C’est le toujours engagé Émile Proulx-Cloutier qui a tenu le propos le plus percutant sur l’affaire. «La culture, honnêtement, c’est une série de maillons, […] qu’il faut développer. Ça ne veut pas dire de foutre ça dans la bouche des gens, mais il faut provoquer des coups de foudre», a-t-il dit, se référant aux gens qui ont découvert les arts de la scène en écoutant Les Beaux dimanches.
Il poursuit sa comparaison en affirmant que si le gala était l’un des maillons de cette chaîne, un maillon faible on le comprend, la solution n’est pas de laisser tomber le gala «parce qu’il ne lève pas», mais de renforcer les autres maillons de la chaîne: éducation aux arts, distribution des films dans les régions, diffusion à heure de grande écoute; bref, la rencontre entre le cinéma québécois et son public. «Quand ça, ça va être en santé, le gala va lever», a-t-il conclu.
La performance à tout prix
Mais revenons sur les têtes d’affiche de la série Avant le crash, Éric Bruneau, Karine Vanasse et Émile Proulx-Cloutier qui ont ouvert l’émission. Le premier, d’abord, qui a coscénarisé la série avec sa conjointe Kim Lévesque-Lizotte – tout en s’attribuant le premier rôle, a ironisé Anaïs Favron. Éric Bruneau propose un regard en oblique sur la série qu’il affirme ne pas porter sur le monde de la finance, mais plutôt sur l'ambition, le désir d’avancement personnel, et la performance à tout prix. «La finance, c’est juste un cadre», a-t-il fait valoir.
De fait, l’enjeu de la conciliation travail-famille, avec au centre Karine Vanasse et son personnage d’Evelyne, a beaucoup retenu l’attention. «On s’est tellement fait dire qu’on peut tout faire», une illusion qu’on fait pourtant miroiter aux femmes, pour ensuite critiquer leurs choix, dit-elle. «Des fois, les filles, sur le plateau, on se disait à quel point il y a des petits commentaires qu’on laisse passer comme si c’était la norme de se faire dire ça.»
Pas comme à son conjoint joué par Émile Proulx-Cloutier, qui va comme si de rien n’était à autant de «5 à 7» qu’il le veut. Reste que l’animateur a dit de lui qu’il était le personnage le plus détestable de la série, ce qu’Émile Proulx-Cloutier a pris comme un compliment.
Le marché de l'alimentation: un oligopole
Parlant de crash: deux très bons vulgarisateurs économiques ont enchaîné sur le plateau pour parler d’inflation, de taux d’intérêt et de risques de récession. Sylvain Charlebois, spécialiste de management dans le domaine agroalimentaire, a mis en doute le fait que l'augmentation du coût de l’épicerie soit entièrement causée par la hausse des matières premières et de la production. Sans céder la pression d’identifier de quelle bannière il s’agit, l’économiste affirme qu’un rapport à publier sous peu devrait démontrer que l’une d’entre elles affiche des profits supérieurs aux meilleures années depuis 2017. Le problème: un manque de soutien aux épiciers indépendants dans un contexte d’oligopole, dans le domaine alimentaire au Canada.
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Pour ce qui est de la hausse des taux d’intérêt par la banque centrale, sa rapidité pourrait entraîner un risque de récession, soutient Gérald Fillion. Outre ce danger, ce sont les détenteurs d’hypothèques à taux variables qui en souffriront le plus. Sinon, les taux d'intérêt devraient se rétablir lorsque l’inflation reviendra à des taux avoisinant les deux pour cent.
Quant aux chèques promis par le gouvernement du Québec aux citoyens, ils risquent aussi de mettre de la pression sur l’inflation, et auraient dû prendre la forme d’une aide aux moins nantis, croit le journaliste.
Le passage de Geneviève Pettersen a permis aux auditeurs d’apprendre qu’ils pourront renouer avec Catherine, l’adolescente de La Déesse des mouches à feu, devenue adulte. En retrouvant son héroïne dans La reine de rien, c'est l'occasion pour l’autrice d’explorer ce qui arrive aux «p’tites crisses qui sont devenues des madames».
