Sa déclaration on ne peut plus maladroite et inacceptable portant sur les immigrants lors d’un débat tenu la semaine dernière à Trois-Rivières a de quoi embarrasser son chef et son parti, à cinq jours du scrutin électoral. Une déclaration qui s’ajoute, faut-il cependant le rappeler, à plusieurs autres déclarations maladroites tenues par François Legault lors de cette campagne électorale, dont certaines portant sur l’immigration.
Lorsqu’on regarde le bilan de la CAQ en cette fin de campagne électorale, on a effectivement l’impression d’assister à un festival de pieds dans la bouche, pour lesquels le chef autant que des candidats ont dû parfois s’excuser, parfois rectifier le tir depuis les dernières semaines. Est-ce là le symbole d’un parti qui a baissé la garde devant l’évidente victoire que les sondages laissent entrevoir pour lundi soir? Si c’est le cas, ce serait grandement dommage pour la suite des choses.
Rappelons les faits: lors du débat radiophonique tenu à la radio d’Ici Mauricie et Centre-du-Québec, le député sortant y est allé d’une déclaration surprenante, laissant entendre que «80 % des immigrants s’en vont à Montréal, travaillent pas, ne parlent pas français ou n’adhèrent pas aux valeurs de la société québécoise». Une déclaration, soyons clairs, irresponsable pour un ministre de l’Immigration, d’autant plus que les données prouvent qu'il n'a pas raison.
Dans un contexte où la question du seuil de l’immigration, de la main-d’oeuvre et surtout de la protection du français déchaînent les passions au Québec, voilà le genre de déclaration qui peut causer une rupture sociale importante, ce qu’un parti qui s’apprête à reprendre le pouvoir de façon majoritaire ne peut absolument pas se permettre de créer.
Le ministre Boulet s’est évidemment excusé de cette maladroite déclaration, mais seulement après qu’elle eut été relevée par les différents médias près d’une semaine après l’événement. Selon lui, ce qu'il a dit lors de ce débat ne reflète pas ce qu'il pense. Son chef, François Legault, a tôt fait de le rabrouer sur la place publique, en allant même jusqu’à dire qu’il venait de se disqualifier comme ministre de l’Immigration.
Jean Boulet perdra assurément cette fonction s’il est réélu ce lundi. Est-ce qu’à cinq jours des élections, l’événement aura causé suffisamment de tort au parti pour qu’il soit complètement discrédité de toute fonction ministérielle? Sachant que la région peut déjà compter sur la présence d’une ministre senior en la personne de Sonia LeBel, et pouvant prévoir que le parti aura l’embarras du choix parmi les candidats vedettes qui auront été élus... L’avenir nous le dira.
Dans cette campagne électorale, cette nouvelle pelure de banane vient s’ajouter à celles qui auraient pu faire glisser de façon beaucoup plus importante François Legault. Car si le chef de la CAQ a disqualifié son ministre de l’Immigration mercredi, il ne devrait pas oublier que lui-même, au tout début de la campagne, a réussi à faire un amalgame on ne peut plus douteux entre immigration et violence. Des propos pour lesquels il s’est dit désolé.
Évidemment, à force de vouloir jouer sur la question identitaire, probablement pour aller séduire une partie de l’électorat qui répondait favorablement à une offre davantage conservatrice, il n’en fallait pas beaucoup pour que le discours glisse vers une tendance populiste, qui peut parfois nous jouer des tours.
Mais doit-on également rappeler la façon dont le chef de la CAQ a aussi ramené l’histoire de Joyce Echaquan, dont on souligne tristement aujourd’hui même le second anniversaire de son décès, pour déclarer que tout était réglé du côté de l’hôpital de Joliette? Devant le mécontentement de la communauté de Manawan, il en a rajouté une couche en accusant les Atikamekws de ne pas vouloir régler le problème.
Il aura fallu que le veuf de Joyce Echaquan, Carol Dubé, sorte publiquement pour presser François Legault de ne pas utiliser son silence afin de se faire du capital politique pour que le chef de la CAQ finisse par présenter ses excuses. En matière de relation avec les Premières Nations, il reste à espérer que cet épisode n’aura pas fait reculer les efforts des dernières années si la CAQ est reportée au pouvoir.
Cette multiplication de faux pas ne semble pas, pour le moment, avoir ébranlé les colonnes du temple et tout porte à croire que la CAQ sera reportée au pouvoir lundi soir et vraisemblablement avec une forte majorité. Le prochain gouvernement devrait toutefois éviter de reléguer aux oubliettes ces épisodes afin d’apprendre de ses erreurs et d’entamer humblement un nouveau mandat dans lequel il devra réaliser qu’il sera le gouvernement de tous les Québécois, et non seulement de ceux qui l’auront porté au pouvoir.