« Ça fait toute la différence. Si cette cause-là n’était pas présente, j’irais même jusqu’à dire que je ne suis pas sûr que je vivrais cette expérience-là », avoue d’emblée Sébastien Audy.
C’est qu’en tant qu’explorateur, il met le pied dans des endroits auxquels peu de gens ont accès, y étant un témoin privilégié de la beauté de la nature, mais aussi de la crise qui l’afflige. Il peine parfois à reconnaître des coins du monde où il est allé il y a dix ans, ou rencontre sur sa route des gens qui ont eux-mêmes vu des glaciers fondre à vue d’œil, au fil de leur vie.
Même plus besoin de changer de pays pour constater les impacts des changements climatiques, en fait, les phénomènes météo étant toujours « plus fréquents, plus intenses » en sol canadien. « Comme ce qui vient d’arriver aux Îles-de-la-Madeleine, par exemple, ou ce dont on entend parler dans le Grand Nord avec le dégel du pergélisol », indique celui qui réside désormais dans la capitale américaine.
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C’est parce qu’il se préoccupe du sort des personnes vulnérables face à de tels phénomènes, et parce qu’il avait envie d’avoir un impact chez lui, au Québec, qu’il a décidé de s’allier à Centraide afin d’amasser des fonds, dans le cadre de son prochain périple.
À travers cette aventure, qui s’amorcera dès le 22 novembre prochain, Sébastien Audy compte d’abord dompter les 4892 mètres du mont Vinson, dernière montagne manquant à sa collection pour avoir atteint le plus haut sommet de chaque continent. Puis il enfilera ses skis en solo durant une dizaine de jours, pour se rendre au-delà du 89e parallèle, au pôle Sud.
Jusqu’au terme de sa seconde expédition, en avril, durant laquelle il entend cette fois atteindre le pôle Nord magnétique, il partagera la lumière des projecteurs braqués sur lui avec Centraide, le public étant invité à suivre l’aventurier en direct et à donner généreusement à l’organisme, dans la région de leur choix.
Un regard différent
Habitué aux objectifs clairs et précis, lorsqu’il gravit des montagnes, Sébastien Audy préfère cette fois ne pas en fixer pour la collecte de fonds. « Quand on se donne un objectif, on l’atteint, puis après qu’est-ce qui se passe ? On arrête, on ralentit, on lève le pied. […] Donc, on a décidé de ne pas se préoccuper des résultats et de mettre l’effort maximal tout au long de la campagne. C’est un état d’esprit très différent. »
Pour tout le reste aussi, son approche est désormais différente. En juin dernier, au retour de son expédition au Groenland, au cours de laquelle il a vu son partenaire belge Dixie Dansercoer sombrer dans une crevasse pour ne jamais en ressortir, l’alpiniste s’est remis en question.
« Ça t’amène des doutes par rapport à ta motivation. Tu te demandes pourquoi tu fais ça. Ça amène un voyage intérieur assez intense. […] J’ai eu beaucoup de discussions au niveau familial. Ç’a été de revoir les objectifs, de m’assurer que je le faisais pour les bonnes raisons. »
Sébastien Audy a ensuite décidé de recommencer comme s’il ne « savait rien », s’envolant même pour la Suisse pour y rencontrer un explorateur polaire mondialement reconnu. Pendant dix jours, il allait réviser chaque détail d’une expédition, des choix nutritionnels au positionnement des équipements dans le traîneau, en passant par la navigation.
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Un défi colossal
Le Chicoutimien d’origine a aussi choisi de mieux gérer ses risques, voire même de revoir l’ampleur de certains défis à la baisse. Son expédition entre le 89e parallèle vers le pôle Sud s’étendra par exemple sur 125 kilomètres, plutôt que 700, tel qu’il l’avait prévu au départ.
Reste que le voyage s’annonce éreintant, et en sera un d’endurance, de précision.
« Dans une expédition polaire, tu tires ton traîneau, c’est des 10-12 heures par jour sans arrêt, tous les jours. […] Et c’est un environnement qui est tellement hostile, tellement extrême, avec des froids extrêmes, des vents violents. Donc, la marge d’erreur est très fine, pratiquement inexistante. »
Sébastien Audy n’a donc rien laissé au hasard dans sa préparation, se préparant à tous les scénarios imaginables. Il faut dire aussi que la motivation ne manque pas, la cause, déjà importante, étant appelée à l’être encore davantage au fil des prochaines décennies. « On n’est qu’au tout début, surtout dans le contexte canadien, de ces grands changements qui seront difficiles pour nos communautés partout au Québec. »