Les adieux sereins de l'unique Jean-Jules Soucy [PHOTOS + VIDÉO]

Jean-Jules Soucy, pour l'oeuvre <em>Je m’explique mal la peinture</em>, en 1998

« Je suis natif de la baie des Ha ! Ha !, j’y réside, j’y travaille, j’y réfléchis », avait écrit Jean-Jules Soucy, en 2016, à la faveur d’une exposition tenue à Athènes. Même en Grèce, l’artiste tenait à faire ressortir ses appartenances. Fils de La Baie, c’est dans cette communauté qu’il a vécu dès le premier jour de son existence et c’est également là, dans une chambre de l’hôpital local, que le fil de sa vie s’est rompu tout doucement, dans la nuit de mardi à mercredi, à 71 ans.


Ainsi est disparu l’un des artistes les plus importants de notre temps, au Québec, et, à plus forte raison, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. C’est l’homme derrière le Tapis stressé, une oeuvre qui avait été exposée en 2003, au Musée d’art contemporain de Montréal. Réalisée à l’aide de pintes de lait en carton, elle avait donné lieu à une mobilisation populaire qui reflétait l’ancrage évoqué tantôt. Pour concrétiser sa vision, il avait dû recueillir, laver et assembler 60 000 contenants fournis par ses concitoyens.

Des chèvres étranges faisaient aussi partie de son univers, celles qu’il appelait « Les Grandes moppes canadiennes ». Comme leur nom le suggère, leur origine était aussi modeste que la sienne, ce qui fut également le cas de sa création la plus familière, la Pyramide des Ha ! Ha !. Montée dans la foulée du déluge de 1996, qui avait causé tant de dommages à La Baie, elle constitue la somme d’un nombre astronomique de panneaux cédez-le-passage.



Cliquez sur la galerie d'images qui suit pour un aperçu de la carrière de Jean-Jules Soucy en quelques oeuvres.

« Homme de peu de moyens, il parvient à gérer de grands projets en collectif », a souligné son ami et collègue Emmanuel Galland, dans un texte rédigé après le décès de Jean-Jules Soucy.

C’est son génie singulier qui conférait à cet art du pauvre une richesse de sens qui s’étendait jusqu’au choix des titres. Il ne fallait jamais les lire précipitamment, parce qu’on risquait de manquer un trait d’humour, un jeu de mots ingénieux, ou un habile mélange des deux.

Jean-Jules Soucy, en 2010

« Il a consacré sa vie à l’art. Il était toujours habité par ça. C’était un art avec des trucs assez complexes, mais Jean-Jules a toujours été un homme accessible. Tout le monde lui parlait et il parlait à tout le monde. Sa volonté était que ce soit sympathique autour de lui, ludique aussi », a commenté sa soeur Hélène, à qui il a confié la gestion de ses archives et de son oeuvre.

Elle-même artiste, celle qui a conçu des costumes et des décors pour tant de projets théâtraux se sent désormais investie d’un devoir de mémoire.

Revenant sur les deux dernières semaines de la vie de Jean-Jules Soucy, elle brosse le portrait d’un homme conscient de sa situation, mais soucieux de faire ses adieux avec toutes les personnes chères à son coeur. Amis, collègues et membres de sa famille ont pu lui parler une dernière fois, généralement au téléphone, et constater que son esprit demeurait aussi enjoué, aussi allumé, qu’avant l’aggravation de son état de santé.



« Encore hier (mardi), même s’il dépérissait à vue d’oeil, Jean-Jules a parlé à son monde pendant sept heures. C’est lui qui rassurait les gens. Parce que mon grand frère était vraiment gentil, affirme Hélène Soucy, qui se sent privilégiée d’avoir été sa soeur. Il pensait tout le temps aux autres et c’est pour cette raison qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas tristes, moi et les membres de ma famille. Parce que ça s’est passé très sereinement. »

Jean-Jules Soucy, pour l'oeuvre <em>Je m’explique mal la peinture</em>, en 1998

Pour découvrir l'humain et le personnage qu'est Jean-Jules Soucy, voici un long métrage documentaire réalisé par Bruno Carrière en 1994 et libre de droits sur le site de l'Office national du film du Canada.