Je vais m’attarder d’abord à un aspect de votre deuxième question, parce qu’il s’apparente à plusieurs autres remarques que je reçois et auxquelles je ne donne généralement pas suite, car elles relèvent du goût individuel.
Régulièrement atterrit dans ma boîte de courriels le message d’une personne qui déteste un mot au point de souhaiter ardemment le voir disparaître. Je perçois une sorte d’espoir que je lui confirme que ce mot est fautif, comme si elle cherchait une caution à son dégoût.
Mais j’ai envie de vous répondre que les mots, c’est comme la crème glacée : ce n’est pas parce que vous préférez le chocolat et que vous haïssez la vanille qu’il faut abolir la vanille et forcer tout le monde à se mettre au chocolat.
Il y a deux principaux critères pour qu’un mot soit rejeté ou écarté. Le premier, c’est effectivement en cas d’erreur dans la forme ou dans le sens.
La nouvelle orthographe, par exemple, a proposé plusieurs rectifications en raison d’une graphie ne reflétant plus la prononciation contemporaine («ognon» au lieu d’«oignon»), d’une étymologie erronée («nénufar» à la place de «nénuphar»), d’incohérences orthographiques au sein de mots de même famille («appeler» et «interpeller»), etc.
On corrige parfois aussi des fautes historiques dans les toponymes. On rejette également un mot s’il est utilisé dans un sens qu’il n’a pas ou qu’il ne devrait pas avoir. On suggère de ne pas recourir à un anglicisme si un mot français exprimant la même réalité existe déjà.
Mais la principale source d’abandon des mots, c’est l’usage. La langue française, comme toutes les autres, est en mouvance constante : des mots nouveaux font leur apparition, d’autres sont de moins en moins employés ou deviennent désuets, en fonction des réalités qui changent, des modes, des emprunts…
Je n’aime pas, donc c’est mauvais
Imaginez toutefois le chaos si, pour décider de la validité d’un mot, on utilisait comme critère «j’aime / j’aime pas»… Ce serait invivable pour les linguistes, les lexicographes et autres spécialistes de la langue, qui ont besoin de balises un peu plus rationnelles pour juger de la pertinence du vocabulaire.
Si un mot vous déplaît hautement, la seule chose que vous pouvez faire, c’est de ne pas l’employer vous-même. Autrement dit, vous pouvez n’acheter que de la crème glacée au chocolat, mais il faudra vous habituer à ce que celle à la vanille soit toujours dans les congélateurs de l’épicerie.
Qui plus est, dans le cas d’«Antilles» et «Caraïbes», ce serait difficile de remplacer l’un par l’autre, car ces deux mots ne désignent pas tout à fait la même réalité, bien que la plupart des gens les utilisent comme s’ils étaient de parfaits synonymes.
Le mot «Antilles» ne correspond en effet qu’aux îles, alors que «Caraïbes» (on peut également parler de «la Caraïbe») comprend une partie des terres qui bordent la mer des Antilles.
Quelles terres? Là, on ne s’entend pas. Certaines sources n’incluent que les pays du littoral nord de l’Amérique du Sud (Colombie, Venezuela, Surinam et les Guyanes). D’autres ajoutent l’Amérique centrale et une partie du Mexique.
Mais dans le cas de la mer des Antilles et de la mer des Caraïbes (on dit aussi «mer Caraïbe»), on fait référence effectivement au même plan d’eau.
Il serait malvenu de bannir «Caraïbes», puisque ce mot provient du nom d’un peuple de cette région. Il désigne d’ailleurs toujours, selon le Grand dictionnaire terminologique, un autochtone des Antilles et des côtes voisines. Le mot «Antilles», lui, est d’origine européenne.
Laïque archaïque
Réglons maintenant le cas de «laïc» et «laïque». Beaucoup de personnes croient, à tort, que ces deux mots sont respectivement les formes masculine et féminine du même adjectif.
Il se peut effectivement qu’à l’époque où la laïcité de l’État s’est retrouvée à la une des médias (je ne peux évidemment pas le vérifier), quelques journalistes aient écrit «enseignement laïc» et «écoles laïques» en calquant «enseignement public» et «écoles publiques».
La réalité, c’est que l’adjectif s’écrit toujours «laïque». Il s’agit d’un mot épicène, c’est-à-dire que la forme reste la même au masculin et au féminin. Le seul moment où l’orthographe «laïc» est utilisée, c’est comme nom masculin. Cet usage est beaucoup moins fréquent.
Cependant, précise la Banque de dépannage linguistique, la forme «laïque» employée comme nom masculin n’est pas fautive, même si elle est assez rare.
Voici des exemples donnés par la BDL.
«Un laïc et une laïque ont pris la parole devant l’assemblée.»
«Un laïc [ou "un laïque"] ne peut célébrer des mariages à l’église.»
«L’aide des laïcs est de plus en plus utile lors des activités religieuses.»
La BDL cite quelques autres mots qui s’écrivent en «-ic» quand ils sont noms et en «-ique» lorsqu’ils sont adjectifs. On se retrouve, cette fois-ci, devant des mots que l’on rencontre beaucoup plus souvent sous forme de noms que d’adjectifs.
«Il a reçu son diagnostic.»
«Cette maigreur est un signe diagnostique du cancer.»
«Les analyses ont révélé des traces d’arsenic dans l’eau du puits.»
«La solution contenait de l’acide arsenique.»
Perles de la semaine
Chantal Lamarre d’«Infoman» a récemment dévoilé de nouvelles trouvailles sur les sites de petites annonces en ligne, dont voici un premier aperçu.
Ma grand-mère a un lot de cannesons à vendre qui sont pratiquement neufs ou très peu utilisés.
Chaudron pour faire la sauce specathie, à vendre à Acton Vale (et les environs).
Verres pour prendre un chou-t’eur en famille ou entre amis [«shooter»].
Frigo, fonctionne bien, sauf ne refroidit plus.
Four à pizza pour char cold [«charcoal»].
Questions ou commentaires?
Steve.bergeron@latribune.qc.ca