Lourdeur administrative en santé: le Dr Langlois lance la serviette

La fatigue et la lourdeur du système de la santé incitent le médecin de famille de Bécancour, Dr Guillaume Langlois, a réorienter sa carrière.

Médecin de famille bien impliqué sur la rive sud depuis une quinzaine d’années, le Dr Guillaume Langlois a fait savoir que la lourdeur bureaucratique le force à quitter le système de santé... pour sa propre santé.


C’est avec une certaine tristesse qu’il a fait l’annonce de sa décision dans une longue lettre publiée sur les réseaux sociaux, jeudi soir. «J’ai trop peur de me faire avaler», a illustré le Dr Langlois qui entend continuer sa pratique pour encore quelques mois afin de laisser le temps à ses patients de se trouver un nouveau médecin.

Le Dr Langlois, qui avait participé à l’ouverture de la Coopérative de solidarité de Sainte-Gertrude, en 2008, souhaitait déménager la clinique dans sa maison. Après avoir réalisé plusieurs travaux pour l’ouvrir au mois de septembre, il a dû se résoudre à abandonner le projet.

«J’avais espoir que ça me permettrait d’optimiser mon temps, de travailler différemment. Malheureusement, alors que tout allait bien le 30 juin, en se déplaçant de 3 km, il n’y a plus rien qui fonctionnait, raconte-t-il. Il a donc fallu reprendre à zéro, comme si je n’avais jamais travaillé. C’est encore une fois, une autre période de turbulences, que je n’étais pas prêt à affronter.»

Guillaume Langlois raconte avoir fait plusieurs démarches pour voir s’il pouvait diminuer son nombre de patients, en transférer à des collègues, afin de reprendre son souffle, mais que les règles actuelles l’en ont empêché.

Ce n’est pas d’hier que le Dr Langlois dénonce la lourdeur administrative et la surcharge de travail en santé. En janvier 2012, il avait lancé un cri du cœur dans une lettre intitulée «les jeunes médecins en région sont condamnés» publiée dans Le Nouvelliste. Un cri du cœur qui avait rapidement été entendu à l’époque, mais qu’il avait fait entendre après ce qu’il qualifie aujourd’hui de «trois ans d’enfer».

Il y déplorait le manque d’aide des groupes de médecine familiale (GMF) et les nombreuses heures passées à gérer, négocier, rencontrer, convaincre, superviser, encourager, réconcilier... alors que son seul désir était de soigner.

Quelques mois plus tard, Guillaume Langlois s’était présenté comme candidat pour Option nationale dans la circonscription de Jean-Talon où il est allé débattre des enjeux de la santé avec le ministre de la Santé de l’époque, Yves Bolduc, pour faire avancer ses idées.

Une dizaine d’années plus tard, il semble faire le constat que le système de santé n’est plus pour lui. «Malheureusement, au lieu de se simplifier, le système de santé continue à s’alourdir, une réforme après l’autre, écrit le Dr Langlois dans sa publication. Alors que je rêve de soigner, je passe mes journées à remplir des papiers. Les formulaires s’allongent. Alors que les gens souffrent, se cognent le nez à la porte de nos services de santé, je passe mes journées à estampiller des piles de papiers...»

Dans une entrevue accordée à l’émission Toujours le matin sur les ondes de Radio-Canada Mauricie, vendredi, le Dr Langlois a d’ailleurs indiqué qu’il passait à peine 30% de son temps à faire du travail de médecin. «J’adore être avec un patient dans mon bureau, mais chaque patient vient avec cinq formulaires à remplir. C’est rendu que je passe plus de temps devant l’ordinateur qu’avec le patient», a-t-il souligné.

S’il écarte un départ vers le privé, Guillaume Langlois laisse tout de même la porte ouverte pour poursuivre sa carrière de médecin, mais ailleurs que dans le système de la santé. «Je veux faire de l’aide humanitaire. Ça fait des années que je rêve de faire un projet de pédiatrie sociale. Il y a peut-être d’autres façons de faire, mais je ne veux pas me retrouver dans une autre structure bureaucratique où j’ai autant de formulaires à remplir», a-t-il confié au micro de Marie-Claude Julien.

Le Dr Langlois craint d’ailleurs que de plus en plus de jeunes décident de faire comme lui et de quitter le système de santé au cours des prochaines années. «C’est une tendance nouvelle, qu’on ne connaissait pas avant. Des médecins avec quelques années d’expérience quittent le bateau et changent complètement de carrière. Ce phénomène va malheureusement s’accélérer. C’est ce qui me fait le plus peur, a-t-il mentionné. J’ai espéré pendant 16 ans que ça s’améliorerait, mais depuis la charge contre les médecins de famille, à la fin de la pandémie, j’ai compris que je n’en verrais jamais la fin.»