Les dernières données disponibles sur les réinfections au Québec remontent malheureusement à la fin de 2021 [https://bit.ly/3PqEaCT], mais on peut se faire une idée à quel point c’est devenu plus fréquent en regardant le cas de l’Angleterre. Là-bas, au 1er janvier 2021 (moyenne 7 jours), on comptait 94 réinfections sur 56 000 cas confirmés de COVID, soit moins de 0,17 % du total. Au 1er janvier de cette année, les réinfections représentaient près de 10 % de tous les cas. Et au 5 juillet dernier, date des dernières données complètes disponibles, cette proportion avait dépassé les 22 %, soit 5600 réinfections sur 25 000 cas.
Le hic, cependant, est qu’on n’a pas encore une idée claire des risques à long terme qui viennent (ou non) avec ces deuxièmes ou troisièmes infections — et les subséquentes, puisque l’on doit désormais «vivre avec le virus». «Il y a des données qui vont dans les deux sens : plus de risques ou moins de risques viennent avec les réinfections, mais souvent ces données-là concernent les variants Delta et ceux qui étaient là avant. Et il n’est pas sûr que l’on puisse les généraliser à Omicron et ses sous-variants», dit Nathalie Grandvaux, chercheuse en virologie à l’Université de Montréal.
A priori, on pourrait penser qu’à mesure qu’on se réinfecte, les risques de garder des séquelles permanentes ou de faire une «COVID longue» (des symptômes qui persistent pendant des mois) diminuent à chaque fois. Après tout, les conséquences de ce type sont généralement associées aux formes les plus graves de la maladie et des travaux, notamment dans le New England Journal of Medicine, ont trouvé qu’avoir déjà eu la COVID réduisait de 90 % le risque de devoir être hospitalisé, de se retrouver aux soins intensifs ou de décéder d’une nouvelle infection au SRAS-CoV-2. Alors logiquement, le risque de séquelles prolongées doit descendre lui aussi, non?
Risque de mortalité plus grand
On peut certainement penser que cela joue un rôle (positif) dans tout cela, mais cela n’empêche pas qu’une des très rares études à s’être penchée sur les effets à long terme des réinfections a quand même trouvé toute une série de risques qui semblent être cumulatifs : à chaque fois qu’on rattrape la COVID, le risque total augmente un peu. Parue ce mois-ci en «prépublication» — ce qui signifie qu’elle n’a pas encore passé à travers les étapes de révision par les pairs menant à la publication en bonne et due forme dans la littérature scientifique; on doit donc la considérer avec prudence —, elle a suivi près de 300 000 vétérans de l’armée américaine qui avaient eu au moins un diagnostic de COVID entre mars 2020 et septembre 2021, dont 39 000 ont rattrapé le virus dans les six mois suivants.
Résultat : comparés à ceux qui n’avaient eu la COVID qu’une seule fois, ceux qui l’avaient eu deux fois ou plus avaient un risque de mortalité (toutes causes confondues) 2,1 fois plus grand au bout de six mois, un risque d’hospitalisation (toujours sans égard à la cause) 3 fois plus élevé et avaient 1,8 fois plus de chance de souffrir encore d’au moins une séquelle de la COVID. On ne sait pas jusqu’à quel point ces résultats sont valables pour la population générale (l’échantillon étudié était relativement âgé) et les mécanismes par lesquels les réinfections au SRAS-CoV-2 viendraient ajouter un peu de risque à chaque fois ne sont pas clairs. Il se peut que des organes (poumons ou autres) soient endommagés, que le système immunitaire soit un peu déréglé par la COVID, etc., ce qui rendrait les «survivants» un peu plus vulnérables à chaque fois.
Mais il se peut aussi, il faut le souligner, qu’une partie de ces résultats s’explique par ce que les statisticiens appellent des «facteurs confondants». On peut imaginer, par exemple, que les personnes plus fragiles ou dont le système immunitaire est moins performant sont plus susceptibles que les autres d’attraper le même microbe plusieurs fois et en même temps plus à risque de mourir ou d’être hospitalisées. Les auteurs de l’étude ont tenté de contrôler ce facteur le plus possible en faisant des ajustements statistiques pour une foule de choses (le fait d’avoir un cancer ou le VIH, prendre depuis plus de 30 jours des médicaments comme les corticostéroïdes, qui affaiblissent la réponse immunitaire, etc.), mais ils admettent eux-mêmes dans leur article que leurs données ne permettaient peut-être pas de contrôler toutes les variables pertinentes. «C’est clair que les réinfections ne sont pas aléatoires, a indiqué Ziyad Al-Aly, chercheur à l’Université de Washington et auteur principal de l’étude, lors d’un échange de courriels avec Le Soleil. Les gens qui sont réinfectés peuvent être plus malades et avoir un système immunitaire plus faible, ou avoir d’autres caractéristiques qui les prédisposent à être réinfectés et qui sont en même temps associées à des pronostics défavorables.
«Mais malgré cela, ajoute-t-il, nous croyons que se réinfecter équivaut à un nouveau coup de dés à chaque fois : cela ajoute des risques. Alors il est préférable de l’éviter. Limiter les réinfections sera le principal défi dans notre gestion de la pandémie.»
Reste que, comme tant d’autres études sur les effets à long terme de la COVID, celle-là a porté sur la période pré-Omicron. Or, souligne Mme Grandvaux, la COVID a suffisamment changé de comportement d’un variant à l’autre pour qu’on se méfie des généralisations. Par exemple, Omicron est connu pour échapper assez facilement à des anticorps qui, autrement, étaient très efficaces contre Delta et les variants antérieurs. De même, la «famille» Omicron elle-même a évolué : on sait que la première souche d’Omicron restait plus dans les voies respiratoires supérieures et descendait moins dans les poumons (ce qui la rendait possiblement moins virulente), mais des données préliminaires suggèrent que les sous-variants plus récents BA.4 et BA.5 semblent avoir réacquis une bonne affinité pour les poumons.
«Et ça [le fait d’infecter le haut ou le bas de l’appareil respiratoire], ça ne déclenche pas du tout la même défense immunitaire, donc c’est très difficile de dire si ça va avoir le même impact à long terme, dit Mme Grandvaux. […] Pour Omicron, on est rendu à sept mois environ de circulation, donc ce n’est que maintenant qu’on va pouvoir commencer à avoir des données sur les conséquences à long terme.»
Histoire à suivre, donc...