Selon lui, le récit bouleversant de Kloé n’est toutefois pas un cas isolé. « Ça m’a fait penser à plusieurs personnes que l’on rencontre en tant que psychologue. Pour beaucoup de jeunes trans et même d’adultes, dans leur parcours, il y a toujours eu des violences à certains moments et je trouve ça assez malheureux. Le développement des jeunes trans est trop souvent marqué par des épisodes de violence. Dans de telles circonstances, ce n’est pas évident de construire son identité de genre et ses relations avec les autres jeunes », dit-il.
Âgée de 15 ans, Kloé Guillemette fréquentait jusqu’à la semaine dernière le Pavillon Wilbrod-Dufour d’Alma. Elle avait intégré cette école secondaire il y a un peu plus de deux ans. C’est à ce moment qu’elle a fait le choix d’amorcer sa transition. Elle a été la cible de harcèlement, d’intimidation et de gestes de violence à maintes reprises. À bout de ressources, ses parents ont pris la décision de la retirer de son établissement d’enseignement. La situation était devenue insoutenable pour la famille, qui se dit à bout de ressources.
Pour Yann Zoldan, le réseau de soutien est d’une importance capitale pour les jeunes trans ou non binaires. Il considère que l’école a un rôle important à jouer pour accompagner ces personnes dans leur cheminement personnel et académique. « Pour qu’un jeune trans ou non binaire grandisse bien, l’école est très importante. C’est un milieu qui doit être sécuritaire pour ces personnes-là. Vu la gravité de la situation de Kloé, il aurait été important que tout le monde puisse travailler ensemble et discuter. Je sais que les ressources des écoles sont limitées et c’est bien normal que les parents veuillent protéger leur fille », poursuit le professeur qui considère que l’obligation de retirer Kloé Guillemette de son école démontre à quel point la société est défaillante.
« C’est une personne minoritaire qui doit quitter son milieu alors qu’il y avait une dynamique majoritaire de discrimination. C’est un peu particulier. Ça va à l’encontre des démarches d’inclusion et ça ne veut pas dire que les choses sont réglées pour l’école puisqu’il y a eu un incident important de transphobie. »
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En entrevue vendredi dernier, le directeur général du Centre de services scolaire (CSS) du Lac-Saint-Jean, Marc-Pascal Harvey, a mentionné que l’école était intervenue à maintes reprises auprès de Kloé Guillemette et de ses assaillants. Il a précisé que l’équipe-école s’était mobilisée pour soutenir et aider l’adolescente et que le protocole en matière de violence et d’intimidation avait été appliqué. « C’est difficile de dire ce que l’école aurait pu faire de plus, affirme Yann Zoldan. Le protocole ne semble pas avoir été suffisant vu la gravité de la situation. Je me demande s’ils n’ont pas été dépassés par l’effet de masse. L’école fait partie de la société et il faut que la société bouge de la bonne façon. »
Le professeur en psychologie souligne qu’il serait important que l’équipe de direction de l’école secondaire effectue une démarche de prévention post-crise. « Il faudrait que les autres jeunes soient entendus afin de savoir qu’est-ce qui était si inadmissible pour eux, mais aussi pour déterminer ce que cette transgression de genre leur a provoqué. Ce serait très important dans un processus de construction d’une société non violente dans les rapports de genre. »
M. Zoldan a effectué, dans les derniers mois, une recherche universitaire dont le but était d’identifier et de comprendre les besoins des parents d’enfants trans ou non binaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Une quinzaine de parents ont pris part à la démarche. « Nous avons constaté un manque de services pour les parents et les jeunes ici en région. Plusieurs ont exprimé des craintes de vivre des violences. Nous avons également vu que des écoles qui étaient assez soutenantes envers les parents et les jeunes sur les questions trans et non binaires. »
L’analyse des résultats s’effectuera au cours des prochains mois. Le fruit du travail sera rendu public au début de l’année 2023.