« La tradition veut que ce soit elle qui ait fondé Jonquière. Mais selon des recherches, on peut douter qu’elle ait été là depuis le début de la colonisation et de Jonquière, a commenté Jérôme Gagnon, professeur d’histoire au Cégep de Jonquière. Elle fait partie des fondateurs, c’est certain, mais ‘‘ Fondatrice ’’, au singulier et avec un grand F, je ne sais pas. »
Il s’appuie notamment sur les recherches que l’historienne Russel-Aurore Bouchard a effectuées pour son livre Histoire de Jonquière : coeur industriel du Saguenay–Lac-Saint-Jean. D’après les archives, il n’y a aucune mention du nom de Marguerite Belley, ou Maltais, avant 1851. Pourtant, la fondation de Jonquière remonte à 1847.
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Un peu d’histoire
Marguerite Belley, qui a déjà une école et un édifice public à son nom, est née à Baie-Saint-Paul en 1792 et fait partie, avec deux de ses 13 enfants, des premiers colons à être venus s’installer à Jonquière. Son mari, Jean Maltais, n’a jamais mis les pieds au Saguenay et est décédé dans Charlevoix.
En 1847, la Société des défricheurs et des cultivateurs du Saguenay lorgnait des terres dans le canton de Jonquière et c’est grâce à elle que Marguerite Belley et ses deux fils ont pu défricher et acquérir des terrains près de la rivière aux Sables. On leur attribue également la construction de la première cabane dans le secteur.
Elle est ensuite retournée dans Charlevoix, en laissant dans la région quatre de ses enfants, pour finalement y décéder en 1877, à l’âge de 84 ans.
« Dans le premier recensement de 1851, son nom et celui de ses fils ne figuraient nulle part », mentionne Jérôme Gagnon.
Le professeur explique qu’après avoir travaillé sur les terres, les colons retournaient généralement passer l’hiver dans leur paroisse d’origine et qu’ils revenaient au printemps.
« C’est ce qui a dû se passer pour Marguerite Belley. Ils ont pris des terres et quand le recenseur est passé en 1851, ils n’étaient pas là, suppose-t-il. Mais il y a beaucoup d’imprécisions et d’aléas dont on n’a aucune preuve. »
Le premier à faire mention de la veuve Maltais comme fondatrice de Jonquière est le curé de Chicoutimi Dominique Racine, qui était aussi un proche de la famille. « On peut se demander s’il n’a pas voulu être agréable avec ceux qui l’accueillaient à l’occasion », questionne Jérôme Gagnon.
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Personnage historique ou non ?
« Finalement, on n’a pas vraiment de réponse, constate le professeur d’histoire. Ce serait super intéressant que ce soit elle, la fondatrice de Jonquière, parce que ça aurait été la seule femme dans ce boys club de fondateurs, mais je penche plutôt vers les recherches de Russel-Aurore et je ne pense pas qu’il y en ait de plus approfondies. »
Il note cependant que conférer le statut de personnage historique à Marguerite Belley serait une belle justice pour toutes les femmes anonymes qui font partie des familles fondatrices ou qui ont participé à la fondation d’une ville.
« Il y a des femmes qui ont peut-être joué un rôle décisif pour faire rester des hommes dans la région. Il y aurait une espèce de justice, mais bon, l’histoire, c’est l’histoire », raconte Jérôme Gagnon, tout en gardant à l’esprit que les femmes n’avaient pas de droits légaux à l’époque.
Selon lui, la meilleure idée serait de faire des recherches approfondies pour déterminer qui sont les fondateurs, en incluant Marguerite Belley et ses fils, et les honorer comme il se doit, le cas échéant.
« Il y avait des gens qui habitaient là avant la colonisation, Cyriac Buckell ou Simon Ross, sans oublier les entrepreneurs forestiers comme William Price et Peter McLeod, qui faisaient des chantiers dans le canton de Jonquière », de conclure Jérôme Gagnon.
Le Conseil local du patrimoine tiendra une séance ouverte au public le 21 juillet, au cours de laquelle les intéressés pourront soumettre leur avis. Le conseil municipal de Saguenay procédera quant à lui à l’adoption du règlement lors de la séance du 6 septembre, au Vieux Théâtre de La Baie.