Son personnage d’autofiction est, de son aveu, «pas fine». Mais jusqu’où cela se rapproche-t-il de la réalité? C’est le doute que laisse planer Geneviève Petterson qui est aussi chroniqueuse et journaliste, récemment passée de l'empire Québecor à la chaîne Noovo.
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L'humain, cet animal
La bouffée d’air frais de la soirée a été livrée par un Jo Cormier aussi coloré que difficile à cerner. L’ancien concurrent d’Un souper presque parfait devenu humoriste venait parler de son premier spectacle solo, Animal, après avoir fait la première partie de Mariana Mazza. On comprend que de tous les animaux, celui qui l’intéresse le plus, c’est l’humain.
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On pourrait croire que le poète garagiste originaire de Gentilly, qui fait «de l’humour drôle», se démarque par sa vulgarité. Après tout, il réalise la websérie Amateur, une sorte de concept d’humour pornographique, ou l’inverse (pornographie humoristique?)... Mais il fait l’apologie de la bienveillance, de l’empathie, de l’écoute et de l’acceptation de l’autre... sa proposition pour la suite du monde, rien de moins!
D’ailleurs, l’humoriste s’intéresse aussi au phénomène de l’itinérance dans la série diffusée sur Télé-Québec avec le titre Histoires à coucher dehors. «On prône la liberté d'expression, mais on devrait s'imposer l'obligation d'écouter», a-t-il dit au sujet de son approche, alors qu'il se décrit comme quelqu'un qui écoute le jour et qui parle le soir. Des deux actes, c'est l'écoute qui prime.
Haïti: une crise inquiétante
C’est le journaliste indépendant Étienne Côté-Paluck, Québécois vivant en Haïti, qui s'est présenté en vidéoconférence pour livrer un compte rendu inquiétant de la crise qui fait rage dans sa terre d’adoption. Une crise qui entremêle famine, choléra, violence de gangs armés et une «police à bout de souffle».
Alors que le Canada promet d’intervenir, la réaction est mitigée dans le pays qui a trop souffert d’ingérence politique de toutes parts. Le découragement est à son comble. «Tout le monde est un peu aux abois. C'est très difficile moralement», affirme le journaliste qui perçoit sa présence comme une mission, pour entretenir ce lien interculturel entre Haïti et le Canada.
Il invite les personnes qui désirent aider à passer par des organisations internationales de confiance, ou même à envoyer des montants à leurs familles et connaissances, sur place, car on parle ici de famine et de survie.
Critique n'égale pas complotisme
David Morin et Marie-Ève Carignan, les coauteurs de l'essai Mon frère est complotiste, estiment qu'il y a beaucoup plus de gens susceptibles de basculer dans le complotisme qu'on ne le croit. Ce n'est pas seulement l'apanage du gars peu éduqué qui fait des vidéos fâché dans son char, loin de là.
D'ailleurs, il faudrait revoir ses bases, à ce sujet: la personne complotiste n'est pas celle qui critique des décisions gouvernementales ou certaines mesures sanitaires, par exemple. Par ailleurs, les complots existent bel et bien, on l'a vu dans l'histoire: collusion dans une industrie, scandales et assassinats politiques.
Mais on appelle complotiste «quelqu'un dont la croyance l'amène à penser que tous les événements sociaux, ou la plupart, sont orchestrés par des élites malveillantes, pour dominer la population», explique David Morin.
Évidemment, la pandémie a été un point de bascule quant à la propagation des théories du complot. L'important pour les proches d'une personne qui semble s'enfoncer dans cette forme de radicalisme, croient les experts, c'est de ne pas couper les liens.
La discussion sur ce sujet a amené plusieurs interventions des invités précédents, dont Gérald Fillion qui s'est fait critique des leaders politiques «qui utilisent la population et qui ne se gênent pas pour amener les gens dans le doute», minant ainsi la démocratie en attaquant leurs propres institutions.
Quant à la méfiance répandue envers les médias, Marie-Ève Carignan la reconnait tout en invitant les journalistes à faire un examen de conscience à ce sujet: sous la pression et devant l'incertitude scientifique, les médias ont été peu critiques de mesures gouvernementales au début de la pandémie. Ce manque de distance critique a contribué à alimenter la méfiance envers le travail journalistique, croit-elle.