Des formations pour dépister efficacement la violence conjugale exigées

À la suite des trois féminicides des trois dernières semaines, trois regroupements de maisons d’aide et d’hébergement pour femmes victimes de violence se donnent la main afin de faire entendre leur voix. Ils profitent des élections pour partager leurs réflexions à l’occasion de la série Regards sur la campagne, un projet des Coops de l’information visant à donner la parole à des gens de tous les horizons sur le Québec d’aujourd’hui.


REGARDS SUR LA CAMPAGNE / Gisèle, 29 ans, poignardée le 9 septembre, Viergemene, 42 ans, poignardée le 16 septembre, Synthia, 38 ans, et ses deux garçons, assassinés le 26 septembre. Les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence lancent un cri du coeur aux futurs premier ministre et ministres de la Condition féminine et de la Santé et des Services sociaux.

Beaucoup a été fait depuis trois ans, des budgets conséquents ont notamment été injectés dans les services d’aide communautaires, pour l’implantation de tribunaux spécialisés et de cellules de crise.

Gisèle et Viergemene avaient pourtant fait tout ce que la société demande aux victimes de violence conjugale : demander de l’aide, quitter l’agresseur, déménager, etc.

Leurs ex-conjoints étaient assujettis à des conditions strictes, mais l’analyse de leur dangerosité a d’évidence été défaillante. L’ex-conjoint de Synthia n’était pas connu des services de police, mais selon notre expérience, la décision d’enlever la vie dans un contexte de contrôle coercitif ne survient pas par hasard, il y a toujours des signes avant-coureurs.

Il faut bien comprendre que dans chaque situation de violence conjugale, il y a des signes précurseurs et un modus operandi similaire de la part des conjoints violents. Une vision et une compréhension de la problématique sont nécessaires afin de protéger réellement ces femmes. Une formation obligatoire et continue doit être offerte aux personnels afin que le concept de contrôle coercitif soit compris et évalué de la bonne façon.

Synthia était une professionnelle d’un milieu aisé. Elle avait certainement accès aux services de santé, ainsi que ses enfants. N’y avait-il pas autour d’eux des professionnels qui auraient pu déceler les risques ? L’action 23 du Plan d’action gouvernemental en matière de violence conjugale 2018-2023 prévoit, depuis quatre ans, la formation des professionnels de première ligne sur le dépistage de la violence conjugale. Une formation de six heures est disponible sur le Web, non obligatoire. La Stratégie gouvernementale intégrée pour contrer la violence sexuelle, la violence conjugale et Rebâtir la confiance dévoilée en juin dernier est muette à ce sujet. Aucune action ne vise la formation systématique du personnel de la santé (médecine familiale, périnatalité, urgences, etc.) et des services sociaux en cette matière. Comme cette stratégie se veut évolutive, nous demandons le suivi, l’évaluation et le renforcement des efforts visant à rendre les professionnels plus alertes et réactifs face aux signes de violence conjugale.

Il est inutile de multiplier les cellules de crise si le personnel de première ligne n’est pas formé au dépistage. C’est bien souvent lui qui est à la base de la toute première étape du déclenchement du mécanisme de gestion de crise. Il est impératif que le nouveau gouvernement poursuive l’implantation de ces actions de façon déterminée et efficace.

Les maisons d’hébergement sont disponibles pour faire plus que leur part dans la mise en oeuvre des recommandations des experts, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) doit de son côté prendre la situation à bras le corps : financer les maisons d’hébergement ne suffira pas à la tâche. Le réseau de la santé doit outiller adéquatement son personnel de première ligne et s’assurer du développement de ses compétences dans le déploiement des centres de services intégrés avec le ministère de la Justice, en complémentarité des tribunaux spécialisés.

En cas de danger ou même de simple questionnement, toute femme peut trouver du soutien auprès d’une maison d’aide et d’hébergement, avec ou sans séjour sur place.

Annick Brazeau,

présidente du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Sabrina Lemeltier,

présidente de l’Alliance des maisons d‘hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale

Manon Monastesse,

directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF)

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Pour toute demande d’aide, veuillez communiquer avec SOS violence conjugale (1 800 363-9010) ou avec Info-aide violence sexuelle (1 888 933-9007).