Boissons sucrées: une possible taxe devra être visible sur les tablettes

Le Québec pourra s’inspirer et voir les résultats de Terre-Neuve-et-Labrador qui vient tout juste, depuis le 1er septembre 2022, d’introduire une taxe sur les boissons sucrées, devenant ainsi la première province canadienne à le faire.

L’idée de taxer les boissons sucrées revient de plus en plus souvent dans la sphère publique alors que plusieurs pays à travers le monde ont tenté le coup avec des stratégies variables.


La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke souligne que pour qu’une telle mesure ait l’impact souhaité, c’est à dire réduire la consommation de sucre et avoir des bénéfices sur la santé, la taxe se devra d’être visible directement sur les étagères et non seulement lors du passage à la caisse.

La Chaire a recueilli, dans une étude dévoilée lundi, des données dans près d’une dizaine de pays dont la France, le Mexique et la Hongrie ainsi que dans plusieurs villes américaines. Le constat est plutôt clair : la mise en place d’une taxe fait augmenter les prix et réduit la consommation des biens taxés. 

La visibilité de cette taxe a toutefois un impact significatif sur le comportement des gens.

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« Il y a une étude assez célèbre où une chaîne a laissé les économistes varier l’inclusion des taxes dans les prix et les effets sont extrêmement majeurs, indique Antoine Genest-Grégoire, candidat au doctorat de l’Université de Carleton et l’un des auteurs de l’étude. Quand la taxe n’apparaît qu’à la caisse, les effets sont vraiment moindres. »

Signal de la taxe

Dans un ouvrage paru en 2019 à la demande de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les chercheurs Haeck, Lawson et Poirier estiment que dans le scénario où une taxe de 10 cents le litre serait appliquée aux boissons gazeuses, boissons gazeuses diètes, laits aromatisés, boissons énergisantes et boissons aux fruits, la consommation diminuerait de 7,8 % à 11,3 %, les boissons non taxées verraient leur consommation croître d’environ 4,3 % et les recettes fiscales s’élèveraient à 37,1 M$. Mais outre les revenus, relativement marginaux, que rapporterait cette taxe, c’est plus le signal envoyé à la population qui est important.

« Quand elle est visible, non seulement elle crée un prix plus élevé, mais elle crée un effet de signal, souligne M. Genest-Grégoire. En rappelant aux gens qu’on taxe ça, on leur rappelle qu’il y a peut-être une raison. »

Antoine Genest-Grégoire

La visibilité de la taxe est un facteur déterminant sur cet effet de signal. Un bon exemple est celui de la taxe, qui n’était pas incluse dans les prix, implantée dans le comté de Cook en Illinois. Elle correspondait à une hausse de près de 29 % du prix de telles boissons, mais elle n’a été en place que pendant quatre mois avant d’être abolie. Pendant cette période, elle a été associée à une baisse de 25,7 % des volumes de boissons ciblées achetées, mais son impact a été complètement résorbé après son abolition.

« S’il y avait eu un effet de signal, les gens auraient peut-être acheté moins, poursuit l’auteur. Ce n’est pas ce qui est arrivé parce que les gens au final n’ont presque jamais vu la taxe.»

Manque de données

La chaîne d’effet de l’implantation d’une taxe sur les boissons sucrées se résume comme suit: on met en place une taxe, la taxe fait hausser les prix, les prix élevés font diminuer la consommation, la consommation de sucre diminue et ultimement il y a des bienfaits sur la santé.

« Plus on avance dans la chaîne, moins on a de données scientifiques, admet M. Genest-Grégoire. Ça fait baisser la consommation des biens taxés presque toujours, mais c’est après qu’on a moins de données. On peut s’attendre à ce que les autres maillons suivent, mais l’ampleur exacte, c’est plus difficile à quantifier. Et plus c’est à long terme, plus il est difficile de voir l’impact d’un seul facteur.» 

Le Québec pourra s’inspirer et voir les résultats Terre-Neuve-et-Labrador qui vient tout juste, depuis le 1er septembre 2022, d’introduire une taxe sur les boissons sucrées, devenant ainsi la première province canadienne à le faire.