D’un côté, la solidarité dans son sens le plus noble. Des gestes gratuits posés en raison de la sympathie que suscitait le sort de Karine Minier, propriétaire d’une résidence située trop près du lieu où s’est produit le glissement de terrain du 13 juin. Grâce à ses bons samaritains, elle a pu monter un plan détaillé afin que chaque pièce soit vidée méthodiquement avant qu’on démolisse son foyer.
Quelques heures plus tôt, lors de la séance mensuelle du conseil, le président de la Commission des finances, Michel Potvin, avait annoncé que chacun de ses collègues serait consulté à propos des initiatives qui doivent être menées au nom de la Ville. Comme pour lui mettre une cible dans le dos, la seule qu’il a identifiée consiste en l’aménagement d’une bibliothèque municipale à Saint-Édouard.
« Il y a des questionnements. Je ne déciderai pas tout seul. On va décider ensemble », a souligné le grand argentier.
Donnant l’impression que la cause est entendue, le Baieriverain Raynald Simard a invoqué la nécessité de se montrer réaliste face à la hausse des coûts de construction. « Le contexte financier a changé. Là, ce qu’on veut, c’est les plans et devis pour connaître les montants exacts », a mentionné le conseiller.
Ça et lever le drapeau blanc avant que la bataille commence, ça revient au même. Ce n’est pas Michel Potvin, mais lui, qui a cligné des yeux en premier. Peut-être a-t-il été impressionné par l’écart de 5 millions $ qui résulterait de la pression inflationniste, ainsi que de mystérieuses exigences formulées par le ministère de la Culture et des Communications. Elles aussi auraient pesé sur les coûts, mais comment ? Pourquoi ? On n’a pas daigné communiquer cette information.
À la solidarité affichée par les citoyens envers Karine Minier a donc correspondu celle des conseillers face à la reconversion de Saint-Édouard. Preuve en est qu’à deux semaines du déclenchement des élections, ils acceptent docilement le refus du gouvernement caquiste de mettre un sou de plus dans ce projet. Depuis le début de l’été, pourtant, il fait pleuvoir les millions $ partout, en plus de renouveler son adhésion à la lubie ruineuse que constituerait le troisième lien.
Toujours à la séance du conseil, Michel Potvin a révélé que les taxes augmenteraient en 2023, après avoir été gelées cette année, en vertu d’une promesse formulée par la mairesse Julie Dufour. En soi, ce n’est pas scandaleux, mais le raisonnement qui a accompagné cette annonce est douteux. « Cela n’a pas d’impact présentement. À ce moment, on a fait des coupures et on a imposé des restrictions qui étaient nécessaires », a avancé l’élu de l’arrondissement Chicoutimi.
Ça revient à dire que des économies ont été réalisées pour donner un bonbon aux électeurs, ce qui ne signifie pas que celui-ci n’a rien coûté. « En 2022, c’était une mesure pour la pandémie et la crise économique. Un répit. Nous étions l’une des seules municipalités à ne pas l’avoir fait en 2021 », a plaidé Julie Dufour.
On veut bien, mais il y a une différence entre le geste qui a été posé à Alma, par exemple, une ville bien administrée, et la tentation à laquelle a cédé Saguenay.
Le conseil s’est fait plaisir sans en avoir les moyens et aujourd’hui, il se dit trop pauvre pour assumer l’engagement pris envers Port-Alfred. Si les citoyens qui ont aidé Karine Minier avaient été aussi inconstants, combien de boîtes seraient restées vides à la fin de ses 30 minutes ? Au lieu de participer à une opération digne de figurer dans un tableau de La Fabuleuse histoire d’un Royaume, ils auraient semé le doute sur leur sens de la communauté.