Chronique|

L’important, c’est vraiment de participer

Les coureurs et les co-coureurs étaient tout sourire lors de leur participation au marathon des couleurs de Bécancour le 9 octobre dernier.

CHRONIQUE / Aujourd’hui, si vous allez faire un tour sur le site enchanteur de l’Hôtel Montfort à Nicolet, il n’y a pas que les belles couleurs d’automne que vous pourrez apprécier… vous aurez surtout la chance d’encourager les coureurs inscrits à la 7e édition de la Course Esprit Sain, dont un petit groupe de joyeux lurons qui se déplacent différemment, mais sûrement!


Connaissant le défi de marcher trois kilomètres munie de mes prothèses et de mes béquilles que j’avais relevé en 2018 lors de ce même événement, Denis Laliberté, chargé de projet à l’accessibilité universelle pour la Ville de Victoriaville, m’a contactée tout dernièrement. Il souhaitait me parler de la formidable participation «dernière minute» d’un groupe de personnes handicapées à cette course.

Avec deux autres collaborateurs, Éric Sévellec et Janick Tessier, l’homme qui se déplace en fauteuil roulant a démarré un projet pilote qui ne cesse de gagner en popularité, celui des courses inclusives.



Il faut remonter à presque dix ans en arrière pour voir la graine de cette idée être semée et comprendre comment elle a finalement pu germer au printemps dernier. Depuis, avec les nombreuses fleurs récoltées lancées par les participants épanouis, les courses se sont additionnées tout l’été. Et celle de Nicolet s’est ajoutée tout naturellement au programme avant de clore une première saison réussie.

À l’époque de la rencontre des trois amis, Janick travaillait pour l’Association québécoise pour le loisir des personnes handicapées, Denis débutait sa carrière à la Ville de Victoriaville et Éric fondait l’organisme Réseau Autonomie Santé (RAS) qui commençait à mettre en place des sorties de plein air aux personnes en situation de handicap grâce à un équipement adapté, la Joëlette. Ce fauteuil de randonnée à une roue permet aux porteurs de faire vivre des moments uniques qui sont autrement inaccessibles aux personnes à mobilité réduite.

Mais ce ne sont pas toutes les personnes handicapées qui sont à l’aise de vivre cette expérience. La première barrière est celle d’avoir l’impression de se faire transporter comme un prince ou une princesse tout en faisant forcer les autres qui l’accompagnent. Denis a aussi eu ce sentiment avant de se laisser convaincre et passer à un autre niveau.

«La première course qu’Éric m’ait demandé il y a cinq ou six ans, de participer à un 5 kilomètres sur l’asphalte, je lui avais répondu à reculons: ouin, je vais te rendre service… et il y a deux semaines, on montait l’Acropole-des-Draveurs en Joëlette. Il fallait que je commence quelque part pour ensuite aller faire une super montagne!»



Denis n’a pas toujours eu à composer avec une vie sur quatre roues et une fois qu’il a goûté à l’ambiance particulière des courses, il a souhaité revivre l’expérience et faire vivre ce bonheur à d’autres.

Après quelques années à être confiné dans un fauteuil roulant, il a ressenti le besoin urgent de s’occuper de sa santé. Prise de poids et début d’hypertension l’ont alors poussé à se prendre en main et il s’est mis à l’activité physique. De plus en plus en forme grâce à l’entraînement, Denis peut aujourd’hui participer aux courses en propulsant lui-même son fauteuil roulant comme il peut occuper l’agréable position du «porté» ou du «poussé». Car un nouvel équipement, le Kartus, conçu et fabriqué au Québec, a donné un autre souffle au projet fou des trois amis, soit d’inscrire des groupes de personnes handicapées aux courses des valides.

Le concepteur du Kartus, Philip Oligny, fait partie du conseil d’administration du Réseau Autonomie Santé. Puisqu’il avait vendu une flotte de dix Kartus à l’entreprise Canimex, l’équipe du RAS eut l’idée de les contacter pour en emprunter quelques-uns et organiser la première course inclusive lors de l’événement «Des chênes-toi» à Drummondville.

Le Kartus est une poussette pour adulte performante conçue au départ pour la course puis améliorée de sorte que les personnes âgées puissent aussi profiter d’une balade, poussées par des marcheurs. L’engin à trois roues semble ultra-confortable en plus d’être léger et davantage plaisant à pousser qu’un fauteuil roulant traditionnel.

Janick, qui est maintenant directrice générale à la table régionale de concertation des aînés du Centre-du-Québec, apprécie cette innovation pour briser l’isolement des personnes âgées et les sortir des CHSLD, le temps de profiter des joies du plein air.

