, il y a encore des trous dans la couverture. Enfin, nous devrons mettre en place de meilleures stratégies afin d’attirer, et surtout de retenir, un nombre croissant d’immigrants. Puisque le gouvernement provincial veut qu’ils soient francophones, cessons d’être fatalistes et tirons parti de cette opportunité. Ça ne fera que des gagnants, puisque nous avons autant besoin d’eux qu’ils ont besoin de nous.