Chronique|

Cinq cents!

Claude Villeneuve, chroniqueur pour <em>Le Quotidien</em>

CHRONIQUE / Rassurez-vous, je ne vous parlerai ni de jeux de cartes ni de pièces de monnaie en nickel. Cette chronique est la 500e que je signe dans ces pages depuis 2008. Bientôt 15 années de vulgarisation scientifique!


L’idée de départ de l’éditeur du Quotidien était de présenter un point de vue différent de celui d’un courant commun à l’époque, le climatonégationniste, qui se qualifiait lui-même de climatoscepticisme. En laissant planer le doute sur la science du climat, il faisait écho aux sites d’extrême droite américaine. Bref, même si ce genre de discours étaient relayés comme des vérités reçues par toutes les radios poubelles du Québec, c’était pour la neutralité du journal qu’on m’avait recruté.

Mon objectif n’était pas de débattre. Malgré mon cours classique, je ne faisais pas le poids dans la rhétorique et je n’avais pas l’intention de me jeter dans une bataille de coqs. J’ai donc accepté d’essayer d’informer, d’expliquer, de commenter l’actualité scientifique sur les thèmes porteurs. Mes sujets portaient sur le climat et l’énergie, bien sûr, mais aussi sur la biodiversité, les forêts, le développement durable, le recyclage, l’eau, l’économie circulaire… en me permettant quelquefois des propos plus personnels sur ma vision de l’éducation ou en soulignant la disparition de personnalités qui ont marqué ma carrière – Pierre Dansereau, Frédéric Back, Fred Roots et, plus récemment, Réjean Gagnon. Il semble que cela ait fait l’affaire, car du Quotidien, mes chroniques ont été reprises dans les autres journaux du groupe.



Pourquoi un professeur d’université devrait-il s’astreindre à un tel exercice? Peu de gens le savent, mais la tâche d’un professeur d’université se divise en trois: l’enseignement, la recherche et le service à la collectivité. Périodiquement, nos contributions à ces trois chapitres sont évaluées par des pairs pour justifier l’avancement d’une carrière. Les services à la collectivité se déclinent en services à l’interne, par exemple la participation à des comités, la direction départementale et dans des services à l’externe, comme des participations dans des organismes scientifiques, des journaux spécialisés ou des organismes publics. Plus rarement, la diffusion des connaissances dans les médias ajoute quelques points à nos dossiers d’évaluation. Bref, je considère ces chroniques comme un service à la collectivité.

Mais il faut le faire bien, à la hauteur de ce qu’on attend d’un universitaire. C’est pourquoi j’ai tenté de maintenir, au cours des années, une qualité constante, que les lectrices et lecteurs ont semblé apprécier. Même si je ne suis pas les réseaux sociaux, les commentaires que j’ai reçus au cours des années ont été très majoritairement positifs, souvent accompagnés de questions et de demandes d’éclaircissements auxquelles j’ai essayé de répondre au mieux de mes compétences. Bref, ce dialogue avec madame et monsieur Tout-le-Monde m’a aussi été utile pour mon enseignement, car les questions du public sont souvent influencées par des représentations largement partagées, qu’on rencontre aussi chez les élèves. En ce qui concerne la recherche, c’est elle qui nourrit les sujets des chroniques. Il y a donc une cohérence dans tout cela. Heureusement, car le travail ne manque pas!

Certains lecteurs m’ont reproché de parler souvent des mêmes thématiques, en particulier des changements climatiques, des émissions de gaz à effet de serre et des impacts auxquels nous devrons faire face dans les prochaines décennies. Cela s’explique. Le problème des changements climatiques et les solutions que nous propose le développement durable sont au coeur de ma recherche depuis 35 ans. Ce sont des thèmes qui s’articulent autour des sciences de l’environnement, mais aussi des sciences humaines, de la politique et de l’économie. On peut les aborder à partir des comportements individuels autant qu’à l’échelle planétaire. C’est un riche terrain de jeu pour un chroniqueur dont le mandat est d’observer l’évolution de la science et de la société.

Nous commençons à peine à subir les impacts des changements climatiques. Les médias généralistes en font état à tous les jours. Il n’est donc plus utile que je fasse des textes sur les catastrophes qu’on prévoit dans 30 ans. Mais j’ai encore vu, lundi, un véhicule qui tournait au ralenti avec personne à bord dans un stationnement… GRRR ! Vous me pardonnerez donc de continuer à faire des liens entre ce genre de comportements irresponsables et les coûts que nous devons collectivement assumer pour l’adaptation aux changements climatiques. Il y a encore de l’éducation à faire !



Heureusement, les climatosceptiques et les climatonégationnistes sont en voie de disparition, comme l’a constaté le Forum économique de Davos. Reste qu’après 500 chroniques, une réflexion s’impose. Pour paraphraser Plastic Bertrand: « J’ai 15 ans, qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que je fais ? Je m’arrête ou j’continue ? »

Suis-je toujours utile et pertinent ? Là est la question !