«Les personnes aînées n’aiment pas encore être accolées au monde du handicap. Il reste de l’éducation à faire, car plus tu vieillis, plus tu tombes en situation de handicap parce que tu perds de la mobilité et de l’autonomie. Vois-le handicapé ou pas, mais tu n’es plus top-shape comme à 60 ans ou 40 ans.»



Le projet des courses inclusives s’adresse donc aussi aux aînés. Certains acceptent d’embarquer dans un Kartus, d’autres qui sont encore capables de marcher sur une bonne distance se joignent à la troupe. Et tous les préjugés tombent bien avant de franchir la ligne d’arrivée sous les applaudissements des spectateurs.

Les groupes qui participent aux courses inclusives sont intergénérationnels, handicapés ou pas. Tout ce beau monde heureux de partager ces moments précieux le fait dans un esprit non pas de performance, mais bien pour bénéficier du bonheur de prendre l’air. Ils ont d’ailleurs l’habitude de s’attendre et de terminer tous en même temps.

De gauche à droite: Éric Sévellec, Denis Laliberté et Janick Tessier posent en faisant la grimace. Une photo qui reflète bien l’esprit joyeux entourant les courses inclusives!

Car l’important, c’est vraiment de participer!

«Quand on est tous ensemble, il n’y a rien de compliqué, c’est vraiment festif. On n’est pas là pour dire à la personne: oh, t’es pas chanceuse… Non, on prend la personne comme elle est avec ces capacités. On ne regarde pas ces incapacités. Et on a du fun! Ça aussi, ça y fait, car on est sérieux, mais sans l’être trop non plus», ajoute Éric qui retire beaucoup de ces expériences où l’humain prédomine.

Les joyeux fondateurs de cette belle initiative n’exigent pas aux organisateurs des courses de se souscrire à l’accessibilité universelle. On demande simplement un accès à des toilettes adaptées. Ce sont les accompagnateurs, les «moldus» comme ils se plaisent à les nommer, qui s’occupent de faire passer les obstacles. Et une fois que les gens réalisent que les travaux pour rendre le site plus accessible sont mineurs, gageons qu’ils seront tentés de mieux adapter les lieux avant le prochain événement.

Car ce n’est que le début des courses inclusives!

Il y a un tel effet d’entraînement qu’Éric et Janick ont aussi marché dans les traces de Denis pour retrouver le niveau de santé qu’ils souhaitaient. Alors qu’ils ne visaient qu’une seule participation à Drummondville cet été, ils auront finalement été à Warwick, à Saint-Célestin, au mont Gleason, à Saint-Ferdinand, à Bécancour et finalement, à Nicolet. Ils sont passés de 5 à 8 Kartus, puis à 10. Voilà qu’aujourd’hui, ce sont 17 Kartus – dont la moitié est inscrite au 5 km et l’autre au 10 km – qui seront occupés par les co-coureurs à la Course de l’Esprit Sain.

Des co-coureurs ravis, poussés par des moldus fiers d’aider et aussi comblés par l’expérience que ceux et celles pour qui ils sont motivés à avancer.



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— La Course de l’esprit sain fait la promotion des saines habitudes de vie et soutient la prévention du suicide en remettant les profits principalement à la Fondation Prévention du suicide Accalmie, mais aussi à la Maison de la famille Lu-Nid et à des écoles primaires et secondaires de la région (facebook.com/courseespritsain).

— Pour faire partie de l’aventure, que ce soit en tant que coureur ou co-coureur, contactez le Réseau Autonomie Santé (facebook.com/reseauras).

— En plus du RAS, les partenaires suivants se donnent la main pour réaliser ce projet: Handicap Action Autonomie Bois-Francs (haabf.org/accueil), La table de concertation des aînés du Centre-du-Quebec (aines.centre-du-quebec.qc.ca/carte-du-centre-du-quebec), L’Association régionale de loisir pour personnes handicapées du Centre-du-Québec (arlphcq.com/accueil), la Ville de Victoriaville (victoriaville.ca) et Canimex (groupecanimex.com).

— Le mot «moldus» fait référence aux non-magiciens dans l’univers de Harry Potter, romans écrits par J.K. Rowling et portés à l’écran.

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Artiste peintre, conférencière, auteure… et quadruple amputée, Marie-Sol St-Onge partage sa façon de voir les choses qui l’entourent. Un angle de vue différent, mais toujours teinté d’humour et de positivisme.