Tout autour, des jeunes, des moins jeunes, scandaient des slogans à tue-tête. «Sauvons la planète!», disaient-ils, histoire de s’échauffer avant d’aller rejoindre les autres manifestants sur la colline parlementaire, de l’autre côté du pont Alexandra.
Malgré la banderole noire comme le deuil, Mme Leduc n’avait pas l’air si en colère. Pas autant que les camionneurs qui ont assiégé le centre-ville d’Ottawa, l’hiver dernier, frustrés dans leurs «libârtés» individuelles.
Vous êtes en colère contre qui, contre quoi, Mme Leduc?
«Bien, c’est qu’on s’inquiète pour le futur de nos enfants. On veut qu’ils puissent observer la nature, profiter de nos écosystèmes, de nos papillons monarques, de nos caribous», commence-t-elle.
«On fait tous des efforts à l’échelle individuelle. Moi, je suis une minimaliste. Je consomme beaucoup usagé. J’ai une voiture hybride. J’achète local, biologique. Je fais des efforts! Mais je pense qu’il faut aller au-delà de l’effort individuel. Il faut des mesures collectives, les politiciens doivent embarquer dans les changements. C’est pour cela qu’on est en colère!» m’a-t-elle dit.
Allez-vous voter au provincial, Mme Leduc? «Oui, pour Québec solidaire. Je pense que c’est le parti qui offre le changement qu’on attend dans la game politique. Un parti qui appelle les citoyens à participer. Et je crois à la participation citoyenne!»
De l’autre poteau de la banderole, Jeannie Lavoie m’a interpellée. Hep, monsieur le journaliste! Oui, madame? «Je voulais juste mentionner qu’en tant que coporteuse de la bannière, je vais voter différemment. Un autre parti a un très bon programme en matière d’environnement: le Parti québécois.»
Bien noté, madame Lavoie.
Les manifestants commençaient à s’engager sur la rue Laurier, sous un soleil resplendissant. Une superbe journée d’automne. Des sourires partout. Une atmosphère bon enfant. Où ça, la colère? «Bien la colère, c’est écrit là, a rétorqué Mme Lavoie en pointant les mots inscrits sur sa banderole. Vous savez, chaque manifestation compte. On est quand même beaucoup de monde aujourd’hui. Je pense que les partis politiques sont sensibles à ça.»
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Plus loin, trois jeunes filles, à peine en âge de voter, discutaient ensemble. Jeanne Ferland qui manifeste pour soigner son écoanxiété. Érika Chaloux-Laroche qui craint de grandir dans un monde où les changements climatiques lui fermeront des portes. Et Katia Girouard qui souhaite que les gouvernements fassent de leur plan climat une priorité électorale. Sur le thème du jour, j’ai demandé à Katia si elle était fâchée. Fâchée comme Greta Thunberg pouvait l’être lorsqu’elle apostrophait les puissants de ce monde: comment osez-vous détruire la planète?
«J’essaie de ne pas me fâcher, de contrebalancer la part de colère et d’espoir en moi, répond Katia. Mais la colère est importante. Les gouvernements priorisent leur enrichissement au détriment des répercussions sur les changements climatiques qui touchent d’autres parties du globe. C’est très égoïste de penser que, parce que nous ne serons pas les premiers touchés, c’est inutile d’agir maintenant.»
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Plus loin, j’ai rencontré une géographe et une biologiste qui marchaient avec leurs pancartes. Deux scientifiques bien placées pour constater les effets délétères des bouleversements climatiques sur la biodiversité.
«On est en train de bouleverser tous les écosystèmes, dit André-Anne Pharand. En oubliant que l’humain fait partie de ces écosystèmes-là! On n’est au-dessus de rien. Il est primordial d’agir. Ce n’est pas seulement notre mode de vie qui va en souffrir, mais celui des prochaines générations.»
«Des espèces sont menacées ici-même, dans le parc de la Gatineau, renchérit Véronique Gaboury-Bonhomme. Il faut être en colère face à ce qu’on voit en politique. Au manque d’action, à la vision à court terme. Nos enfants, eux, seront très, très en colère du monde qu’on leur a laissé…»
Autour de nous, les gens criaient: Sauvons la planète! La planète? La Terre survivra à l’humanité comme elle a survécu à l’extinction des dinosaures. C’est nous qu’il s’agit de sauver. Nous, l’humanité.