Un rendez-vous avec l’histoire à ne pas manquer

OPINION / Nous, les chefs des Premières Nations innues d’Essipit, de Nutashkuan et de Mashteuiatsh, tenons à informer le prochain premier ministre et les futurs membres de l’Assemblée nationale qu’ils auront probablement l’honneur et la responsabilité d’entériner le premier traité moderne conclu avec une nation autochtone depuis ceux de 1975 et de 1978, signés avec les nations Crie, Inuite et Naskapie. Un rendez-vous avec l’Histoire à ne pas manquer !


Cette lettre ouverte a été écrite par Gilbert Dominique, chef de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh, Martin Dufour, chef de la Première Nation des Innus Essipit, et Réal Tettaut, chef de la Première Nation des Innus de Nutashkuan.

La conclusion d’un traité de nouvelle génération est assurément la concrétisation la plus forte des principes de relations de nation à nation. Un traité, c’est la confirmation des droits de nos Premières Nations et le retrait de notre dépendance à la Loi sur les Indiens. La conclusion d’un traité constitue aussi la réalisation d’une réconciliation durable avec les Peuples autochtones. Mais c’est aussi un événement rarissime ; la négociation d’un traité est un exercice difficile, long et périlleux. Pour les trois communautés formant le Regroupement Petapan, il s’agit d’un engagement qui remonte à plus de 40 ans. Au fil de ces années, nous avons vécu de grandes périodes de remise en question, de frustration et de désenchantement. Cela dit, après ces années de persistance et de résistance, nous sommes heureux de constater que nous approchons maintenant de l’aboutissement de ce qui constitue un véritable projet de société pour nos communautés.



La conclusion d’un traité entre le Canada, le Québec et nos trois Premières Nations marquera très certainement le début d’une nouvelle ère de prospérité et de développement. Non seulement pour nos communautés, mais aussi pour le Québec, particulièrement pour les régions de la Côte-Nord et du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il suffit de regarder les retombées pour la région de la Baie-James à la suite de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (1975) et de la Paix des Braves (2002) pour réaliser l’importance que revêtent des ententes de cette ampleur avec les Premières Nations. Dans le cas actuel, le projet de traité que nous achevons de négocier représente considérablement plus d’implications que ces deux ententes mises ensemble.

Maintenant ou jamais ?

Le projet de traité est rendu à son stade final et la quasi-totalité des enjeux majeurs qui concernent le palier fédéral ont été réglés. Cependant, avec le Québec, il reste certains éléments cruciaux qui sont toujours bloqués à la table de négociation. Ces enjeux ne se régleront uniquement que lorsque l’attention requise y sera portée par la plus haute autorité politique au Québec, comme ce fut le cas lors de la finalisation de la Paix des Braves, avec l’implication directe du premier ministre. Il est grand temps de régler les derniers écueils et de finaliser enfin ce traité à temps pour le 31 mars 2023.

Pourquoi cette date ? Parce qu’il s’agit de la date d’anniversaire de la signature de l’Entente de principe d’ordre générale conclue en 2004, soit il y a près de 20 ans – le texte avait été convenu en 2002. Mais au-delà du symbolisme rattaché à la date du 31 mars prochain, il y a surtout une impatience irrépressible de nos Premières Nations de voir aboutir cette négociation.

À compter du 1er avril 2023, une nouvelle étape nous menant vers la mise en oeuvre du traité doit s’amorcer. Les alternatives ne sont pas des solutions viables, ni pour nous ni pour le Québec et ses régions. Si le rendez-vous historique est manqué, nous serons forcés de revenir à d’autres méthodes d’affirmation et de défense de nos droits. Dans cette perspective, que nous ne souhaitons pas, le risque de se retrouver devant les tribunaux ou de devoir poser des actions unilatérales d’affirmation pour faire valoir nos droits est bien réel.



Nous considérons toujours que la signature dans l’honneur d’un traité constitue le meilleur moyen de réconcilier nos destins et nos intérêts respectifs. Pour le Canada et le Québec, il s’agit de la plus forte réponse à donner au rapport de la Commission de vérité et de réconciliation, et du plus bel exemple à donner en matière de respect des droits des Peuples autochtones sur la scène internationale. Nous interpellons donc tous les partis et les appelons à prendre part à cette formule de réconciliation novatrice.

À vous d’accepter cette invitation avec l’Histoire.

Tshinashkumitinau, niaut, iamé.