Chronique|

Le «grand» retour d’Alfredsson

Daniel Alfredsson aurait préféré qu’on ne fasse pas toute une histoire avec son grand retour au Centre Canadian Tire.

CHRONIQUE / «Je ne suis qu’un invité.» 


Daniel Alfredsson aurait préféré qu’on ne fasse pas toute une histoire avec son grand retour au Centre Canadian Tire.

Impossible.

Voyez? Deux jours plus tard, je me suis installé devant mon clavier pour vous livrer mes impressions. Mes doigts ont écrit qu’il s’agit d’un «grand» retour. Je n’ai même pas fait exprès!

Alfie aurait préféré que ça ne devienne pas la grosse nouvelle du jour. Il aurait voulu que ça se passe tout naturellement. Qu’on fasse comme s’il n’était jamais parti.

Je lance une hypothèse. Il n’est peut-être pas parfaitement en paix avec les raisons de son «exil» forcé des cinq dernières années.

Il a pris place derrière le banc, vendredi matin, pour un match simulé. Son équipe a planté celle dirigée par son vieil ami Chris Neil. Ce n’était même pas proche.

Nous, les gens des médias, on se fichait bien des joueurs qui ont marqué les buts, dans cette partie. On ne s’intéressait pas davantage aux gardiens qui avaient uni leurs efforts pour compléter le blanchissage.

On voulait Alfie.

Il a eu la gentillesse de se présenter dans la zone d’entrevues, mais il s’est empressé de nous ramener sur terre.

«Je ne suis qu’un invité, a-t-il spécifié, dès le départ. Et ça ne risque pas de changer pour l’instant.»

«Je pourrai parler avec les joueurs. Je serai disponible, s’ils ont besoin de mon aide», a déclaré Daniel Alfredsson, vendredi.

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La suite - et la fin - de la déclaration d’Alfie a quand même un petit quelque chose de réconfortant.

«Je suis un invité, et ça ne risque pas de changer pour l’instant. Je vais quand même passer un peu plus de temps à l’aréna. Ça, dans ma tête, c’est clair. On m’a dit que j’étais le bienvenu, quand je voulais. Je pourrai parler avec les joueurs. Je serai disponible, s’ils ont besoin de mon aide. Je trouve ça stimulant. Ça va me faire du bien d’avoir un rôle à jouer au sein de l’organisation, à nouveau.»

Alfie a enchaîné: «J’ai eu la chance de venir faire mon tour à quelques occasions, ces dernières années...»

Il a effectué quelques visites au CCT, c’est vrai. Mais elles ne comptaient pas vraiment.

Décembre 2018. Erik Karlsson qui revient en ville pour disputer un premier match dans l’uniforme des Sharks de San Jose. Pendant une pause publicitaire, au premier tiers, on a vu sur le tableau indicateur la loge dans laquelle étaient réunis les amis du numéro 65. Le plus grand joueur de l’histoire des Sénateurs essayait de se cacher, quelque part, dans le fond de la pièce.

Février 2020. Juste avant l’arrivée de la COVID-19, les Sénateurs organisent une grande soirée pour rendre hommage à Chris Phillips. Alfie est présent. Il joue un tout petit rôle dans la cérémonie du retrait du numéro 4. Il s’est contenté de serrer la main de son pote, juste avant son arrivée sur la patinoire.

En temps normal, les deux leaders des Sénateurs, au début du millénaire, auraient du passer la soirée au grand complet ensemble.

Avril 2022. L’Ambassade de la Suède à Ottawa s’invite à Kanata. Elle organise une soirée pour célébrer sa culture, durant un match des Sénateurs. Alfredsson est l’invité d’honneur, dans le petit kiosque qui est installé dans la coursive. Vêtu d’un chandail bleu et jaune de l’équipe nationale, il prend le temps de discuter avec tous les fans qui s’arrêtent.

C’était presque un sacrilège. Il a joué 1178 matches dans l’uniforme des Sénateurs. Le numéro 11 qu’il a porté est suspendu au plafond de l’amphithéâtre. Il a peut-être été le plus grand bâtisseur du hockey, dans les années 2000, dans la région de la capitale fédérale. Quand il décide d’assister à un match des Sénateurs, il ne devrait jamais avoir à se faufiler par la porte d’en arrière.

«Je pourrai parler avec les joueurs. Je serai disponible, s’ils ont besoin de mon aide.»

C’est génial. Un gros pas vers l’avant.

Les Sénateurs, au fond, ne font que rattraper les autres organisations.

Gilbert Perreault n’a pas besoin d’une invitation spéciale, quand il veut rendre visite aux Sabres de Buffalo. Mike Modano sera toujours chez lui dans l’aréna des Stars de Dallas. Pareil pour Vincent Lecavalier et Martin Saint-Louis, à Tampa.

À Boston, au Colorado et à Détroit, Cam Neely, Joe Sakic et Steve Yzerman n’ont pas besoin d’invitations. Ils occupent des postes stratégiques chez les Bruins, l’Avalanche et les Red Wings.

Partout ailleurs, on semble comprendre la valeur des anciens. À Ottawa, on l’a oublié, pendant un moment. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

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La porte est-elle fermée? Daniel Alfredsson se contentera-t-il désormais d’un simple rôle «d’invité», dans l’amphithéâtre où il a si longtemps brillé?

«Non. La porte n’est pas fermée», a-t-il répondu, vendredi.

Je vais oser une autre hypothèse. Alfie brûle peut-être d’envie de reprendre le collier. Il fait peut-être bien de jouer de patience. On sent que les choses changent, chez les Sénateurs. Elles n’ont peut-être pas fini de changer. Il serait peut-être sage d’attendre le retour à la normale, avant de s’engager dans un rôle définitif.