Chronique|

La face cachée du Québec

ÉDITORIAL / Ce n’est jamais bon signe lorsque des problèmes réels, pour lesquels il faudrait trouver des solutions promptement, ne sont pas évoqués pendant une campagne électorale. Certains ayant une portée limitée, il est normal que les candidats locaux soient directement interpellés, mais lorsque les dossiers touchent de nombreuses régions, voire la province au complet, le silence des chefs devient gênant.


Dans le premier débat, par exemple, la seule référence aux Premières Nations s’est rapportée à la notion de racisme systémique, en lien avec la mort tragique de Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette. Un sujet important. Aucun doute là-dessus. Mais rien sur les sempiternelles négociations concernant l’Approche commune, dont on dit qu’elles progressent, même si le fil d’arrivée se confond avec la ligne d’horizon.

Il aura fallu une lettre parue mercredi, dans Le Quotidien, pour que cette question apparaisse brièvement sur l’écran radar. Les chefs des Premières Nations de Mashteuiatsh, Essipit et Nutashkuan ont rappelé que le projet de traité approchait du stade final et insisté pour que les futurs élus l’entérinent d’ici au 31 mars 2023. Ils y voient le meilleur moyen de sceller une véritable réconciliation sur les territoires concernés, tout en ouvrant une ère de prospérité.



Deux autres dossiers affectant les régions ont marqué l’actualité récente. Par la voix de Jimmy Tremblay, président régional du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), on a appris qu’en raison du départ de plusieurs employés dans les derniers mois, on frôle la rupture de service en ce qui a trait aux appels d’urgence à la Sûreté du Québec. Un bon nombre de ressources ont en effet migré vers le service d’appels 911, où les salaires sont plus élevés.

Pas besoin d’un dessin pour comprendre qu’un jour, des citoyens subiront un préjudice majeur, pouvant aller jusqu’à une mort qu’il aurait été possible d’éviter si le système avait fonctionné comme du monde. Des gens qui, bien évidemment, résideront dans des communautés de taille modeste. Si, en plus, ils doivent composer avec une couverture ambulancière en pointillé, comme c’est le cas chez nous, il y a de quoi s’alarmer.

Une autre absurdité révélée jeudi, par les Coops de l’information, ce sont les restrictions touchant les bureaux de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Huit seulement demeureront accessibles sans rendez-vous, dont ceux de Montréal, Longueuil, Laval et Québec. Comme par hasard. À Saguenay, oubliez ça. Les portes sont barrées.

« On n’a plus le même service de proximité et c’est ainsi dans plusieurs services, pas seulement à la CNESST. Les gens doivent téléphoner dans des centres d’appels qui, eux aussi, sont débordés », a expliqué le président national du SFPQ, Christian Daigle. C’est ainsi que dans notre charmante province, on crée des citoyens de deuxième zone en toute impunité.



Ces coupures décrétées en haut lieu et défendues par des artistes de la langue de bois, au mépris de l’intelligence des citoyens, on en trouve une autre manifestation dans nos palais de justice. À Alma, lundi, deux constables spéciaux ont été agressés par une femme désorganisée, de même que son conjoint. Ce n’est pas d’hier, pourtant, qu’on réclame du renfort parce que la tâche de ces serviteurs de l’État s’est alourdie.

Si le pire était survenu, pas de problème. Cette histoire aurait percé le mur d’indifférence des médias dits nationaux, ainsi que des chefs de partis. Mais pourquoi faut-il en arriver là ? Quand bien même on cesserait de radoter une journée sur le troisième lien, la taxe orange et les seuils d’immigration pour s’intéresser à ce qu’on vit dans la face cachée du Québec, avant que les situations dégénèrent, ce ne serait qu’un juste retour des choses.

Peut-être même qu’à travers un exercice de cette nature, on découvrirait un nouveau sens au mot diversité. Comme dans diversité territoriale.