Chronique|

Legault, à un scrutin de l’équilibre

François Legault, à l'occasion d'une entrevue éditoriale tenue jeudi dans les locaux du <em>Quotidien</em>

ÉDITORIAL / François Legault ne le dit pas tout haut, mais il est fin prêt à en découdre avec tous ceux qui tenteront d’empêcher l’augmentation du trafic maritime sur le fjord du Saguenay. Sinon, comment expliquer l’annonce d’un investissement de 117,2 millions de dollars à la zone industrialo-portuaire de Grande-Anse ?


Cet engagement, c’est aussi le prélude à quelque chose d’encore plus grand, comme s’il s’agissait de la dalle sur laquelle renaîtra de ses cendres le projet minier Métaux BlackRock.  

Lors d’une entrevue éditoriale accordée jeudi dans les locaux du Quotidien, le chef caquiste a nommé ce grand projet industriel à deux reprises, comme pour être certain que le message soit bien noté. Il ne manquait qu’un clin d’oeil pour comprendre qu’à terme, ce que souhaite le premier ministre sortant, c’est l’exploitation d’une mine de ferrovanadium à Chibougamau, puis la construction d’une fonderie à Saguenay. Et des bateaux, il en faudra pour expédier le minerai vers les marchés internationaux.

Tel que rapporté par notre journaliste Mélanie Côté, Métaux BlackRock a connu ses heures sombres pendant la pandémie. Les créanciers non garantis de la compagnie ont perdu pas moins de 54 millions de dollars lors d’une importante restructuration de la compagnie. Et aujourd’hui, Investissement Québec est aux commandes de sa destinée, conjointement avec le groupe Orion, dont le siège social est aux États-Unis. 

En résumé, il n’existe plus d’intermédiaire et le gouvernement entend tout mettre en oeuvre pour que les 1,3 milliard de dollars d’investissements prévus soient enfin décaissés.

Des jobs, des jobs et encore des jobs

Ce n’est un secret pour personne : François Legault est de cette confession qui place le développement économique au-dessus de tout autre évangile. Son message n’est même pas nuancé : des jobs, des jobs et encore des jobs ; la croissance économique du Québec ; la liste « longue de même » d’entreprises qui veulent s’implanter ici… Oh ! cette belle énergie verte, aussi, qui, dans sa bouche, sonne davantage comme un argument de vente qu’un concept environnemental. 

Les bélugas ? « Il va falloir trouver un équilibre. »

Le caribou forestier ? « Il va falloir trouver un équilibre. »

C’est bien beau tout ça, et c’est même réjouissant pour quiconque souhaite voir le Saguenay–Lac-Saint-Jean sortir de sa torpeur et maintenir ses acquis. Mais l’équilibre, parfois, est bien difficile à atteindre. Périlleux même, sur le plan politique. Parlez-en au funambule qui traverse une falaise en pleine tempête…

Toujours s’il est élu à la tête de l’Assemblée nationale, François Legault sait très bien ce qui l’attend. Et il sait également qu’Ottawa ne lui fera pas de cadeaux, ni pour le caribou forestier ni pour le fjord du Saguenay.

Mais en confirmant l’octroi de 117,2 millions de dollars à la zone industrialo-portuaire de Grande-Anse, il a clairement dénoncé ses intentions, sans ambiguïté ni complexe. L’équilibre, selon Legault, c’est d’abord une affaire de prospérité économique. 



Pas de gazoduc, juré, craché

Cela dit, le chef de la Coalition avenir Québec est suffisamment habile politiquement pour lire son environnement, sans jeu de mots. Jouer les funambules et chercher l’équilibre dans un dossier d’énergie fossile, c’est comme rejeter la maxime voulant que la misère soit optionnelle. Aussi est-il catégorique quant à la possibilité qu’un gazoduc franchisse les frontières du Québec : «  Non. »

Fin de la discussion. 

Il n’y aura donc pas un projet de GNL Québec repensé sous un deuxième gouvernement Legault. Faut bien choisir ses combats, non ?

Et il n’y aura pas non plus de Conférences régionales des élus (CRÉ) ou tout autre organisme de concertation dans les régions du Québec. Il préfère le gré à gré avec les MRC. D’aucuns pourraient lui reprocher de diviser pour mieux régner, mais au moins, il s’assume. 

Même sous la torture

Et les barrages ? Où seront les barrages nécessaires pour assurer une abondance hydroélectrique aux Québécoises et Québécois ? « Même sous la torture, je ne nommerai aucune rivière… » 

Ashuapmushuan ? Grande-Baleine ? Optimisation des centrales existantes ? 

« … » 

Non, nous n’avons pas sorti la manivelle intestinale, l’âne espagnol ou la fourche de l’hérétique. Mais une chose est certaine : il y aura des nouveaux barrages plus tôt que tard. L’enjeu est trop important ; le potentiel, trop alléchant. L’énergie est la clé de voûte du scénario qu’élaborent François Legault et Pierre Fitzgibbon, ministre sortant de l’Économie.

La ZIAL : on le fait !

S’il est une chose qui soit aussi assurée que la construction de nouveaux barrages au Québec, c’est la confirmation d’une éventuelle zone d’innovation en aluminium (ZIAL) au Saguenay–Lac-Saint-Jean sous un gouvernement Legault. Et là, on parle de milliards de dollars et de centaines d’emplois, en tenant compte de l’implication de partenaires privés et publics. 

Il reste à savoir à quoi ressemblera cette ZIAL, destinée à nous faire rayonner sur tous les continents… 

L’Université du Québec à Chicoutimi semble un joueur majeur dans cette stratégie, selon ce qu’affirme François Legault. Les cégeps de la région aussi. La Ville de Saguenay et Rio Tinto, c’est une évidence. 

Donc, une infrastructure majeure de recherche qui n’a rien à voir avec une simple chaire ? Une entité qui ferait migrer en région des dizaines de cerveaux ? Un espace pour accueillir les grands congrès dédiés à l’aluminium ? Un nouveau centre de recherche ? 

François Legault reste de marbre. 

Qui vivra verra. 

Quoi qu’il en soit, François Legault a un plan ultra précis, voire chirurgical. Pour ça comme pour tout le reste. Il ne lui faut maintenant qu’un chèque en blanc pour imposer « l’équilibre » et modeler « son » Québec. 

Celui qu’il voit, semblable à une ou deux virgules près à celui qu’il voyait à l’époque, avec les yeux d’un souverainiste convaincu.