«Depuis des mois, les consommateurs vont magasiner et ne savent pas trop quels seront les prix affichés. Cette campagne offre donc une quiétude aux consommateurs et une prévisibilité», estime le professeur et directeur principal du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, Sylvain Charlebois.
«Avec un taux d’inflation à 10 %, la prévisibilité a beaucoup de valeur, poursuit-il. Loblaw leur offre une immunité contre l’inflation alimentaire, ce qui, à mon avis, n’est pas rien.»
Cette immunité pourrait aider plus particulièrement le quart des Canadiens qui, selon M. Charlebois, est lourdement affecté par l’inflation galopante, au point de devoir changer son rythme de vie.
Rappelons que le géant de l’alimentaire, qui compte 200 épiceries Maxi et Provigo au Québec, a annoncé la semaine dernière le gel des prix de ses 1500 produits vendus sous sa marque Sans nom jusqu’au 31 janvier prochain. Selon le spécialiste de l’industrie agroalimentaire, il s’agit de la plus importante campagne de gel de prix au monde, après celle d’une franchise en Allemagne qui avait gelé les prix d’environ 500 produits.
Trop long avant d’agir
Ce dernier se désole toutefois de voir que l’entreprise a attendu aussi longtemps pour annoncer cette mesure, qui a été instaurée dans plusieurs supermarchés en Europe dès mars dernier.
«Il y avait beaucoup de pression politique et publique. Tout le monde pointait du doigt les bannières. Celles-ci se devaient donc d’agir. Je crois que les critiques des consommateurs sont méritées», soutient Sylvain Charlebois.
D’ailleurs, une enquête du Toronto Star parue en juillet dernier a conclu que les grandes bannières augmentent leurs prix plus vite que nécessaire et qu’elles profitent de l’inflation. Dans la même veine, une étude récente de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques a démontré que les profits des grandes chaînes d’alimentation ont plus que doublé durant la dernière année.
Ces bénéfices pourraient cependant provenir des biens immobiliers et des pharmacies que possèdent Sobey’s, Loblaw ou Metro, admet l’auteur, l’économiste Pierre-Antoine Harvey.
Ajoutons à cela que plusieurs hausses successives du coût des aliments sont survenues ces dernières années, et même ces derniers mois. Par exemple, au Provigo, le beurre salé Sans nom de 454 grammes en promotion est passé de 4 $ (à l’achat de 2 ou plus) en 2019 à 5,99 $ aujourd’hui.
Prix stables chez Metro
En réaction à l’annonce de Loblaw, Metro a affirmé qu’elle maintiendrait les prix des aliments stables pour le temps des Fêtes. Toutefois, il ne s’agit pas d’un gel de prix des produits au détail comme chez son compétiteur. Metro fait plutôt une entente avec ses fournisseurs afin d’éviter tout changement de leurs prix de novembre à février. Cette période «blackout» revient chaque année, d’après la bannière.
«Metro a tenté de normaliser la campagne marketing de Loblaw. En fait, cette dernière a battu le marché en renégociant avec ses fournisseurs, une chose que Metro et Sobeys ne peuvent pas faire», explique Sylvain Charlebois.
En effet, en ayant un meilleur contrôle sur les différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement de la marque Sans nom, le géant en alimentation a réussi à geler ses prix.
Ce sont donc les fournisseurs qui financent, en partie, cette mesure, selon Sylvain Charlebois. Mais ils ne sont pas les seuls. «Loblaw va certainement perdre de l’argent, explique-t-il. Ce n’est pas un bon coup financier. De plus, durant les Fêtes, la compagnie a l’habitude d’augmenter ses prix.»
Profiter de ce gel
Après ce gel de prix de trois mois de Loblaw, il faudra s’attendre à une augmentation des coûts des produits de marque Sans nom au début de 2023. «La hausse dépendra de ce qui se passera sur le marché et du taux d’inflation», indique Sylvain Charlebois. Pour donner une petite idée de ce que pourrait être cette augmentation, notons que l’inflation alimentaire a totalisé 2,7 % au cours des trois derniers mois.
Même si les hausses de prix se poursuivront l’an prochain, le professeur relativise la situation : «Le Canada au sein du G7 a le deuxième plus bas taux d’inflation alimentaire, derrière la France à 9,9 %. Le phénomène est mondial, et c’est pire ailleurs.»
D’ici février prochain, les consommateurs économes ont donc intérêt à profiter de ce gel des prix. Aussi, s’ils veulent sauver de l’argent, les clients peuvent se rendre chez Super C et Walmart où le coût du panier est le moins cher, selon notre enquête sur le prix du panier d’épicerie publiée en août.
Les prix sous enquête
La hausse des prix a aussi fait réagir le Bureau de la concurrence du Canada qui entreprend une étude sur l’industrie de l’alimentation. L’organisme fédéral de réglementation tentera de déterminer dans quelle mesure la hausse des prix des produits d’épicerie est liée aux changements dans la dynamique concurrentielle. Il pourra s’inspirer des expériences menées dans d’autres pays pour accroître la concurrence dans le secteur de l’alimentation. Enfin, il devrait recommander aux gouvernements des mesures à mettre en place pour assurer une meilleure concurrence.
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